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que le cheval acheté par La Planche est réellement- atteint de la morve. En conséquence, le même jour, le maire de Saint-Arsanne donne ordre de l'abattre et de l'enfouir. La Planche forme alois contre Voisard une demande en remboursement du prix. Voisard répond qu'il n'est pas prouvé que le cheval fût déjà majade au jour de la vente; et, le 23 décembre 1807, jugement du tribunal de Saint-Hippolyte, qui, sur ce motif, déboute La Planche de sa demande et le condamne aux dépens.

Sur l'appel, La Planche soutient que, pour que l'action rédhibitoire soit admise, il suffit que le vice qui en est l'objet soit constaté dans les quarante jours à partir de la vente; que si, pour avoir un recours utile contre le vendeur, il failait nécessairement lui signaler à l'instant même de la vente ́le vice qui affecte l'objet acquis, jamais, ou presque jamais, il n'y aurait lieu à exercer l'action rédhibitoire, puisqu'il est évident que, si l'acheteur eût connu le vice, il n'aurait point contracté; et que, d'un autre côté, c'eût été encourager la fraude et la mauvaise foi que d'exiger qu'elles fussent découvertes alors même qu'elles prenaient le plus de précautions pour ne point se trahir.

A ces moyens l'intimé opposait la doctrine de Póthier et de plusieurs autres auteurs, d'après lesquels, pour que le vendeur soit tenu à la garantie, il faut que l'acheteur prouve que le vice de la chose vendue existait dès le temps du contrat. Du 13 juillet 1808, ARRÊT de la Cour d'appel de Besançon, par lequel:

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« LA COUR, Considérant que la prescription de quarante jours, fixée pour l'exercice de l'action rédhibitoire, emporte présomption légale que l'animal qui, pendant ce délai à dater de la vente, est attaqué d'un vice rédhibitoire, en était déjà affecté lors de la vente; que ce point est d'autant plus certain, que les trois maladies de chevaux appelées pousse, morve et courbature, sont dans leur principe réputées cachées et ne deviennent sensibles, même pour ceux qui sont experts en cette partie, que lorsqu'elles ont fait dés

progrès considérables; que dès lors l'acheteur qui prouve que, dans le délai de quarante jours, l'animal qui lui a été vendu est affecté de l'une des maladies ci-dessus mentionnées, justifie par-là suffisamment qu'il a droit à l'action rédhibitoire ; que c'est d'autant mieux le cas de faire ici l'applieation de ces principes, qu'à Porentruy, comme dans la cidevant province de Franche-Comté, les usages en cette matière sont les mêmes; d'où il résulte que le jugement dont est appel doit être réformé; Sans prendre égard à la vente du 122 juin 1807, qui est déclarée résiliée, CONDAMNE Voísard à rendre et rembourser à l'appelant la somme de 168 fr., prix de ladite vente, avec intérêts du jour de la demande et aux dépens. »

COUR D'APPEL D'AIX.

Après le décès du mari, ses collatéraux peuvent-ils attaquer l'état d'un enfant né constant le mariage, élevé et traité dans la maison conjugale comme enfant légitime, sur le prétexte que l'acte de naissance est irrégulier, parce qu'il ne désigne pas le père sous ses véritables noms? (Rés. nég. ) Et plus particulièrement, ces héritiers, à l'effet d'établir que l'enfant n'est pas celui du mari, peuvent-ils être admis à prouver l'impuissance prétendue de ce dernier? (Rés. nég.) Cod. civ., art. 320, 321, 515 et 317.

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ANGE-MARIE, C. LES HÉRITIERS GUZANNO.

Ši les législateurs, disait le célèbre Cochin, n'avaient pris aucune précaution pour fixer l'état des hommes, les citoyens ne pourraient se connaître entre eux que par la possession: telle était la règle qui les distinguait seule, avant que les Etats policés eussent établi des lois sur une matière si importante, Les familles se formaient par des mariages publics; les enfans étaient élevés dans la maison des père et mère, comme les fruits précieux de l'union conjugale; les rapports des différens membres d'une famille se confirmaient de jour en

jour par la notoriété; ils se connaissaient, ils étaient connus des autres comme frères et sœurs, comme oncles et neveux, par cette habitude journalière de se traiter récíproquement dans ces différentes qualités. C'était donc la possession seule qui fixait l'état des hommes, c'était l'unique espèce de preuve qui fût connue; et qui aurait voulu troubler cette possession, en supposant un état et une filiation contraire à celle qui était annoncée par cette lougue suite de reconnaissance, aurait troublé toute l'harmonie du genre humain. Les législateurs ont cru devoir porter plus loin les mesures que leur sagesse leur a inspirées. On a eru que si, au moment de la naissance de chaque citoyen, son état était consigné dans des registres publics, ce genre de preuve ajouterait un nouveau degré de force à l'état qui devait être 'établi dans la suite par la possession, ou que, si la possession, par quelques circonstances impossibles à prévoir, pouvait devenir équivoque, le titre primordial pourrait en réparer les vices et venir au secours du citoyen privé des avantages d'une reconnaissance solennelle : c'est donc ce qui a introduit l'usage des registres publics prescrits par nos ordonnances. C'est sur ces deux genres de preuves que porte l'état des hommes...

