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textuellement autorisée par le nouveau droit, devait être proscrite par les tribunaux, avec d'autant plus de raison qu'elle n'a d'autre objet que de favoriser une résistance irrévérentielle de la part des enfans envers les dernières volontés de leur père, lorsqu'elles ne seraient pas conformes à leurs intérêts; qu'elle exposerait les testamens à l'arbitraire, et au résultat des dépositions de quelques témoins ignorans ou subornés; que la loi n'avait pas voulu soumettre les testateurs à rendre compte des motifs de leurs dispositions; et qu'au surplus il n'était pas prouvé, dans l'espèce, que le testament attaqué eût été dicté par la colère.

Le sieur Sauveur Viale répondait qu'il était aussi contraire à la loi qu'à la raison de supposer qu'un acte qui était nul dans une forme pût être valable dans une autre; que cette transformation arbitraire contrariait toutes les idées reçues et qu'elle était une véritable atteinte portée au respect dû à la volonté des morts; qu'il n'était donné à aucune puissance humaine de faire que celui qui avait fait ou voulu faire un testament mystique n'eût fait réellement qu'un testament olo, graphe, qu'il aurait accompagné de formalités superflues et sans objet. Le législateur a sagement déterminé, disait-il, les formes qui appartiennent à chaque espèce de testament; et, de même qu'il n'est point permis de revêtir le testament mystique de celles qui sont propres au testament par acte public, celui-ci des formes du testament olographe, de même, lorsque le testateur a déclaré vouloir tester sous une des formes que la loi offre à son choix, il n'est pas au pouvoir du magistrat de supposer qu'il ait pu vouloir tester sous une autre forme. S'il pouvait en être autrement, la peine de nullité prononcée par l'art. 1001 du Code civil pour inobservation des formalités auxquelles les divers testamens sont assujettis serait le plus souvent illusoire, puisqu'on aurait un moyen facile de l'éluder; et il invoquait, à l'appui de son système, la doctrine de Serres, en ses Institutes du Droit français, liv. 2, tit. 1o, §3; celle de Ricard, en son Traité des Donations, part. ire, no 1609; celle de M. Grenier, en

son Traité des Donations et des Testamens, 2o part., chapit. er sect. 3, no 276. Le testament de Sébastien Viale, considéré sous un autre point de vue, ajoutait-il, ne serait pas moins nul, Il a été fait sous l'influence d'une passion haineuse, qui égavait sa raison et son jugement: dès lors il n'était pas sain d'esprit, comme le veut l'art. 901 du Code civil. L'ancien droit admettait la nullité des testamens faits ab irato; le nouveau ne contient rien de contraire à ce principe, autrefois constant; et il citait, sur ce point, d'Aguesseau, dans son 29o Plaidoyer, et Raviot, sur Duperrier, Quest. 269. Le 18 janvier 1808, ARRÊT de la Cour d'appel d'Aix, MM. Fabry et Manuel avocats, par lequel:

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« LA COUR, — Considérant que le matériel des dispositions testamentaires de Sébastien Viale et de l'enveloppe qui les contenait n'offre rien qui puisse appeler le soupçon; Que Sauveur Viale a d'ailleurs reconnnu que le testament était entièrement écrit, daté et signé, par son père; - Considérant qu'il a dit expressément, dans le corps du testament et dans l'acte de suscription, que sa disposition était entièrement écrite et signée de sa main, ce qui est dirė, en termes différens, qu'elle était ólographe; Qu'elle n'était effectivement rien de plus le 25 frimaire, jour où elle fut faite; d'où suit cette conséquence, qu'en la dépouillant de la forme ́mystique, qu'il ajouta le lendemain, il resterait toujours la forme olographe de la veille; Considérant que Sébastien Viale, loin de s'asservir à aucune forme particulière de tester, a expressément déclaré vouloir que ses dispositions valussent omni meliore modo, clause qui démontre que son intention a été d'adopter de préférence la forme, quelle qu'elle fût, qui ferait valoir ses dispositions; Que dès lors, et quand même il serait vrai, en thèse générale, que le testateur qui a choisi une espèce de testament ne peut s'écarter des solennités exigées pour la forme préférée, et qu'il n'est pas permis de lui en substituer une autre, lors même que cette opinion, soutenue par quelques auteurs et combattue par un plus grand nombre, serait un principe, ce principe

serait inapplicable à la cause, où il est constaté que le testateur a déclaré présenter.au notaire un testament olographe, dont il avait prescrit l'exécution de la meilleure manière quelconque;-Que, le testament réunissant toutes les caractères du testament olographe, la précaution de le cacheter et de le présenter en cet état à un notaire et à des témoins n'est plus qu'une solennité surabondante, qui, manquât-elle de régularité, ne saurait vicier une disposition déjà valable et régulière en elle-même comme olographe; — Considérant que la solution de la question précédente rend vicieux tout examen des formes extérieures de l'acte, et si le notaire et les témoins avaient les qualités requises, l'un pour recevoir l'acte de suscription, les autres pour y assister......;

