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COUR D'APPEL DE PARIS.

L'enfant qui a pour lui le titre et la possession apparente de l'état de fils legitime est-il dispense de rapporter l'acte de célébration du mariage de ses përe et mère, lorsque l'un d'eux est encore vivant? (Rés. nég.) Cod, civ., art 197.

LE MINEUR FURST, C. LES HÉRITIERS FURSt.

La demoiselle Georgy et le sieur Furst ont vécu long-temps comme époux.-Leur union a donné naissance à un enfant, qui a été baptisé comme né de la demoiselle Georgy et du sieur Furst, unis en legitime mariage. Cette heureuse illusion se prolonge en faveur de l'enfant jusqu'au décès du père; mais alors le voile de la fiction tombe, et fait place à la vérité: car au moment de l'apposition des scellés, la demoiselle Georgy reconnaît elle-même qu'il n'a jamais existé entre elle et le sieur Furst d'autre lien que celui d'une tendre amitié, Mais la déclaration de la mère n'étant pas décisive pour l'état de l'enfant, le subrogé tuteur de ce dernier n'en demande pas moins l'envoi en possession 'des biens délaissés par le sieur Furst. - Il prétend que l'enfant dont on conteste l'état ne peut être équitablement obligé qu'à produire son extrait de naissance; que c'est là le monument qui fixe son rang dans le monde, et dont la possession d'état achève de cimenter la stabilité; il ajoute que l'acte de mariage des père et mère est en quelque sorte étranger à l'enfant, et qu'exiger de lui la représentation de ce titre, ce serait le plus souvent le réduire à l'impossible. Enfin, le subrogé tuteur invoque les art. 319 et 320 du Code civil, qui disposeut que la filiation des enfans légitimes se prouve par l'acte de naissance inscrit sur les registres de l'état civil; et, à son défaut, par la possession constante de l'état d'enfant légitime, et il en conclut que son pupille a plus de preuve de sa légitimité que la loi n'en exige, puisqu'au titre de sa filiation il joint encore une possession d'état conforme et non interrompue d'enfant légitime du sieur Furst.

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Les héritiers Furst s'opposent à la prétention du subrogé tuteur; ils soutiennent que les art. 319 et 320 du Code civil sont sans application à l'espèce, la légitimité de l'enfant étant contestée; que, dans ce cas, c'est dans la disposition de l'art. 197 qu'il faut chercher la solution du problème; mais qu'alors le problème n'existe plus, puisque l'article cité ne dispense l'enfant de représenter l'acte de mariage de ses père et mère qu'autant que tous deux ont cessé de vivre, hypothèse qui ne se rencontre pas ici.

Le 16 juillet 1807, jugement du tribunal civil de la Seine, ainsi conçu :

Attendu qu'aux termes du Code civil, lorsque deux individus ont vécu publiquement comme mari et femme, et que la légitimité des enfans vient à être contestée, cette légitimité ne peut être prouvée que de deux manières: ou par la représentation de l'acte de célébration du mariage de leurs père et mère, si tous deux ou l'un d'eux seulement sont encore vivans, ou par une possession d'état conforme à leur naissance, si les père et mère sont décédés; — Attendu que cela résulte des art. 194,195 et 197, du Code; - Attendu que, dans l'espèce, le mineur Furst ne représente pas l'acte de célébration de mariage de la demoiselle Georgy sa mère avec le sieur Furst son père, ainsi qu'ils sont qualifiés dans l'acte de naissance dudit mineur Furst; Attendu que ledit sieur Furst est décédé, et que la demoiselle Georgy, vivante, non seulement ne représenté pas ledit acte de célébration de mariage, mais même a déclaré devant le juge de paix, lors des scellés apposés après le décès du sieur Furst, qu'il n'avait jamais existé, et qu'elle n'avait point été mariée avec ledit Furst;Attendu que, dans cet état de choses, le mineur Furst ne pourrait même être admis à établir sa légitimité, en prouvant qu'il a constamment joui de l'état d'enfant légitime du sieur Furst et de la demoiselle Georgy, conformément à son titre; que les art. 319, et suivans du chap. 2 du tit. 7 du Code ne peuvent être invoqués dans l'espèce, puisqu'ils ont pour objet de disposer comment se prouve la filiation des enfans

légitimes, c'est-à-dire des enfans dont la légitimité se trouvé déjà prouvée de la manière prescrite par les art. 194, 195 et 197 ci-dessus, et par conséquent ne peut être contestée; qu'enfin il s'agit dans les art. 319 et suivans de savoir si un tel est fils de tél et telle, et que dans les art. 194 et suivans on examine si un tel est fils légitime d'un tel et d'une telle dont le mariage est contesté; - Attendu qu'il suit de là que le mineur Fürst n'est pas fils légitime, mais seulement fils, naturel du sieur Furst et de la demoiselle Georgy, le tribunal ordonne, etc.

Appel par le subrogé tuteur; et, le 20 mai 1808, ARRÊT de la Cour d'appel de Paris, par lequel :

« LA COUR,-Attendu qu'aucun indice ne s'élève contre la sincérité de la déclaration faite par la dame Françoise Georgy, adoptant au surplus les motifs des premiers juges; -- ORDONNE que le jugement attaqué sortira son effet. >>

COUR D'APPEL DE RENNES.

