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nable ni à son état ni à sa fortune? (Rés. nég.) Cod. civ., art. 214.

Le préciput conventionnel, accordé à la femme pour tous les cas de dissolution de communauté, est-il licite, et la séparation de biens y donne-t-elle ouverture? (Rés. aff.) Cod. civ., art. 1452.

LE SIEUR DAVELUY, C. La dame Davelur.

La seconde de ces questions s'était déjà présentée à la Cour d'appel de Bruxelles dans une espèce bien favorable. La femme ne se refusait à suivre son mari que parce que, chargé de contraintes par corps, il n'avait point d'asile fixe, et était obligé pour sauver sa liberté à changer continuellement de résidence. Cependant les juges crurent devoir s'attacher à la sévérité des principes qui n'admettaient d'autre exception que celle de l'impossibilité; ils déclarèrent que l'infortune du mari, la mobilité de son habitation, la pénurie que la femme, aidée par ses parens dans leur maison, craignait de trouver auprès de lui, n'étaient pas des motifs assez forts pour la dispenser d'un devoir sacré (1).

La décision de la Cour suprême fait voir que ce sont les circonstances qui doivent fixer l'étendue de l'obligation imposée à la femme de suivre son mari partout où il juge à propos de résider; qu'il en est où elle est fondée à refuser un logement mesquin, incertain et inconvenant, lorsque dans ses propriétés personnelles elle en trouve un qui répond à son état et à sa fortune, et qu'elle offre d'habiter avec son mari comme par le passé.

En fait, les șieur et dame Daveluy, par le contrat civil de leur mariage, du 30 prairiål an 13, établirent une communauté de biens, mais avec la clause de séparation de dettes. Celles du sieur Daveluy furent fixées à 12,000 fr. Un préciput fut stipulé au profit du survivant des époux, et il fut

(1) Voy. ce recueil, tom. 7, pag. 472..

convenu qu'il aurait lieu en faveur de la femme dans tous les cas de dissolution de la communauté, soit qu'elle l'acceptât, soit qu'elle y renonçât.

Il paraît que le sieur Daveluy en avait imposé sur le montant de son passif, ce qui fut cause d'une division entre les époux. Après trois mois de ménage, le mari quitta sa femme, avec laquelle il occupait une maison qui appartenait à celleci, pour habiter, dans une autre dont il était propriétaire, un petit réduit que lui avait cédé son locataire. La retraite du mari fut bientôt suivie d'une action en séparation de biens intentée par la dame Daveluy. Elle la fondait sur ce que, dès le lendemain de son mariage, elle avait été assaillie par une foule de créanciers du sieur Daveluy; qu'après avoir fourni sur le capital qui composait en partie sa dot une somme de 14,170 fr., au lieu de celle de 12,000 fr. à laquelle s'élevait l'évaluation contractuelle, elle avait reconnu qu'elle était loin d'avoir éteint le passif de son mari, porté dans une note écrite de sa main à 19,000 fr.; qu'il n'était pas alors plus sincère qu'il ne l'avait été dans sa première déclaration, comme elle avait été à portée de s'en convaincre; que tout l'avoir dotal aurait été absorbé, si elle n'eût retenu par-devers elle une somme de 9,000 fr.; que la masse des dettes du sieur Daveluy s'était encore beaucoup accrue par des re-. nouvellemens onéreux où les intérêts se trouvaient compris. Lemari, après avoir défendu avec chaleur à cette demande, fit sommer sa femme de le venir joindre au nouveau domicile qu'il avait pris, et forma une demande précise contre elle à cet égard.

Un seul jugement du tribunal civil d'Amiens, statuant sur les deux instances jointes, déclara que les pièces rapportées par la demanderesse justifiaient la nécessité d'admettre la séparation de biens, et qu'il devenait inutile de recourirà la preuve testimoniale.

Sur le second objet, considérant que la maison du sieur Daveluy était louée en totalité, qu'il n'y avait aucun logement pour recevoir son épouse et son mobilier; que si, par

des, arrangemens particuliers avec un locataire, il s'y était procuré un asile, il n'était pas moins vrai qu'il n'y existait aucun appartement décent et convenable à l'état et à la fortune de son épouse; que celle-ci, soumise à partager l'habitation commune, le laissait maître de continuer avec elle d'occuper la maison qu'ils rabitaient ensemble à l'époque de leur mariage; qu'elle offrait de le joindre dans une autre, pourvu qu'elle pût s'y loger suivant son état et sa fortune. Par ces motifs il prononça la séparation et débouta le sieur Daveluy de sa demande.

La Cour d'appel d'Amiens confirma ce jugement.

*Lorsqu'il fut question de la liquidation des droits de la dame Daveluy, un nouveau procès s'éleva sur la question de savoir si le préciput, stipulé par le contrat de mariage en faveur de la femme pour tous les cas de dissolution de communauté, était ouvert par la séparation de biens avant la mort naturelle ou civile du mari : le tribunal d'Amiens décida l'affirmative, et la Cour d'appel de la même ville confirma cette décision.

Le sieur Daveluy se pourvut en cassation contre ces deux arrêts, comme ayant violé plusieurs dispositions du Code civil....

