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Alors s'élevèrent les trois questions suivantes :

1o. La donation attaquée est-elle nulle parce que le tuteur l'a acceptée sans autorisation préalable du conseil de famille? 2o. Est-elle nulle au moins parce qu'elle n'a été acceptée ensuite par la donataire et son mari qu'après le décès de l'une des donatrices, et parce qu'elle n'a été transcrite au bureau des hypothèques qu'après ce décès? 3o. Enfin, en cas de nullité de la donation, Morand-Kleiber peut-il être tenu de garantir et indemniser sa pupille?

Le 13 décembre 1808, ARRÊT de la Cour d'appel de Colmar, MM. Chauffour, Simon et Mueg avocats, par lequel : « LA COUR, - Sur les conclusions conformes du procareur-général;-Attendu que l'art. 465 du Code civil porte à la vérité : « La donation faite au mineur ne pourra être « acceptée par le tuteur qu'avec l'autorisation du conseil de a famille....» Mais le législateur n'y a pas ajouté la clause irritante à peine de nullité, comme il l'a fait à l'art. 951, où il a voulu que tous actes portant donation entre vifs soient passés devant notaires, etc., à peine de nullité. Dans l'espèce, l'acceptation est contenue dans la donation même; elle pouvait avoir lieu après la donation, du vivant du donateur. Mais en ce cas la donation n' n'est pas annulée par le législateur: seulement elle n'a d'effet du jour que cette acceptation a été notifiée au donateur. L'art. 955 veut, il est vrai, que la donation faite à un mineur non émancipé soit acceptée par son tuteur, conformément à l'art. 463, mais, non plus que ce dernier article, il ne porte pas la peine de nullité.

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Attendu d'ailleurs que la nullité des actes passés avec des mineurs, pour omission de formalités, n'est jamais que relative au mineur; elle n'est établie que dans son intérêt ; lui seul peut s'en prévaloir; le majeur qui a contracté avec lui ne peut la lui retorquer. Ce principe, qui est ancien, a été consacré par notre nouvelle législation, entre autres par la loi du 4 germinal an 2, dont l'art. 5 porte : « Il ne peut y avoir « lieu à cassation au préjudice des mineurs, des interdits, « des absens indéfendus, des femmes mariées, des communes.

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«ou de la république, sous la prétexte que le Ministère.public « n'aurait pas été entendu dans les affaires qui les intéressaient, « et qui ont été jugées à leur avantage.»-Attendu ce qui tranche, au surplus, à cet égard, c'est la disposition de l'art. 1125 du Code civil, ainsi conçu : « Le mineur, l'interdit « et la femme mariée, ne peuvent attaquer, pour cause d'inca«pacité, leurs engagemens, que dans les cas prévus par la loi. « Les personnes capables de s'engager ne peuvent opposer « l'incapacité du mineur, de l'interdit ou de la femme maa riée avec qui elles ont contracté. » — Il y a plus, c'est qu'au cas particulier, la mère de la donataire a accepté la donation, ainsi que l'art. 935, déjà cité, lui en donnait la faculté: ainsi, sous ce point de vue, cette seconde acceptation suppléerait au besion à celle faite par le tuteur. Il est donc évident que, sous le rapport de l'acceptation, la donation dont s'agit est inattaquable. Attendu, quant à la transcription, de la donation, que la circonstance qu'elle n'a eu lieu qu'après le décès de l'une des donatrices ne saurait opérer la nullité de la donation. D'abord, le Code civil n'exige pas cette transcription avant le décès du donateur, ou, pour mieux dire, il ne fixe aucun délai dans lequel la transcription devra avoir lieu; et supposé, comme le prétendent les appelans, que la transcription remplace aujourd'hui l'insinuation voulue par l'ordonnance de 1731, cela deviendrait indifférent, puisque cette ordonnance accordait quatre mois pour insinuer, et que dans l'espèce la transcription a été faite dans ce délai. D'ailleurs, d'après l'art. 941, le donateur lui-même n'est pas recevable à opposer le défaut de transcription, à plus forte raison les appelans ne peuventils s'en faire un moyen, puisqu'ils n'ont pas plus de droit que Françoise Pflieger, la donatrice décédée. Il y a donc lieu, à tous égards, de confirmer le jugement dont est appel, qui a confirmé une donation faite par les soeurs Pflieger à leur petite-nièce, dans l'intention de lui procurer un établissement, lequel a eu lieu depuis, sous la foi de cet acte. Attendu, dès lors, qu'il n'y a plus à s'occuper de l'appel subsidiaire

qui devient sans objet ; et vu la parenté des parties, c'est le cas de compenser les dépens, hors en ce qui concerne le tu teur, qui, n'ayant eu en vue que l'avantage de son mineur, ne saurait être passible d'aucuns dépens; - Par ces motifs, DIT bien jugé, etc. »

COUR D'APPEL DE BRUXELLES.

L'hypothèque spéciale consentie par un des héritiers-sur un immeuble indivis de la succession se transfère-t-elle de plein droit et sans inscription sur les autres biens qui tombent, par l'effet du partage, dans le lot de cet héritier? (Rés. nég.)

LA VEUVE SIMON, C....

