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les-mêmes se sout imposée. C'est aussi ce qui semble résulter des motifs de l'arrêt qu'on vient de rapporter.

COUR DE CASSATION.

Celui qui, ayant payé un supplément pour des lettres de change acquittées dans l'étranger, vient demander le remboursement de ce supplément à son endosseur, peutil former cette demande devant le tribunal du lieu où les lettres de change avaient été négociées, plutôt que de la porter devant le juge du domicile du défendeur? (Rés. nég.) C. de proc. civ., art. 59, 181, 420.

Lorsqu'un tribunal est incompétent pour connaître d'une demande principale, le garant qui est appelé devant ce tribunal peut-il décliner sa juridiction, quand bien même le garanti l'aurait reconnue? (Rés. aff.)

LE SIEUR D'HERVAS, C. LE SIEUR MAYSTRE.

En l'an 11, plusieurs traites, formant une somme de 15,500 pistoles, furent tirées, pour le compte du sieur d'Hervas, banquier à Paris, sur un négociant de Madrid. Ces traites furent ensuite passées à l'ordre du sieur Després, banquier à Paris. Celui-ci les fit négocier à Gênes par le sieur Maystre. Elles furent acquittées en papier-monnaie que le gouvernement espagnol venait d'émettre. Les porteurs de ces traites. réclamèrent du sieur Maystre une indemnité proportionnée la différence du montant des traites avec la valeur du papier-monnaie qu'ils avaient reçu. Le sieur Maystre adopta, pour régler cette différence, le taux déjà fixé dans de semblables paiemens par le tribunal de' commerce de Gênes, c'est-à-dire quinze pour cent. Il paya donc, sans aucune discussion, les quinze pour cent du montant des traites, ce qui forma une somme de 27,155 fr. 55 c.

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Au mois de février 1807, le sieur Maystre forma contre le sieur Després, son endosseur, une demande en remboursement de ce supplément ou de cette différence pour le papier

donné en paiement. Cette demande, qui était une action principale, au lieu d'être portée devant le juge du domicile du sieur Després, fut formée devant le tribunal de commerce de Gênes. Le sieur Després appela en garantie le sieur d'Hervas, et reconnut la compétence du tribunal de cominerce de Gênes; mais le sieur d'Hervas déclina au contraire la juridiction de ce tribunal, se fondant sur ce que le sieur Després était domicilié à Paris.

Le 7 avril 1807, jugement par lequel le tribunal de Gênes, sans avoir égard au déclinatoire du sieur d'Hervas, le condamne à garantir le sieur Després pour le remboursement de l'indemnité ou supplément payé par le sieur Maystre.

Pourvoi en règlement de juges de la part du sieur d'Hervas, Il a d'abord invoqué le principe de droit commun, en matière d'ajournemens, Actor sequitur forum rei. Ila opposé l'art. 59 du Code de procédure, qui veut qu'en matière personnelle la demande soit portée devant le tribunal du do micile du défendeur. A la vérité, a-t-il dit ensuite, tout garant est tenu de procéder devant le tribunal saisi de la de mande originaire; mais cette disposition de l'art. 181 du Code judiciaire suppose que le tribunal est compétent pour statuer sur cette demaude originaire. Il en est tout autrement lorsqu'au contraire ce même tribunal est saisi d'une action dont il ne peut connaître: alors le garant peut décliner sa juridiction. Or, ajoutait-il, l'action intentée par le sieur May tre, contre le sieur Després, est une action principale en matière personnelle. Celui-ci était domicilié à Paris: il ne pou vait donc être assigné devant le tribunal de commerce de Gênes. C'était celui de Paris qui seul était compétent. Si le sieur Després a reconnu la compétence du tribunal de Gènes, cela n'a pas donné plus de pouvoir à ce tribunal. Le sieur d'Hervas avait le droit de décliner sa juridiction. L'acquiescement d'un tiers n'a pu lui ôter ce droit ui lui causer aucun préjudice: donc ce même tribunal doit être déclaré incom pétent et son jugement considéré comme non avenu.

Le sieur Maystre s'est appuyé sur l'art. 17 du tit. 12, de

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l'ordonnance de 1673, et sur l'art. 420' du Code de procé-, dure, lesquels permettent d'assigner devant le tribunal dans l'arrondissement duquel la promesse a été faite et la marchandise livrée (1). Or, disait le sieur Maystre, les lettres de change négociées à Gênes n'étaient autre chose qu'une marchandise vendue et livrée dans la même ville. Cette circonstance avait donc rendu le tribunal de commerce seul compétent pour les discussions qui étaient la suite de ces lettres de change.