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Il prétendit 1° qué le premier de ces deux arrêts avait violé l'art. 1445, qui permettait, à la vérité, aux tribunaux de prononcer la séparation de biens des époux, mais seulement lorsque la dot de la femme était mise en péril; d'où il suivait qu'ils devaient auparavant s'assurer par tous les moyens possibles de l'existence des causes propres à la faire admettre; Qu'ici les pièces produites par la femme pour justifier sa demande, étant l'ouvrage des époux, pouvaient faire supposer un concert entre eux, et ne présentaient pas le caractère de vérité et de certitude propre à former la conviction des juges; Qu'il en résultait, tout au plus, un commencement de preuve qui avait besoin d'être fortifié par une preuve plus positive, telle que la preuve testimoniale, par exemple; -Que la séparation de biens, qu'il n'est permis

aux tribunaux d'accorder à la femme qu'avec les précautions sagement indiquées par la loi, dégénérerait en séparation volontaire, au mépris de ses dispositions', si les simples aveux du mari suffisaient pour en autoriser l'admission; - Et qu'en l'accordant sur la foi des pièces produites par la dame Daveluy, la Cour d'Amiens avait évidemment fait infraction à l'article cité; 2" Que cette Cour avait aussi ouvertement violé l'art. 214, qui impose à la femme l'obligation d'habiter avec son mari et de le suivre partout où il juge à propos de résider, lorsqu'elle soumet, au contraire, le mafi à aller joindre sa femme dans la maison où il lui plaît de rester, sous prétexte que le logement qu'il s'est choisi ne convient ni au rang ni à la fortune de cette dernière; Que l'arrêt attaqué a manifestement méconnu en ce point le vœu du législateur, qui a voulu laisser le mari l'arbitre du logement convenable à sa femme et à lui; et que la femme, dont le devoir était de partager la bonne et la mauvaise fortune de sou mari, ne pouvait s'y soustraire à la faveur de prétendues convenances qui sont toujours relatives; Que, si l'épouse avait le droit de déterminer l'habitation où elle pourrait suivre avec son mari la vie commune, d'un côté il faudrait autant de procès que les femmes auraient à cet égard de prétentions; de l'autre, sous prétexte que la maison proposée par le mari ne serait pas convenable, il en résulterait une séparation de corps par le fait, ce qui serait avilir la dignité du mariage et détruire la puissance maritale. Il soutint encore que le second arrêt offrait une contravention aux articles 1452, 1517, 1518, et même aux art. 6 et 1587, du Code civil; Que, suivant les art. 1517 et 1518, la mort naturelle ou civile donnait seule ouverture au préciput; que la séparation de biens ne produisait pas le même effet, et que le préciput attaché à la survie de la femme restait dans ce cas entre les mains du mari, à la charge de donner caution; -Que la loi n'avait pu vouloir que le mari, déjà privé par la séparation de la jouissance des biens de sa femme, sur laquelle il avait dû compter pendant la durée du mariage, vit

aggraver sa mauvaise fortune par la spoliation de ses propres biens, de son vivant; - Que le contrat de mariage du 30 prairial an 13 n'avait pas dérogé au principe; qu'il y est dit que le préciput aurait lieu au profit de l'épouse dans tous les cas de dissolution de la communauté, soit qu'elle accepte ou qu'elle renonce; que les époux n'avaient entendu parler que des cas naturels et ordinaires, par lesquels le préciput serait légalement ouvert; et que la preuve en est dans les expressions mêmes de la clause qui le qualifie gain de survie : Le preciput aura lieu en faveur du survivant des futurs époux;

Que, s'il était permis d'attribuer à la stipulation dont il s'agit le sens que lui donne la Cour d'appel d'Amiens, elle serait nulle (aux termes des art. 6, 1387 et 1388, du Code, comme contraire aux bonnes mœurs et à l'ordre public, qui défendent également toute anticipation des avantages que le trépas seul doit assurer, et ne permettent pas qu'une épouse, à l'aide d'une séparation de biens, surprise par des motifs adroitement ménagés, puisse dévorer la fortune de sou mari.

Le 26 janvier 1808, ARRÊT de la Cour de cassation, section des requêtes, M. Muraire premier président, M. LigerVerdigny rapporteur, M. Champion avocat, par lequel : « LA COUR, Sur les conclusions conformes de M. Lecoutour, substitut du procureur-général; —Attendu 1o qu'il suffit à la femme, pour provoquer et obtenir la séparation de biens, d'articuler et de prouver que sa dot est mise en péril, et que le désordre des affaires de son mari donne lieu de craindre que les biens de celui-ci soient insuffisans pour remplir les droits et reprises de la femme; qu'il a été reconnu par la Cour d'appel que là femme Daveluy avait administré la preuve du péril de sa dot, et de l'insuffisance des biens de son mari pour la sûreté de ses droits et reprises; qu'il n'entre pas dans les attributions de la Cour de cassation de critiquer cette décision; -2° Que la Cour d'appel d'Amiens n'a point dégagé la femme Daveluy de l'obligation d'habiter avec son mari; que, loin de s'être exposée à ce reproche, elle a consi

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