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merce, puisqu'ils n'étaient point négocians. Ainsi ils soutenaient l'incompétence du tribunal, et demandaient leur renvoi devant les tribunaux ordinaires.

Cette défense a été rejetée par le tribunal de commerce, qui, après s'être déclaré compétent, les a condamnés, avec contrainte par corps et solidairement, au paiemeut des traites envers le tiers porteur, comme ayant fourni des marchandises et devant jouir de la faveur attachée à de véritables lettres de change.

Sur l'appel, ce jugement fut infirmé et les parties furent renvoyées devant le tribunal civil, attendu que Porta, tireur des prétendues lettres de change, et Biandra, qui les avait acceptées, n'étaient que de simples propriétaires, qu'on ne pouvait ranger daus la classe des négocians; que, quoique ces lettres de change portassent la date de Moncalieri, elles avaient été faites à Turin; qu'elles devaient donc être réputées de simples promesses, n'y ayant pas eu remise de place en place; que Belz avait participé à leur simulation, ou l'avait connue en les recevant, et qu'en résultat il ne s'agissait que d'une vente de marchandises faite par Belz à Porta et à Biandra par l'entremise du juif Ottolengo.

Pourvoi en cassation pour violation de l'art. 2, titre 12, de l'ordonnance de 1673.

Tous les efforts du demandeur, devant la Cour, se sont concentrés dans les argumens tirés de la forme substantielle des lettres de change, et dans les effets qui leur étaient attribués par la loi; il invoquait ensuite sa qualité de tiers porteur, qui prouvait assez que leur confection lui était étrangère, et il en concluait que, sous ce dernier rapport, la condamnation contre les souscripteurs et endosseurs était indépendante des vices mêmes dont les lettres pouvaient être entachées.

Ces raisonnemens étaient justes en thèse générale, mais ils s'évanouissaient devant l'assertion positive de l'arrêt qu'il y avait eu simulation dans la date et dans la remise d'argent, et que le demandeur avait coopéré à cette simulation.

Du 26 décembre 1808, ARRÊT de la Cour de cassation, section civile, au rapport de M. Botton; par lequel :

« LA COUR, - Sur les conclusions de M. Daniels, substitut du procureur-général; - Attendu qu'aux termes de l'art. 2, titre 12, de l'ordonnance de 1673 (article publié dans le ci-devant Piémont le 24 frimaire an 10), il est de l'essence d'une lettre de change qu'elle soit tirée d'une place sur une autre place; que, si la lettre est tirée d'une place sur la même place, entre autres personnes que des négocians et pour des causes étrangères au commerce, elle ne peut être considérée que comme une simple promesse dont la connais sance appartient aux tribunaux ordinaires; que cet ancien principe est consacré par les art. 112 et 636 du nouveau Code de commerce; que l'arrêt dénoncé a reconnu en point de fait que les lettres dont il s'agit, bien que datées de Moncaliéri, avaient été souscrites à Turin; que Porta, tireur, et Biandra, accepteur, n'étaient pas négocians, et qu'il s'agissait d'actes simulés, étrangers au commerce et suspects de fraude, auxquels Belz, quoique tiers porteur, avait néanmoins participé; - REJETTE, etc.

COUR DE CASSATION.

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L'assignation pour parvenir à une enquête, donnée en vertu de l'art. 261 du Code de procédure civile, au domicile de l'avoué de la partie avec laquelle cette enquête · doit se faire, est-elle nulle si le domicile de cette partie n'y a pas été énoncé, ou s'il y a erreur dans l'énonciation? (Rés. nég.)

LE SIEUR PERCHARENCIER, C, LE sieur Deshenrys,

Par suite d'une contestation élevée devant le tribunal civil de Mâcon, entre Philibert Deshenrys et Percharencier, il intervint, le 31 août 1807, un jugement qui, avant faire droit, ordonna une enquête, et commit le juge de paix du canton de Cluny pour entendre les témoins.

Percharencier signifia l'ordonnance qu'il avait obtenue

pour parvenir à l'enquête à Philibert Deshenrys, comme demeurant en la commune de Saint-André-le-Désert, au domicile de M. Saclier son avoué, avec assignation pour être, le 21 du même mois, présent à l'enquête.

L'assigné ne demeurait pas à Saint-André-le-Désert, mais aux Henrys, commune de Pressy-sous-Doudun. Il' demanda la nullité de l'enquête qui avait eu lieu en son absence, sur le fondement que son véritable domicile n'avait pas été énoncé dans l'assignation. Jugement du 7 décembre 1807, qui rejette le moyen de nullité.

Pourvoi en cassation; et, le 27 décembre 1808, arrêt de la section des requêtes, M. Cassaigne rapporteur, par lequel:

« LA COUR, - Attendu que l'art. 261 du Code de procédure civile veut que la partie soit assignée pour être présente à l'enquête, au domicile de son avoué; et que, si dans cette assignation il y a eu erreur dans la désignation de son domicile, la chose est indifférente, puisque la loi n'indique que celui de l'avoué; — REJETTE, etc. »

COUR D'APPEL D'AGEN.