Le 4 octobre 1808, ARRÊT de la Cour de cassation, section des requêtes, M. Lachèze rapporteur, MM. Darrieux et Delagrange avocats, par lequel:

« LA COUR, -Sur les conclusions de M. Giraud, substitut du procureur-général; — Attendu que si, par l'art. 17 du tit. 12 de l'ordonnance de 1673, le législateur a permis de déférer aux juges des lieux où la marchandise est livrée la connaissance des discussions qui en sont la suite, cette règle. n'en est point une pour les négociations des lettres de change; Attendu qu'il n'existe point d'instance à Gênes entre les ci-devant porteurs de lettres de change et la partie de Delagrange (le sieur Maystre); que celle-ci, ayant payé, sans discussion judiciaire, la différence réclamée par eux, n'a exercé contre le sieur Després qu'une action principale qui devait se porter devant les juges du domicile du défendeur; qu'en s'abstenaut d'exciper de l'incompétence du tribunál de Gênes, lesieur Després n'a pu nuire aux droits de la partie de Darrieux (lésieur d'Hervas), ni autoriser le tribunal à rejeter le déclinatoire proposé par cette dernière; - RENVOIE la cause et les parties devant le tribunal de commerce de la Seine. »

(1) Ces deux articles n'étaient point applicables à l'espèce: car, en supposant que la négociation des lettres de change à Gênes pût être assimilée à une marchandise livrée, il est évident que la promesse n'y avait pas été faite, puisque les lettres de change avaient été souscrites à Paris.

COUR DE CASSATION.

Le compromis passé avec le curateur d'un absent qui n'était point autorisé à compromettre est-il nul dans l'intérêt de l'absent? (Rés. aff.) Cod. civ., art. 114.

Cette nullité peut-elle étre invoquée même par les autres parties capables de compromettre? (Rés. aff.) Cod. civ.,

art. 1125.

LES HÉRITIERS LETELLIER, C. LA DAME LESAGE.

La première question ne présente point de difficulté sérieuse. Le curateur d'un absent n'est que administrateur provisoire des biens de ce dernier. Chargé, par la nature de ses fonctions, de veiller essentiellement à la conservation des droits de celui qu'il représente, il ne peut point transiger sur ses intérêts; et comme le compromis est une espèce de trapsaction, il est incapable de compromettre, à moins d'une autorisation spéciale, d'autant plus qu'aux termes de l'art. 114 du Code civil, le Ministère public doit être entendu sur toutes les demandes qui concernent les absens.

T

Le second problème paraîtra peut-être plus difficile à résoudre. Pourquoi, dira-t-on, le compromis nul dans l'intérêt de l'absent n'aurait-il pas l'effet de lier entre elles les parties capables de compromettre? Pourquoi cette nullité purement relative profiterait-elle à l'une d'elles? pourquoi lui fournirait-elle le moyen de manquer à sa parole, de se soustraire à ses engagemens? Si l'absent n'a pas été valablement représenté, si son curateur n'avait pas le pouvoir de compromettre, qu'en résulie-t-il? Qu'il doit être réputé non partie dans le compromis. Mais cela n'empêche pas qu'il ne soit valable, a l'égard des autres : car quand on pourrait placer l'absent dans la catégorie la plus favorable, dans l'hypothèse d'un mineur, par exemple, eh bien! le mineur, suivant l'opinion de tous les auteurs, ne relève le majeur qui a traité conjointement avec lui que dans les choses indivisibles.

Quoi qu'il en soit, il faut convenir que ces observations, très-judicieuses peut-être dans certaines hypothèses, tombent à faux dans le cas d'un compromis, qui est un acte synallagmatique, et qui conséquemment doit engager toutes les parties, ou ne lier aucune d'elles. Quel est l'objet d'un compromis? C'est de terminer une contestation. D'où il suit que, si l'un des contractans n'est pas lié par le compromis, la contestation n'est point irrévocablement terminée, elle peut se reproduire de nouveau; done le but des parties est manqué; donc il n'y a point de compromis.

Il s'agissait, dans l'espèce, de la succession de Jérome Letellier, décédé célibataire le 14 nivôse an 2. Diverses bran ches d'héritiers collatéraux se sont présentées pour recueillir sa succession, et chacune d'elles, comme cela arrive presque toujours, prétendait exclure toutes les autres.

Par un compromis passé le 18 brumaire an 15, là contestation fut soumise à des arbitres, avec soumission, de la part de toutes les parties, d'exécuter la décision arbitrale sans appel ni recours en cassation. Du nombre des héritiers prétendans se trouvait un sieur Philippe, alors absent. Marguerite Chaulin, son épouse et sa curatrice, stipula pour lui dans le compromis.

Le 9 uivôse an 15, les arbitres rendirent un jugement qui ordonna le partage égal de tous les biens entre tous les héri-'. tiers indistinctement, sans égard à la prétention d'une dame Lesage, qui voulait exclure les autres du partage des meubles et acquêts.

Mécontente de cette décision, la dame Lesage a demandé la nullité du compromis et du jugement arbitral, sur le fondement que le sieur Philippe, quoique absent, avait été représenté dans l'un et dans l'autre par sa curatrice, non autorisée à transiger par le conseil de famille ce qui était une contravention à l'art. 467 du Code civil.

Les autres héritiers la soutenaient non recevable, parce que cette nullité, existât-elle, était purement relative à l'in

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