On peut grever d'hypothèque non seulement les choses. qu'on possède divisément, mais encore celles dans lesquelles on n'a qu'un droit indivis. Seulement, dans ce dernier cas, l'étendue de l'hypothèque se mesure sur l'étendue des droits du débiteur; elle affecte toute la portion de ce dernier, mais elle ne porte aucun préjudice aux droits de ses copropriétaires, Frater vester, sicut vobis invitis, portionem vobis competentem obligare non potuit: ita suam (portionem) dando obligationem creditori quæsivit. Unde intelligitis contractum ejus nullum præjudicium' dominio vestro facere potuisse. L. un., C., si communis res, etc.

Conformément à cette règle, on décidait autrefois qu'un héritier pouvait, avant le partage, hypothéquer la portion indivise qu'il avait dans la succession. Mais on tenait aussi que cette hypothèque, ainsi consentie en termes généraux, sur l'universalité de la succession indivise, se restreignait après le partage, et ne frappait plus que sur les objets échus à l'héritier débiteur.

dans

Cette décision était encore fondée sur la fiction qui, notre droit, donnait aux partages un effet rétroactif au temps de l'ouverture de la succession. Au moyen de cette fiction, chaque copartageant était censé avoir été saisi par le défunt

même, dès le temps de sa mort (in puncto mortis, comme dit Dumoulin), de tout ce qui lui était échu par son lot de partage, et n'avoir jamais été saisi d'autre chose : en telle sorte que le partage, loin d'être considéré chez nous comme une vente ou un échange entre cohéritiers, n'était que déclaratif de la portion distincte qu'ils avaient dans la masse, auparavant indivise, de toute la succession ; et l'effet de cette déclaration était nécessairement de transporter sur les biens compris dans le lot de l'héritier débiteur l'hypothèque qu'il avait bien pu constituer sur sa part, mais dont il n'avait pu grever les parts de ses copartageans.

Dans notre nouveau droit, le mort saisit encore le vif, et l'on a maintenu cette ancienne maxime, que chez nous les partages sont déclaratifs et non attributifs de propriété. Un héritier peut dont encore aujourd'hui, comme autrefois, hypothéquer chacun des immeubles de la succession qui lui est échue, et qu'il possède indivisément avec ses cohéritiers.

Mais quant à la translation de cette hypothèque indéterminée sur la portion fixée par le partage dans le lot de chaque héritier, et déclarée lui appartenir exclusivement, notre nouveau système hypothécaire a introduit quelques modifications.

En effet, cette translation ne s'opère plus de plein droit et sans aucun fait de la part dú créancier: il faut encore qu'il ait eu la précaution de prendre inscription sur les biens échus à son débiteur. Autrement ce dernier a pu les aliéner impunément et les transférer irrévocablement à des tiers, qui les possèdent francs d'hypothèque, par cela seul qu'ils les ont trouvés francs d'inscription.

Ces principes ont reçu leur application dans l'espèce sui

vante.

Chrétien Derenck et Marie-Thérèse Vandevenne, décédés à Bruxelles, avaient laissé deux enfans de leur mariage, Charles-Pierre, et Thérèse, épouse du sieur Demiddeler.

La succession des père et mère était encore indivisé lorsque Charles-Pierre Derenck, l'un des enfans, contracta une dette

de 2,400 liv. au profit d'Antoine-Joseph Simon, et pour sûreté de cette somme, consentit, par acte notarié du 16 frimaire an 7, hypothèque sur sa part indivise dans une maison. située à Bruxelles et dépendante de ladite succession. CharlesPierre Derenck fit faillité; et, le 25 floréal an 12, il fut procédé au partage des biens de la succession de Chrétien Derenck et de sa femme entre les syndics du failli et le sieur Demiddeler, en qualité de tuteur des enfans issus de son mariage avec Thérèse Derenck, lors décédée; et, par l'effet de ce partage, la maison grevée d'hypothèque en faveur du sieur Simon tomba dans le lot du sieur Demiddeler.

Le sieur Simon étant décédé, sa veuve fit faire comman dement aux syndics des créanciers de Charles-Pierre Derenck de lui payer ce que lui devait ce dernier; et elle dénonça ce commandement à Demiddeler, comme détenteur de la maison hypothéquée, avec menace d'expropriation, à défäût de paiement.

En réponse, Demiddeler lui notifia l'acte de partage; il forma opposition au commandement, en demanda la nullité, appela les syndics en garantie, et requit leur jonction ils Ꭹ consentirent.

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Alors intervint (sous la date du 5 septembre 1807) un arrêt qui déclara nuls les commandement et sommation de la veuve Simon, par le motif que l'immeuble hypothéqué à sa créance était devenu le domaine particulier des mineurs Demiddeler, par l'effet du partage, qui faisait remonter leur droit à l'époque de l'ouverture de la succession.

La Cour ajoutait dans le dispositif de son arrêt que, par le partage, l'hypothèque constituée par Charles-Pierre Derenck sur la moitié indivise de la maison susdite était transferée de plein droit sur le lot échu aux syndics de ses créanciers.

Plusieurs maisons de la même succession étaient en effet tombées dans le lot des syndics: il semblait donc, d'après les termes de l'arrêt, que ces immeubles se trouvaient subrogés à la maison échue aux mineurs Demiddeler, et qu'ainsi la veuve Simon pouvait exercer sur ces in meubles tous les

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