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l'emphytéôte, bien que propriétaire à temps, ne réunit pas moins en sa personne toutes les prérogatives de la propriété. Il faut encore en conclure que le jugement qui a cousacré la doctrine contraire est en opposition avec les principes et les lois, et qu'il doit être réformé.

Voici ce que répondaient les intimés :

Les lois qui ont supprimé les prestations féodales ont toutes été rendues en faveur des propriétaires, et non des fermiers. En effet, la loi du 1er décembre 1790 a soumis les fermiers et les colons des fonds dont les fruits étaient sujets à la dîme à payer aux propriétaires la valeur des dîmes supprimées. Et pourquoi la loi a-t-elle imposé cette condition aux fermiers? C'est par une raison tout à la fois sensible et équitable; c'est parce que, si la dîme n'eût pas existé, le propriétaire aurait loué son domaine beaucoup plus cher ; c'est parce qu'il était juste de faire jouir du bénéfice de la suppression celui sur lequel avait pesé, pendant un trop long temps, l'impôt supprimé; et ces raisons s'appliquent évidemment à l'hypothèse: car il est certain que, si le moulin concédé n'eût pas été chargé d'une redevance envers le marquisat de Trenelle, si les appelans n'eussent pas été obligés par leur bail d'acquitter cette redevance, il est bien certain, encore une fois, que l'auteur des intimés eût exigé de l'emphytéote une rente annuelle bien plus considérable. Or, puisque la prestation supprimée représente une portion du prix du bail, Roger et sa femme sont mal fondés dans leur prétention de s'en affranchir, d'autant plus que leur condition n'est empirée en aucune manière, car il n'y a là qu'une interversion de rôle. Autrefois ils payaient la redevance au seigneur de Trenelle, aujourd'hui ils la paieront au propriétaire. Leur obligation reste toujours la même.

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Inutilement on oppose qu'un emphytéote est un propriétaire, qu'il doit par conséquent jouir du bénéfice de la sußpression pendant la durée de sa jouissance!

Il ne faut pas confondre l'emphytéose perpétuelle, introduite par le droit romain, avec le bail à longues années, ad

miş dans nos usages particuliers. On qualifie assez improprement parmi nous de beaux emphyteotiques tous ceux qui excèdent neuf années: car ces baux, à la seule différence de leur durée, ne sont rien autre chose que des baux ordinaires, qui par conséquent ne constituent point de véritable aliénation. Cela est si vrai, que le bail emphyteotique, n'engendrait point de lods et ventes en faveur du seigneur direct de l'héritage, et que la cession de ce bail par le preneur ne donnait point ouverture aux droits seignenriaux. Lacombe cite à ce sujet un grand nombre d'autorités qui ont fait regarder cette maxime comme constante et certaine.

Il n'y a' d'aliénation proprement dite que dans le cas de l'emphytéose perpétuelle, qui, comme le bail à rente foncière, dépouille réellement le bailleur de la propriété, qui est transmise au preneur, sous la seule réserve d'une prestation annuelle, soit en fruits, soit en argent..-- Pothier, examinant la question de savoir à qui du propriétaire ou du fermier doit profiter la partie qui est accrue à l'héritage par alluvion, décide la question en faveur du propriétaire. « Il est vrai, ajoute cet auteur, que dans le contrat de vente ce qui est accru depuis le contrat et avant la tradition peut être prétendu par l'acheteur; mais c'est parce que depuis le contrat la chose est aux risques de l'acheteur; et qu'il est juste que celui qui aurait souffert la perte de la chose ait le bénéfice de l'augmentation. Mais dans le contrat de louage, ajoute Pothier, la chose est entièrement aux risques du locateur, et non à ceux du conducteur: ce n'est donc pas le conducteur, mais le locateur, qui doit avoir le bénéfice de l'accrue survenue à l'héritage pendant le bail. »

Cette doctrine s'applique très-naturellement à l'espèce: car il est de principe que, si le fonds concédé à titre d'emphyteose vient à périr, cette perte est pour le compte du bailleur ou du propriétaire direct; l'emphyteote est affranchi de la prestation stipulée par le bail. Si le fonds ne périt qu'en partie, il a également l'initiative de s'en décharger par le déguerpissement, ou de provoquer la diminution de. sa redeyance.

Or il est de toute justice que le propriétaire direct, qui aurait souffert la perte de la chose, ait, comme le dit Pothier, le bénéfice de l'augmentation.

Dans l'espèce, la suppression de la prestation féodale dont le moulin de Besmont était grevé est un véritable accroissement à la propriété, puisqu'il augmente la valeur du fonds: donc, et par une conséquence nécessaire, c'est le propriétaire direct qui doit en profiter.

