Images de page
PDF
ePub

conseil de famille n'est point une vaine et insignifiante for malité: c'est une autorité tutélaire qui, placée entre la loi e les passions d'autrui, protége l'une sans trop froisser les au tres. L'interdiction d'un citoyen, la nomination d'un tuteu à un malheureux orphelin, ne sont point des choses indiffé rentes ni étrangères au ministère de la justice. Si, dans de pareilles hypothèses, la famille doit être consultée, il faul au moins s'assurer que sa délibération est dictée par la sagesse et le véritable intérêt du pupille ou de la personne à interdire; et la loi, à cet égard, ne pouvait trouver de garantie plus sûre que la présence du magistrat conciliateur aux délibérations du conseil de famille. Arbitre d'autant plus impartial qu'il est sans intérêt personnel, ses observations persuadent, ses conseils dirigent, son autorité réprime; et dans le conflit des passions qui souvent agitent les assemblées de ce genre, la justice est assurée, autant que possible, que la foi a été observée et que sa délibération le fruit d'un juste discernement. Mais alors le rôle du juge de paix n'est point un rôle purement passif et qui se borne la présidence du conseil. L'art. 416 du Code civil veut ex pressément qu'il y ait voix délibérative et prépondérante, e cas de partage: donc, et par une conséquence nécessaire, ce magistrat ne prend point une part active à la délibération elle est radicalement nulle, parce que le vœu de la loi n pas été rempli. La Cour d'appel de Bordeaux l'a ainsi juge dans l'espèce suivante.

François Palant-Lamirande était tuteur de ses enfans mi neurs; mais sa destitution a été demandée et prononcée par délibération d'un conseil de famille, le 6 avril 1807, homo loguée le 18 du même mois. Lamirande interjette appe du jugement d'homologation, et en demande la nullité aussi bien que de la délibération du conseil de famille, attends que cette délibération porte avec elle la preuve matériell que le juge de paix n'y a pris aucune part, et qu'il s'es borné à présider l'assemblée : ce qui est une contravention à l'art. 416 du Code.

Le 21 juillet 1808, ARRÊT de la Cour d'appel de Bordeaux, MM. Durantheau et Roullet avocats, par lequel :

« LA COUR, Attendu que le juge de paix est membre né du conseil de famille; qu'il doit délibérer, et que sa voix est même prépondérante en cas de partage; que cela résulte des dispositions textuelles des art. 407 et 416 du Code civil; Attendu que la délibération homologuée par le jugement dont est appel établit que le juge de paix n'y a pris auchure part et qu'il s'est borné à présider l'assemblée, ce qui est une contravention aux articles précités;- REÇOIT François Pa-lant-Lamirande opposant envers l'arrêt du 16 janvier der

nier; - Remet les parties au même état où elles étaient änparavant; ~ Et faisant droit de l'appel interjeté par ledit Palaut-Lamirande, du jugement rendu par le tribunal de première instance de Confolens, le 18 avril 1807; - A mis et met l'appel et ce dont a été appelé au néaut; -Emendant, annulle la délibération du conseil de famille des mineurs Palant-Lamirande, du 6 avril 1807, Fait mainlevée de l'amende à raison de l'appel, et compense les dépens. »

COUR DE CASSATION.

Un tribunal de première instance peut-il statuer en dernier ressort sur la demande en paiement d'une rente en grains qui n'est évaluée en argent ni quant à son capital ni quant à ses arrérages échus, (Rés. nég. )

TISON D'ARGENCE, C. CHABOREAU.

Le 7 prairial an 13, les sieurs Jomard Tison d'Argence ont cité devant le tribunal civil de Parthenai le sieur Chaboreau, à fin de paiement 1o de dix-huit années d'arrérages d'une rente foncière de dix boisseaux seigle, de dix sous d'argent, et d'un chapon; 2o des intérêts du montant de ces arrérages. Les conclusions des sieurs Tison d'Argence avaient encore pour objet le service à l'avenir de la rente qui leur était due, et la remise d'un titre nouvel de la part du sieur Chaboreau.

[ocr errors]

Le tribunal civil de Parthenai, par jugement du 26 février 1806, qualifié en dernier ressort, a déclaré ces demandes mal fondées.

Pourvoi en cassation pour excès de pouvoir et violation de l'art. 5, titre 4, de la loi du 24 août 1790.

[ocr errors]

1

Et, le 25 juillet 1808, ARRÊT de la section des équêtes, an rapport de M. Liger-Verdigný, par lequel :

[ocr errors]

« LA COUR, — Vu l'art. 5, titre 4, de la loi du 24 août 1790; Attendu, en droit, qu'il résulte de la disposition de la loi précitée que les juges de première instance ne peuvent statuer en dernier ressort que jusqu'à concurrence de 1,000 f. de principal dans les affaires personnelles et mobilières, et de 50 fr. de revenu déterminé, soit en rente, soit pour prix de bail dans les affaires réelles; Attendu, en fait, que la demande sur laquelle il a été statué en dernier ressort avait pour objet la prestation d'une rente de dix boisseaux de seigle, de dix sous en argent, et d'un chapon, et le paiement de dix-huit années d'arrérages de cette rente, sans aucune détermination de prix; d'où il suit que le tribunal de première instance de Parthenai n'a pu, en l'état, prononcer en premier et dernier ressort, sans commettre un excès de pouvoir et sans violer l'article de la loi précité; Par ces motifs, CASSE et ANNULLE, etc. »

Nota. La Cour de cassation avait déjà décidé la question dans le même sens par arrêt du 6 mai 1807', rendu au rapport de M. Oudart, sur le pourvoi d'un sieur Maneis, contre un jugement du tribunal civil de Caen qui l'avait condamné, en dernier ressort, à servir une rente foncière de douze boisseaux froment, et à en passer au créancier un titre nouvel.