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Sur l'action ab irato, Considérant, en droit, que, si cette action n'est pas nommément conservée par le Code civil, le principe d'où elle descend n'a pas été oublié, puisque l'art. 9o a déclaré que, pour faire un testament, il fallait être sain d'esprit; Que, dans cette matière, l'action ne doit être admise qu'avec une grande réserve, et quand des circonstances graves et constatées obligent de croire que la disposition a été dictée par une passion qui a ôté la liberté d'esprit, et capable d'atténuer la raison; Considérant, en 'fait, qu'il n'est aucune preuve de cette colère, que l'on suppose avoir dicté les dispositions de Sébastien Viale; - Que le testament contient, au contraire, la preuve écrite et irrécusable et du véritable motif de sa disposition et de son affection pour son fils, et même de la prédilection qu'il conserva pour lui; Que cette preuve se tire de l'obligation imposée au petit-fils de porter le nom de Viale, à peine de déchéance du legs; de la répartition égale entre son fils et ses filles, dans le cas où le légataire encourrait la déchéance; de la faculté de choisir entre toutes les portions, concédée à Sauveur Viale, au préjudice de ses sœurs et du légataire du quart disponible; Que cette disposition explique le mot ingrat, inséré dans le testament, en corrige l'âpreté, et ne permet pas de penser que le testateur l'eût employé autrement que

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comme indiquant un fils qui ne répondait pas entièrement à l'affection de son père; mais que cette opinion n'a point ulcéré le cœur paternel, ni même altéré ses sentimens de prédilection pour son fils, puisqu'il n'a pas cessé d'être juste et bienfaisant envers lui: juste, en l'appelant ainsi que ses sœurs au partage égal de la portion disponible; bienfaisant, en lui donnant sur elles l'avantage de choisir le lot qu'il préférera................ ; — Faisant droit aux fins et conclusions des parties, A ORDONNÉ et ORDONNE que le testament de Sébastien Viale, ́ du 25 frimaire an 12, sera exécuté suivant ses forme et teneur, etc...... »

COUR DE CASSATION.

La nullite prononcée par l'art. 896 du Code civil affecte-telle également la substitution et l'institution? (Rés. aff.) LE SIEUR JEAN-PIERRE RAYET, C, LE SIEUR GUILLAUME Rayet.

Les termes dans lesquels est conçu l'art. 896 du Code civil sont assez précis pour qu'il ne soit pas permis de douter que le législateur ait voulu annuler simultanément l'institution et la substitution. It porte que « toute disposition par la« quelle le donataire, l'héritier institué, ou le légataire, sera chargé de conserver et de rendre à un tiers, est nulle, « même à l'égard du donataire, de l'héritier institué, ou du «<légataire ».

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Cependant, avant que l'arrêt de la Cour de cassation fût venu fixer la jurisprudence sur ce point, elle n'était pas uniforme; et il avait été rendu des décisions contraires, sur le fondement que cet article avait été dicté par le même esprit que les lois des 17 nivôse et 22 ventôse an 2, qui n'annulaient que la substitution, et laissaient exister l'institution. Mais les raisons d'analogie que les Cours d'où émanaient les arrêts précités avaient cru trouver entre l'une et l'autre législations n'existaient réellement pas. Les lois intermédiaires dis

posaient pour des successions déjà ouvertes, et dont se trouvaient en possession les premiers appelés; elles ne pouvaient annuler la disposition dans toutes ses parties, sans rétroa-' gir, sans blesser des droits acquis: voilà pourquoi elles n'annulaient que la substitution. Tandis que le Code civil ne statue que pour les successions qui s'ouvriront, à l'avenir, pour un cas où les choses sont entières, où l'institué et le substitué sont au même état, où il n'y a rien de réel et d'actuel que la volonté exprimée par le testateur ou le donateur: il a donc pu régler les effets de cette volonté, et le sort de la disposition dans toutes ses parties.

Le sieur Pons Rayet institua, par testament du 24 juin 1787, le sieur Jean-Pierre Rayet son frère, pour son héritier universel en tous ses biens meubles et immeubles, à la charge de rendre l'entière hérédité, sans distraction de quarte, à la fin de ses jours, ou plutôt, si bon lui semble, à l'aîné de ses enfans males habile à lui succéder, et, à défaut de male, à l'aînée de ses filles.

Pons Rayet mourut après la publication de Code çivil, laissant pour successeurs naturels ses deux frères, JeanPierre Rayet, son héritier testamentaire, et Guillaume Rayet.

Celui-ci, qui trouvait dans le testament de son frère un obstacle à ce qu'il prit part à sa succession, en demanda la nullité, 1o parce qu'il contenait une institution universelle, qui avait été anéantie par les lois des 17 nivôse et 22 ventôsé an 2; 2o comme contenant une substitution fidéicommissaire déclarée nulle par l'art. 896 du Code civil, nullité qui, selon lui, entraînait celle de l'institution.

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27 prairial an 12, jugement du tribunal civil de Cahors qui prononce la nullité du testament, par le premier motif, et qui ne s'explique pas șur le second. C'est, cependant, celui-ci qui fixa particulièrement l'attention des juges d'appel, et qui servit de fondement à l'arrêt de la Cour d'Agen, du 30 avril 1806, qui confirma par ce nouveau motif seulement la nullité prononcée par les premiers juges. Cette Cour

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