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Les frères Cornisset se sont rendus appelans et ont insisté au partage en trois lots tirés au sort, tel que l'avait propose d'abord M. de Berulle, et qu'ils y avaient eux-mêmes conclu, en exigeant seulement que les experts déclarassent avant tout si le bois des Chauffours pouvait ou non commodément se partager.

Cette déclaration, ont-ils dit, est exigée par l'art. 824 du Code civil, où on lit que le procès verbal des experts est:mateurs doit présenter les bases de l'estimation, indiquer si l'objet estimé peut être commodément partagé et de quelle manière, fixer enfin, en cas de division, chacune des parts qu'on peut en former, ainsi que leur valeur.

C'est pourquoi les tribunaux doivent, avant tout, s'assurer si les immeubles indivis sont susceptibles de division en autant de parts qu'il y a de copartageans.

En supposant que les bois des Chauffours soient partageables, il doit en être fait autant de lots qu'en exigent les droits des parties. Tel est le vœu de l'art. 851 du Code civil. Les premiers juges sont tombés dans l'arbitraire en assignant le point dans lequel chacun des copartageans devrait prendre le sien. Ils ont évidemment violé la loi qui veut qu'ils soient déterminés par le sort. Leur décision ressemble plus à une composition qu'à une disposition judiciaire. Ils n'ont pas moins enfreint la loi en prescrivant aux experts de ne point rappeler les lots au taux commun de l'estimation par des retours ou soultes, puisque l'art. 835 veut que, si l'obligation de ne pas morceler et de ne pas diviser les exploitations celle de faire entrer dans chaque lot la même quantité d'immeubles (1), produisent de l'inégalité dans les lots en nature, cette inégalité soit compensée par un retour, soit en rente, soit en argent.

Il résulte encore de ces dispositions que, contre ce qui

(1) Art. 832 du Code civil,

a été décidé par le tribunal de Paris, la loi veut, dans le partage du bois des Chauffours, que chaque lot comprenne le tiers de la surface, sauf à couvrir la différence des valeurs par un rapport numérique. Ainsi la décision des premiers juges ne saurait échapper à la censure de la Cour.

M. de Berulle s'est attaché à établir qu'une pièce de terre de deux cents arpens était essentiellement partageable; que l'art. 824 du Code ne s'appliquait qu'à un objet susceptible de présenter des doutes sur la possibilité de sa division en autant de parts qu'il y aurait de copartageans, surtout si, parmi eux, il y en avait dont les droits fussent très-modiques; mais qu'ici ne se trouvant que deux partageans, il était évidemment inutile d'exiger des experts une déclaration de cette nature, d'autant mieux que, s'ils eussent opiné pour la licitation et opéré en conséquence, les juges eussent dû passer outre et ordonner une composition de lots. Le législateur a disposé pour les cas le plus ordinaires : dès que l'on sort de la thèse commune, et que ce qu'il a réglé ne trouve plus d'application, c'est une superfétation de surcharger le travail des experts; cela ne peut tendre qu'à entraver l'opération et à la rendre plus dispendieuse.

Il résulterait d'ailleurs de là que les experts seraient pour ainsi dire maîtres de forcer la licitation contre toute évidence, suivant leurs passions ou l'influence qu'ils auraient reçue.

Si les juges peuvent s'écarter de leur avis, lorsque leur conviction est différente, ne peuvent-ils pas également, quand cette conviction est formée d'avance, sans le secours des experts, prononcer qu'il y a lieu de partager?

Secondement, les rédacteurs du Code ont statué pour le cas où les lots seraient égaux, Ce cas devait arriver journellement, par l'appel de tous les successibles à recueillir, dans une proportion uniforme, les biens d'un défunt, ou par tête ou par souche. Mais leur disposition n'est pas tellement limitative qu'elle exclue les circonstances où les droits des parties seraient inégaux; ce qui arrive pour les sociétés aux

quelles ce mode de partage héréditaire s'applique. Il peut se faire que deux particuliers aient acquis ensemble un même objet, dans des proportions très-éloignées; par exemple, l'un pour un vingtième, et l'autre pour le surplus. Ne serait-ce pas prêter au législateur une absurdité, de prétendre qu'il eût voulu soumettre la chose commune à souffrir une division en vingt parties, dont l'un en prendrait dix-neuf, et son copropriétaire une seulement; le tout par la voie du sort, qui placerait peut-être le possesseur du vingtième au milieu des propriétés de son communiste? Dans de telles conjonctures, s'attacher à la lettre de la loi ce serait en contrarier l'esprit et vouloir blesser les intérêts respectifs des parties.

En troisième lieu, dès que chacun doit obtenir le plus possible en nature, il résulte que c'est suivre l'esprit de la loi d'éviter les retours, lorsqu'il y a moyen de rendre les lots égaux en s'attachant moins, dans leur composition, à l'étendue superficielle qu'à la valeur estimative. L'art. 832 né demande la même quantité d'immeubles dans chaque lot qu'autant que cela est possible, eu égard à leur valeur, sauf à compenser l'inégalité par des retours, de manière qu'il y a lieu à retour, uniquement lorsqu'on ne peut en nature atteindre à une valeur uniforme. Voilà ce qu'ont décidé les premiers juges, et leur opinion est fondée sur le vrai sens de la loi.