L'ascendant a-t-il droit cumulativement au legs et à la réserve légale, encore que le legs ne lui ait point été laissé par préciput et hors part, s'il n'est en concours qu'avec un légataire universel? (Rés. aff.)

LE SIEUR DE MONTALEMBERT, C. LA VEUVE LA ROQUE. Par testament mystique du 8 frimaire an 14, le sieur de Montalembert lègue à la dame La Roque sa mère la moitié de ses meubles et toute son argenterie, et il institue pour son héritier universel le mineur Louis de Montalembert son cousin, en faveur duquel il dispose de tous ses biens non légués, tant immeubles que meubles et effets.

Le testateur étant décédé sans enfans, sa mère réclame sur

ses biens le quart que la loi lui réservé et le legs qui lui a été fait,

Le père de Louis de Montalembert soutient, en sa qualité de tuteur légal de son fils, que la dame La Roque doit opter entre la réserve légale et le legs, puisque ce legs ne lui a point été fait par préciput, et avec dispense de rapport, conformément à l'art. 443 du Code civil; que l'ascendant ne peut être à la fois héritier et légataire, à moins qu'il n'ait été affranchi du rapport par une disposition expresse de la

volonté du défunt.

La dame de Montalembert répond qu'elle a droit de cúmuler ces deux qualités; que le mineur n'étant point successible, mais seulement héritier institué du défunt, il n'était point à son égard son cohéritier; que cependant le rapport n'était dû que de cohéritier à cohéritier, afin de maintenir entre eux l'égalité prescrite par la loi; que le mineur, comme légataire universel, devait exécuter dans tout leur contenu les conditions que le testateur avait apposées à ses libéralités. Elle en a conclu que, le legs particulier fait en sa faveur étant une charge du legs universel, il en devait la délivrance sans diminution de la réserve légale, à laquelle elle avait droit par sa qualité de mère et d'ascendant, en vertu de l'art. 915 du Code civil.

Un jugement du tribunal de l'arrondissement de Villeneuve, du 24 mai 1808, accueille cette défense. *.

Sur l'appel, ce jugement a été coufirmé par ARRÊT de la Cour d'Agen, du 28 décembre 1808, dont voici les motifs :

« LA COUR,-Considérant que les art. 843 et 857 du Code civil n'assujettissent les héritiers venant à la succession à rapporter les donations entre vifs qu'ils ont reçues du défunt, et ne lenr interdisent de réclamer les dons à cause de mort, ou les legs qu'il leur a faits, qu'à l'égard de leurs cohéritiers; d'où il suit que l'incompatibilité des qualités d'héritier et de légataire en la même personne n'est point absolue, mais seulement relative à l'intérêt des cohéritiers;-Que l'expression cohéritier, employée dans les articles précités, ne signifie que

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les héritiers légitimes, et non les héritiers institués, 1° parce que l'acception du terme se détermine suivant la matière dont il s'agit or la section des Rapports, dont ces articles font partie, ayant été placée, dans le Code civil, sous le titre des Successions légitimes, l'expression cohéritier doit naturellement désigner des héritiers légitimes, et non des héritiers institués; 2o parce que, dans les divers articles du Code civil, l'héritier instituéest, par rapport à l'héritier légitime, qualifié de légataire, soit universel, soit à titre universel;Que l'appelant u'est pas successible du feu sieur Bertrand de Montalembert, mais seulement son héritier institué, c'est-àdire son légataire universel, et que par-là il n'est point cohé ritier de la dame La Roque, intimée, sur laquelle réside exclusivement, par rapport à lui, la qualité d'héritier dudit feu sieur Bertrand de Montalembert;-Que, l'objet des rapports étant de maintenir l'égalité entre cohéritiers, l'héritier institué non successible est non recevable à demander aux héritiers de la loi, soit le rapport des donations, soit la compensation des dons ou legs avec la réserve, parce que son titre établit l'inégalité, et qu'il impliquerait qu'il pût s'aider, pour maintenir ou pour augmenter cette inégalité, des mesures que le législateur n'a admises que pour la faire cesser, car ce serait replier la loi contre elle-même et lui faire produire un effet diametralement contraire à son esprit et à son but; que l'héritier institué non successible, tenant tout son droit du testament, doit prendre ce droit tel qu'il est dans so entier ;-Qu'il peut d'autant moins inquiéter l'héritier au sujet des legs qui lui ont été faits, qu'ils dérivent du même titre que l'institution, dont ils sont, en quelque sorte, une condition, et que le testateur eût pu transmettre à cet héritier la succession tout entière, sans blesser en aucune manière les droits de celui qui se trouve institué; par où il est évident que l'appelant n'est pas fondé en droit à forcer l'héritier à opter entre la réserve et le legs;-Drr qu'il a été bien jugé, etc. »

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