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gné dans le dispositif de son arrêt que la femme Daveluy avait reconnu qu'elle était tenue d'habiter avec son mari; &qu'elle était prête à le faire, s'il voulait habiler avec elle le logement qui lui appartenait et qu'ils avaient déjà occupé, ou s'il voulait lui donner une habitation convenable et proportionnee a son état et a sa fortune;- 5° Que, le contrat de mariage énonçant que le préciput stipulé au profit de la femme Daveluy aurait lieu dans tous les cas de dissolution de communauté, la Cour d'appel a sans violer aucune loi, autoriser la femme Daveluý à prélever son préciput; que cette interprétation donnée à la clause du contrat n'est point réprouvée par l'art. 1452 du Code civil, dont la disposition n'est ni limitative ni restrictive;

pu,

RÉJETTE, etc. »

COUR D'APPEL DE TRÈVES.

Sous l'empire du Code civil, un prétendu vice de conformation qui rend l'homme ou la femme inhabile à l'acte naturel du mariage l'anulle-t-il de plein droit?

En termes plus généraux, le mariage peut-il aujourd'hui éire annulé pour cause d'impuissance? (Rés. aff.)

La Cour d'appel de Trèves a décidé cette importante question pour l'affirmative; mais a-t-elle bien jugé? Ses motifs de décision ne sont-ils pas balancés par des raisons contraires qui paraissent très-fortes, si elles ne sont pas victorieuses? Et sans prétendre nous élever contre un jugement émané d'une Cour supérieure,ne serions-nous pas fondés à observer que, dans l'économie du Code civil, tout tend à proscrire cette action d'impuissance, autrefois si révoltante pour les mœurs, cause des recherches honteuses auxquelles elle donnait lieu? En effet, si, au titre du Mariage, on parcourt le chapit. 4 qui traite des nullités, on ne trouve nulle part que l'impuissance soit mise au nombre des moyens dirimans qui annulent le mariage. Or, comme son institution appartient essentiellement au droit civil, que c'est la loi civile qui détermine les

à

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formalités et les conditions à observer pour faire un mariage valable; que c'est elle aussi qui précise les causes propres à l'annuler, il suit delà que, n'ayant point placé l'impuissance au rang des nullités, elle a par-là même entendu rejeter ce moyen. Si après cela on veut recourir au chapitre 1er du tit. 6, qui traite des Causes du divorce, les recherches ne sont pas moins vaines; partout le législateur s'est imposé le même silence, ou s'il l'a rompu une seule fois, ce n'a été que pour repousser avec indignation la plainte d'impuissance.

« Le mari, porte l'art. 313, au titre de la Paternité, ne « pourra, en alléguant son impuissance naturelle, désavouer « l'enfant....>>

En effet, le mari qui, avec le sentiment de sa propre insuffisance, n'a pas craint de contracter une union dont le but principal est la procréation des enfans, est bien évidemment non recevable et indigne d'être écouté, lorsqu'il vient avouer sa propre turpitude et reconnaître qu'il a profané le lien sacré du mariage, en le formant sans avoir la capacité nécessaire pour en remplir, l'objet. Et lorsque la plainte en adultère lui est ouverte pour attaquer l'état des enfans qu'il désavoue, pourquoi aurait-il recours à un moyen dont la seule proposition est révoltante, et la preuve souvent impossible? Car il ne faut pas se méprendre sur les motifs qui ont dicté l'art. 315 du Code civil. L'indignité du mari, la faveur des enfans, sont bien entrés pour quelque chose dans les sages combinaisons du législateur; mais ce ne sont pas là les seules raisons qui ont fait proscrire l'allégation d'impuissance, au cas prévu par l'art. 313. L'immoralité de l'épreuve, et la difficulté ou plutôt la presque impossibilité d'avoir des résultats certains, voilà les considérations principales qui ont dû déterminer la prohibition: considérations qui s'appliquent à toutes les hypothèses, c'est-à-dire à celle où il s'agit de la dissolution du mariage, comme à celle qui regarde simplement le désaveu de l'enfant. En effet, à quel genre de preuve faudra-t-il recourir dans l'une et l'autre circonstances? Faudra-t-il donc ressusciter l'expérience du congrès, procédé

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infâme, dont la raison et la morale ont fait une éclatante justice depuis plus d'un siècle? Faudra-t-il employer l'art incertain des experts? Mais quels seront leurs moyens de conviction? Car, en supposant qu'ils trouvent l'homme bien organisé, comment parviendront-ils à s'assurer si, dans l'acte qui l'unit à la femme, il peut lui transmettre les germes nécessaires à la procréation? Et puis, au cas contraire, qui garantira l'infaillibilité de leur jugement? En effet, comme l'observe très-judicieusement M. Carat, dans le Répertoire de Jurisprudence, « quel homme, de quelque puissance dont l'ait doué la nature, peut échauffer son imagination et ses sens devant des témoins qui l'examinent avec un œil sévère? Est-ce devant des docteurs en médecine que ses organes pourront se mouvoir et s'enflammer? Est-il enfin donné à des hommes qui ne présentent à l'imagination que dés idées effrayantés d'opérer des effets que la nature a réservés aux grâces et à la beauté? »