[ocr errors]

Voici la teneur de cet arrêt : « La Cour, vu l'art. 5, titre 4, de la loi du 24 août 1790; Attendu que la rente ellemême dont la prestation avait été demandée, par le sieur Convert de Coulon était l'objet de la contestation'; qu'en effet le défendeur soutenait qu'elle était seigneuriale, qu'elle était prescrite, et qu'enfin il ne représentait pas celui qui

s'était soumis à l'acquitter; - Attendu que la valeur de cette rente était indéterminée, et qu'ainsi le tribunal de l'arrondissement de Caen n'a pu statuer en dernier, ressort sur cette contestation, sans violer la loi citée ;-Par ces motifs, CASSE et ANNULLE, etc. »

COUR DE CASSATION

La succession d'une femme mariée qui, lors de son décès, arrivé sous l'empire du Code civil, vivait depuis plusieurs années volontairement séparée de son mari, s'ou-" vre-t-elle au lieu du domicile de celui-ci? (Rés. aff.) Cod. civ., art. 108.

La déclaration des héritiers, au greffe du tribunal civil du lieu de la résidence de la femme, qu'ils ne prenaient cette qualité que sous bénéfice d'inventaire, emportet-elle de leur part reconnaissance que la succession s'est ouverte dans ce lieu? (Rés. nég.) Cod. civ., art. 793, 1356, 307.

A

LES DAMES DE LA BEAUME, C. LES CRÉANCIERS DE LA DAME THESAN. La femme mariée, tant que le mariage existe, ne fait qu'une seule et même personne avec son mari; elle est soumise à sa puissance; elle ne peut avoir d'autre domicile que le sien, quand même elle résiderait ailleurs, soit de son consentement, soit par tolérance. L. 38, § 9, ff., ad municipal. et de incól.; L. unic., Cod., de mulierib. et in quo loco. Art. 108 du Code civil. Elle conserve même ce domicile après la mort de son mari, tant qu'elle n'a pas manifesté l'intention de s'en constituer un autre. Vidua mulier domicilium amissi mariti retinet. L. 22, § 1, ad municipal. et de incol.

La femme séparée judiciairement a au contraire un domicile qui lui est propre. (Pothier, Traité du Contrat de mariage, no 522.) Un'arrêt de la Cour souveraine de Nanci, du 21 novembre 1765, a jugé que le mari ne pouvait même pas la gêner dans le choix du domicile qu'elle voulait prendre.

Ces principes sont adoptés par M. Merlin. Voici comme s'exprime ce profond jurisconsulte, dans le Répertoire de ju risprudence, v Domicile, §5 « Nul doute que le choix d'un autre domicile ne soit parfaitement libre à la femme séparée. Pourquoi, en effet, le Code civil veut-il que la femme mariée n'ait point d'autre domicile que celui du mari? C'est, comme le disait M. Mouricault, tribun, dans, soa discours au Corps législatif, parce que le devois la tient auprès de son mari; qu'elle n'en peut être légitimement éloignée que par la séparation de corps, le divorce ou la mort; qu'elle peut être forcée de retourner à lui quand elle le délaisse; qu'elle ne peut en conséquence avoir de résidence distincte que par l'effet d'une espèce de délit de sa part, on d'une tolérance momentanée de la part de son mari. — Or toutes ces raisons cessent à l'égard de la femme légalement séparée de corps et de biens. »>

Mais la femme qui, du simple consentement de son mari, vit séparée de lui et prend une autre résidence, perd-elle le domicile marital? Non, car les séparations volontaires, et seulement de fait, ne produisent aucun des effets de la séparation légale et judiciaire. La femme conserve le domicile de són mari; elle reste soumise à sa puissance; la communauté continue. Tous les jurisconsultes sont d'accord sur ce point. (Sauvageau, liv. 1, ch. 220; Dufail, liv. 1, ch. 144; Boniface, t. 1, liv. 5, tit. 18, ch. 1, et t. 4, liv. 5, tit. 14, ch. 2; Augeard, t. 1, § 69. Arrêt du parlement de Paris, du 4 mai 1695, rendu sur les conclusions de M. d'Aguesseau.)- On trouve cependant deux arrêts contraires, l'un du parlement de Metz, du 23 novembre 1637, l'autre du parlement de Paris, du 21 octobre 1711, mais rendus dans des circonstances particulières. Ces arrêts n'out pas nui au principe géné Talement admis dans l'ancienne jurisprudence, et reproduit dans l'art. 307 du Code civil, que toute séparation volontaire ne produit aucun effet.'

[ocr errors]

Eh! qui ne sent que la dignité du mariage, le sort des enfans, intéressent trop essentiellement l'ordre public pour qu'il

« PrécédentContinuer »