Du 19 août 1868, ARRÊT de la Cour d'appel de Paris, prémière chambre, plaidans MM. Moreau et Jeanson, par lequel:

« LA COUR, -Faisant droit sur l'appel interjeté du jugement rendu au tribunal civil de Nogent-sur-Seine, le 27 juillet 1807;-Attendu qu'un preneur à titre d'emphyteose est le véritable propriétaire à temps, et que la redevance dont il s'agit est inhérente au fonds;-A MIs et MET l'appellation et ce dont est appel au néant, quant aux chefs attaqués ; émendant, décharge Roger et sa femme des condamnations contre eux prononcées; faisant droit au principal, déboute Lenoir et sa femme et la veuve Audouillé, ès noms, de leur demande à fin de paiement de la redevance seigneuriale supprimée dont il s'agit. »

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Nota. L'auteur de ce recueil a eu l'occasion de discuter avec deux jurisconsultes justement célèbres, MM. Poirier et Porcher une question qui a beaucoup d'analogie avec celle-ci : il s'agissait de savoir à qui, du propriétaire ou du · fermier à vie, doit profiter la suppression d'un droit de pêche dont jouissait le seigneur avant les lois abolitives de la féodalité. La question fut résolue en faveur du propriétaire, sur le motif qu'un bail à vie ne transfère au fermier aucun droit de propriété sur le fonds, à la différence de l'emphytéose qui donne au preneur le droit d'aliéner, d'hypothéquer, etc.

COUR D'APPEL DE COLMAR.

en vertu

Si la contrainte par corps est exécutée, non pas du jugement qui l'a prononcée, mais bien en conséquence de l'arrêt confirmatif, doit-on également observer un jour de délai entre la signification de l'arrêt et l'exécution de la contrainte? (Rés. aff.) Cod. de proc. civ., art. 780, 794

Le créancier qui, dans l'hypothèse, a fait arréter prématu rément son débiteur, lui doit-il des dommages et intérêts, comme garant du fait de l'huissier qu'il a employé ? (Rés. aff.) Cod. de proc., civ., art. 799.

Peut-il, dans ce cas, exercer son recours contre l'huissier qui a fait l'emprisonnement avant l'expiration du délai prescrit? (Rés. aff. ) Cod. de proc. civ., art. 1051.

SCHWING, C. Helds.

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Helds obtient au tribunal de commerce de Strasbourg deux jugemens contre Schwing, avec contrainte par corps. Sur l'appel de ces deux jugemens, il intervient un arrêt confirmatif. Cet arret est signifié à Schwing le 13 juin 1808, et le même jour il est arrêté. Il se pourvoit en nullité de son emprisonnement devant le tribunal civil de Strasbourg, et motive sa demande sur la violation de l'art. 780 du Code de procédure civile; mais elle est rejetée.

Sur l'appel, Schwing reproduit le même moyen de nullité, · et prétend que, dans l'économie de l'article 780, aucune contrainte par corps ne peut être mise à exécution qu'autant qu'il se serait écoulé le délai d'un jour depuis la signification du jugement qui la prononce; que cette disposition libérale et philanthropique a pour unique objet de laisser au, débiteur, toujours malheureux, le temps nécessaire pour se procurer les moyens d'exécuter la condamnation sans compromettre sa liberté; et que dès lors l'ar précité du Code de

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procédure doit s'appliquer au cas où la contrainte par corps est exécutée en vertu d'un arrêt souverain, comme à l'hypothèse où elle s'exerce en, vertu d'un jugement de première instance, parce que dans l'un et l'autre cas la position du débiteur est la même; que d'ailleurs le mot jugement dout se sert la loi doit être pris dans une acception générique et doit s'entendre des décisions judiciaires.en général, c'est-àdire des arrêts des Cours d'appel de même que des jugemens de première instance; et que prétendre restreindre l'art. 780 à ces derniers seulement, c'est misérablement équivoquer, c'est dénaturer le sens de cet article, et méconnaître l'esprit dans lequel il a été rédigé. L'appelant concluait en conséquence à ce que son emprisonnement fût déclaré nul, et l'intimé condamné en ses dommages et intérêts, suivant l'art. 799 du même Code.

Helds répliquait que l'art. 78p du Code de procédure ne parle que des jugemens qui prononcent la contrainte par corps, et non des arrêts qui les confirment; que ceux qu'il avait obtenus contre l'appelant, les 25 juillet 1806 et 18 mars 1808, lui avaient été signifiés en leur temps, et par conséquent à des époques bien antérieures à son emprisonnement; que le seul effet de l'arrêt confirmatif est de rendre aux jugemens de condamnation leur force exécutive, suspendue par l'appel: en sorte que c'est moins en vertu de l'arrêt confirmatif qu'en conséquence des jugemens' confirmés, que l'exécution de la contrainte a lieu; que d'ailleurs il ne dépend pas d'un débiteur récalcitrant ou de mauvaise foi d'entraver la marche rapide de la justice et de multiplier, au moyen d'un fol appel, les délais des significations. D'où l'intimé concluait que l'emprisonnement était valable, et la demande en nullité dénuée de fondement. Il ajoutait que, lors même que l'emprison ́nement serait déclaré nul, l'action en dommages et intérêts ne devait pas moins être écartée, parce que, la nullité procédant uniquement du fait de l'officier ministériel que la loi oblige d'employer, c'était à lui seul que l'appelant devait s'adresser pour les obtenir.

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