La séparation de corps prononcée pour cause de sévices et injures graves peut-elle autoriser l'époux qui l'a obtenue. à demander la révocation des donations qu'il a faites à l'autre par leur contrat de mariage? (Rés: aff.) Cod. civ., art. 299, 306, 955.

LE SIEUR C..., C. LA DAME T...

La jurisprudence des Cours d'appel a varié sur cette question: quelques unes l'ont résolue dans le même sens que la Cour de Rennes ; d'autres l'ont jugée en sens contraire. Mais depuis, la jurisprudence a été définitivement fixée sur ce point par divers arrêts de la Cour de cassation, qui ont unanimement décidé que les donations par contrat de mariage sont irrévocables, sans distinguer celles faites aux époux, par des étrangers, des donations des époux entre eux; qu'à ce principe général le législateur n'a fait exception que pour le cas du divorce, auquel la séparation de corps ne peut être

Tome IX.

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assimilée; qu'ainsi la séparation prononcée même pour cause de mauvais traitemens n'autorisait pas l'époux qui l'avait obtenue à demander la révocation des avantages qu'il avait faits à l'autre par le contrat de mariage (1).

Nous reviendrons sur cette importante question; toutefois il était nécessaire de mettre le lecteur en garde contre l'influence que l'arrêt de la Cour de Rennes pourrait exercer sur son opinion.

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La dame T..., ayant à se plaindre des excès et sévices 'auxquels son mari se portait envers elle, et des injures graves dont il l'accablait, forma contre lui une demande en séparation de corps. Cette demande fut admise, et la séparation prononcée par arrêt du 19 février 1807.-En exécution de cet arrêt, la dame T... poursuivit la liquidation de ses droits et reprises; elle demanda, en même temps, la révocation de la donation de survie qu'elle avait faite à son mari dans leur contrat de mariage, ce qui lui fut accordé jugement du 11 juillet suivant, conçu en ces termes :

par un

« Considérant...... que, d'après l'art. 306 du Code civil, les causes déterminées pour autoriser le divorce sont les mêmes pour les séparations de corps; - Que les mêmes causes doivent produire les mêmes effets; d'où il résulte que l'art. 299 du même Code, qui prive l'époux contre lequel le divorce a été prononcé, hors le cas d'un consentement mutuel, de tous les avantages à lui faits par l'autre époux, soit par leur contrat de mariage, soit depuis, reçoit une application nécessaire aux séparations de corps;-Le tribunal donne acte à la demanderesse de sa déclaration de révoquer tous les avantages qu'elle fit à son mari par son contrat de mariage, et en déclare déchu le sieur C... »

Ce dernier appela de ce jugement. Il soutint qu'encore bien que les causes de séparation fussent les mêmes que celles

(1) Arrêt du 17 juin 1822, qui sera classé dans l'ordre chronologique; — arrêt du 19 août 1823, rapporté tom. 1er de 1824, p. 452; 30 mars 1824, rapporté tom. 3 de cette même année, p. 241.

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arrêt du

du divorce, il ne s'ensuivait pas qu'il y cût identité daus leurs effets; qu'il n'y avait, à cet égard, aucune ressemblance entre le divorce, qui rompt le lien du mariage, et la séparation, qui le laisse subsister et qui peut cesser par l'effet d'une volonté contraire; que la séparation des biens, conséquence nécessaire de la séparation de corps, cessait aussi par la réunion des époux d'où il fallait conclure que la loi n'avait pu vouloir anéantir les avantages stipulés entre eux; que cette conséquence résultait du discours de présentation de ce titre du Code civil au Corps législatif par M. Portalis, et de l'explication qu'en a donnée M. Lacré, dans l'Esprit du Code, tom. 3, p. 351 et suivantes.

L'intimée fondait essentiellement sa défense sur les motifs du jugement attaqué.

Le 21 mai 1808, ARRÊT de la Cour d'appel de Rennes, par lequel :

« LA COUR, Considérant que le législateur a établi la double action en divorce et en séparation de corps, afin de laisser aux époux la faculté de prendre, suivant leur croyance et le culte qu'ils professent, l'une ou l'autre voie, quand, au lieu du bonheur qu'ils se proposaient en s'unissant, la vie commune leur devient insupportable; - Considérant que le mari qui, à raison d'excès, sévices ou injures graves, oblige la femme à demander et à faire prononcer la séparation de corps, se rend par-là même indigne des avantages qu'elle lui avait faits en considération de la tendresse et des bons traitemens qu'elle en attendait : le Code civil n'a pas dit, à la vérité, ainsi qu'il l'a fait pour le divorce, que l'époux contre lequel la séparation de corps aura été admise perdra les avantages que l'autre époux lui aura faits par contrat de mariage; mais lorsqu'il a posé des exceptions à la règle de l'irrévocabilité des donations entre vifs, il a statué, art. 955`, que la donation pourra être révoquée, si le donataire s'est rendu coupable envers le donateur de sévices ou injures graves; Considérant que la donation mutuelle que l'appelant et l'intimée se sont faite par leur contrat de mariage du 7

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