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Ou l'on est attaqué dans un état dont on est en possession, ou l'on réclame un état dont on n'a jamais joui. Dans le premier cas, la posesssion suffit à celui qui est attaqué; iln'a pas besoin de recourir aux monumens publics, ni à aucun autre genre de preuves: il possède, et à ce seul titre on ne peut pas hésiter à le maintenir. Dans le second cas, celui qui réclame un état dont il n'a jamais joui, trouvant le même obstacle de la possession, ne peut réussir dans son entreprise, s'il n'a en sa faveur des titres solennels qui prouvent que la passion et l'injustice l'ont dépouillé. Ainsi la pos session publique, qui décidait seule avant l'établissement des registres publies, conserve toujours son premier empire, et c'est elle qui forme toujours la preuve la plus éclatante, la plus décisive. 1, . aliços

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Cette théorie d'un orateur dont le nom sera toujours cher u barreau a paru si sublime, si conforme aux principes et x règles de l'équité, qu'elle a été consacrée en entier par les rédacteurs du Code civil. La filiation des enfans légitimes, porte l'art. 319, se prouve par. les actes de naissance inscrits sur le registre de l'état civil; et l'article 320 dispose qu'à défaut de ce titre, la possession constante de l'état d'enfant légitime suffit.

« L'usage des registres, a dit M. le conseiller d'État BigotPréameneu, dans son discours de présentation, n'est pas très-ancien : c'est dans des temps plus modernes encore qu'ils ont commencé à être tenus plus régulièrement. Ils ont été établis en faveur des enfans, et seulement pour les dispenser d'une preuve moins facile. Le genre de preuve le plus ancien, celui que toutes les nations ont admis, celui qui embrasse tous les faits propres à faire éclater la vérité, celui sans lequel il n'y aurait plus rien de certain ni de sacré parmi les hommes, c'est la preuve de la possession constante de l'état d'enfant légitime. » .

Ainsi, et dans l'économie de la loi, et d'après l'opinion des jurisconsultes qui ont concouru à sa rédaction, l'enfant que ses père et mère unis légitimement ont constamment traité comme le sont les enfans légitimes n'a rien autre chose à prouver que cette possession; et si elle est constante, son état, indépendamment de l'absence ou de l'irrégularité de l'acte inscrit aux registres publics, est désormais inattaquable. Le mari lui-même ne serait pas recevable à désavouer et méconnaître pour son fils celui qu'il aurait éduqué et traité comme tel; il ne le pourrait pas, même sous prétexte de son impuissance naturelle, aux termes de l'art. 313 du Code civil. Comment ses héritiers pourraient-ils done être admis à contester l'état de l'enfant, sur la simple allé-. gation d'un fait dont le décès du mari rend la preuve impossible?

Le 19 août 1795, Etienne Guzanno épouse Catherine Bregliano. Dans les années 1801 et 1802, naquirent de ce máTente IX.

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riage deux filles qui moururent au berceau. Le 26 janvier 1804 naquit encore du même mariage une autre fille nommée Ange-Marie. Les deux premières sont déclarées, dans leurs actes de naissance, filles d'Étienne Guzanno et de Câtherine Bregliano, mariés. Ange-Marie, au contraire, est seulement inscrite comme fille de Catherine; le silence sur le nom du père est expliqué par ces mots latins : Vide particulum secretum asservatum a præposito. Quoi qu'il en soit, il paraît qu'Ange-Marie a toujours joui de son état de fille légitime d'Étienne Guzanno, qu'elle a été élevée dans la maison conjugale, et traitée par les deux époux comme leur enfantcommun, jusqu'au décès du père, arrivé le 9 mai 1805. Les héritiers collatéraux d'Étienne Guzanno se sont emparés de sa succession, et ont contesté l'état d'Angé-Marie, en démandant à prouver 1° qu'elle n'était point la fille d'Étienne Guzanno, attendu l'impuissance notoire de celui-ci ; 2o qu'elle était la fille adultérine d'un autre Guzanno, neveu du défunt; 3o que celui-ci, par son testament olographe, l'avait désavouée pour sa fille.

Le 2 janvier 1807, jugement du tribunal civil de San Remo, qui rejette la preuvé testimoniale offerte par les heritiers, et maintient l'enfant dans la possession de fille légitime, etc...

Sur l'appel, les collatéraux disaient: L'état d'un enfant n'est inattaquable que lorsque la possession et le titre viennent con.courir en sa faveur. Mais si l'une ou l'autre de ces conditions manque, l'état de l'enfant peut être contesté par tous ceux qui ont intérêt à le faire. Voilà ce qui résulte de l'article 522 du Code civil. L'article 323 porte aussi que l'enfant inscrit sous de faux noms, ou comme né de père et mère inconnus, peut, sur des présomptions graves, être admis à prouver sa filiation par témoins; mais par une juste réciprocité, la preuve contraire peut se faire, aux termes de l'article 325, par tous les moyens propres à établir que le réclamant n'est pas l'enfant du mari. Or c'est bien ici l'hypothèse à laquelle s'applique le dernier artiele cité. Car si Ange-Marie, qui n'a

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