Du 19 janvier 1808, ARRÊT de la Cour d'appel de Paris, troisième chambre, présidée par M. Agier, plaidans MM. Gicquel et Gayral, par lequel :

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« LA COUR, Sur la première question; - Attendu que, bien qu'il soit évident qu'une pièce de bois de cent hectares. est essentiellement divisible, et qu'il soit même vraisemblable qu'elle peut se diviser commodément, néanmoins il est absolument possible que, par l'effet des circonstances locales, Ja division ne puisse pas avoir lieu sans inconvénient pour les parties, et sans dépréciation de l'immeuble à partager; que c'est pour cela que la loi, art. 824 du Code civil, statue, par une disposition générale, que, dans tous les cas de partage et quel qu'en soit l'objet, les experts nommés pour l'estimation des

immeubles commencent par indiquer, dans leur procès ver bal, si l'immeuble estimé peut être commodément partagé qu'il peut en résulter des abus par la complaisance coupable des experts, qui, à la sollicitation de quelques unes de parties ou de leurs avoués, et pour donner lieu à des licita tions, s'aviseraient de décider que les objets les plus divisi bles ne le sont pas; mais qu'ils ne font, après tout, que don ner un avis dont les magistrats sont les juges, qu'on est maî tre de ne pas suivre, s'il n'est fondé sur des motifs justes e raisonnables; Sur la seconde question, Attendu

que,

le Code civil dispose, art. 831, qu'après les prélèvemens faire par les cohéritiers, il sera procédé, sur ce qui reste dan la masse, à la composition d'autant de lots égaux qu'il y d'héritiers copartageans, c'est qu'il statue dans le cas le pla ordinaire, où les droits des copartageans sont égaux, et qu c'est pour cela que, dans cet article même, il parle de lot égaux; mais qu'il n'a nullement entendu par-là exclure l composition des lots dans les autres cas, où les droits des copar tageans se trouveraient inégaux; que la règle souveraine, e matière de partage, est l'égalité, dont la formation des lot et leur tirage au sort, prescrits par l'art. 834 du Code civil sont les seuls garans incontestables; qu'il faut conséquem ment s'attacher à ce mode, toutes les fois que les circonstances ne le rendent pas impraticable, comme il pourrai arriver si l'un des copartageans était fondé, dans l'immeubl à partager, pour une portion infiniment petite; qu'un minc objet nécessiterait des opérations aussi pénibles que dispendieuses; qu'un partage du tiers aux deux tiers n'entraîne pa cet inconvénient, puisqu'il n'exige que la formation de trois lots; qu'il peut même se faire avec de justes précau tions, conformément au von de la loi, de manière à ne pa morceler les exploitations, ni diviser l'héritage; qu'à l'égara de la convenance des parties, relativement aux immeuble qu'ils possèdent, autres que ceux dont il s'agit, elle n'es d'aucune considération dans un partage judiciaire; Sur l troisième question, Attendu que les premiers juges n'on

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point dit impérativement que les experts feraient les lots sans soulte; mais qu'ils ont seulement dit que, dans le cas que le sol attribué à l'une ou l'autre des parties se trouverait d'une qualité inférieure, ils indemniseraient cette partie par une plus grande étendue superficielle: en telle sorte que les copartageans fussent égalés, autant que faire se pourrait, en valeur, en proportion de leurs droits, sans retour ni souite de l'un envers l'autre : ce qui est raisonnable, et n'a rien de contraire à la loi; Faisant droit sur l'appel interjeté par les frères Cornisset, du jugement rendu au tribunal civil de Paris, le 17 juin dernier, Dir qu'il a été mal jugé aux premier et second chefs, sur lesquels porte l'appel des frères Cornisset, ensemble dans la disposition relative aux dépens; émeudant quant à ce, décharge les frères Cornisset des condamnations contre eux prononcées; Faisant droit au princi-. pal, ordonne que, par les experts qui procéderont à la visite des bois, il sera déclaré avant tout si, dans l'intérêt des parties, lesdits bois peuvent commodément se partager; comme aussi que, dans ce dernier cas, ils partagerout le tout en trois lots, de manière, s'il est possible, que chacun des lots communique aux deux autres, sans être obligé de passer sur le second pour arriver au troisième; lesquels trois lots seront tirés au sort, savoir, un par les appelans, et deux par l'intimé, etc.; le jugement au résidu, et par les motifs y exprimés, sortissant effet. »

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COUR DE CASSATION.

Lorsque le péril de la dot de la femme paraît suffisamment justifié par des pièces, les juges peuvent-ils prononcer la séparation de biens sans enquéte? (Rés. aff.) Cod. civ., art. 1443.

Le mari a-t-il le droit de contraindre son épouse à quitter le logement qu'ils avaient ensemble dans une maison propre à elle, pour le suivre dans une autre qui ne paraît conve

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