La plainte d'impuissance est elle dirigée contre une femme? Combien alors les conséquences sont plus alarmantes pour la pudeur, et l'épreuve plus incertaine encore dans ses résultats: car les organes de la femme n'étant point susceptibles de développemens extérieurs, sur quels indices matériels les experts établiront-ils leur décision? Oculus et manus obstetricum sæpius falluntur. Rien n'est plus contraire aux lois de la décence que ces recherches curieuses, où l'imagination veut aller au delà de ce que les sens peuvent apercevoir, et il vaut cent fois mieux laisser subsister quelques mariages imparfaits, que d'insulter aux mœurs, et surtout que de s'exposer à rompre des mariages consommés, et à favoriser ainsi le caprice, la légèreté, le libertinage.

En dernière analyse, que conclure de cette discussion? C'est que d'une part l'impossibilité d'avoir des preuves certaines de l'impuissance, et d'autre part, le scandale d'une recherche de cette nature, sont autant de motifs qui ont déterminé le législateur à ne pas souiller notre nouveau Code, en l'y plaçant au nombre des causes qui peuvent entraîner la

nullité du mariage. « La loi, disait M. Portalis, conseiller d'Etat, sur l'art. 313, la loi a prévenu tous ces procès, scanJeux, ayant pour prétexte des infirmités plus ou moins graves, ou des accidens dont les gens de l'art ne peuvent tirer que des conjectures trompeuses. » Et en cela comme en beaucoup d'autres matières, grâces soient rendues aux sages rédacteurs du Code civil: car depuis long-temps la raison et la morale gémissaient sur ces procès honteux, dont l'esprit d'incontinence et de débauche était le plus souvent le mobile et le soutien.

Quoi qu'il en soit, ces argumens ne restent pas sans réplique. Les partisans du système contraire, se fondant sur plusieurs dispositions du Code civil, raisonnent de la manière suivante :

L'art. 180 dispose « que l'erreur dans la personne annulle <«<le mariage ». L'art. 1110 porte également que l'erreur « est une cause de nullité de la convention lorsqu'elle tombe « sur la substance même de la chose qui en est l'objet ». Or l'union des sexes étant l'objet direct et principal du mariage, il résulte, comme conséquence, qu'il y a erreur sur la substance de la chose toutes les fois que cette union des sexes devient impossible. Il y a aussi erreur sur la personne, lorsque l'un des époux ne trouve qu'un être nul et impuissant dans celui qu'il avait cru propre à lui faire goûter les plaisirs de l'hymen et le bonheur d'avoir des enfans. Aussi M. Portalis, en définissant le mariage, a-t-il dit : « C'est la société de l'homme et de la femme, qui s'unissent pour perpétuer leur espèce.... Nous avons donc cherché à nous assurer que l'homme physique a la capacité nécessaire pour remplir sa destination. » Donc il n'y a pas de mariage si l'homme physique est dépourvu de la capacité nécessaire pour le consommer. Quant à l'art. 313, poursuit-on, comme il est placé au titre de la Paternité, et non pas au titre du Mariage, il ne peut avoir aucune conséquence rigoureuse dans l'hypothèse, ni donner la solution de la question.

Enfin, aux argumens on ajoute des considérations, et l'on

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dit: Le système contraire signalerait l'injustice du législateur en condamnant l'époux trompé à vivre dans les privations d'un éternel célibat, ou à chercher, au sein de la débauche, des plaisirs que lui refuse une union légitime. Et de là que d'inconvéniens! que de désordres!

Au surplus, le fait qui a donné lieu à cette importante question est tout à la fois simple et laconique.

Le sieur B... s'étant plaint de l'impuissance de sa femme, et ayant provoqué contre elle la visite des gens de l'art, à l'effet de constater le défaut de conformation qu'il lui re prochait, il fut déelaré non recevable par les premier juges; mais, sur son appel, la Cour de Trèves crut devoir ordonnèr la visite demandée.

Voici le texte des deux décisions contraires.

Jugement de première instance:

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« Considérant que le défaut de consentement exprimé dans les art. 146 et 180 du Code civil ne s'entend que du défaut de consentement qui précède la célébration du mariage, et que la conséquence tirée de l'ignorance de l'infirmnité de la femme, pour en induire un défaut de consentement libre, est une fausse conséquence inapplicable aux articles sus-cités; que l'erreur dont il est parlé dans le deuxième paragraphe de l'art. 180 dudit Code ne s'entend sainement. que du cas où il s'agit d'une autre personne que celle avec laquelle on s'était engagé de s'unir par le contrat; que,`, quand même l'erreur dont il est question dans ce paragraphe se supposerait pouvoir sortir de la constitution physique de la personne, elle ne pourrait être accueillie pour la demande en nullité qu'autant qu'elle aurait été formée dans le délai de six mois, ainsi qu'il est impérieusement fixé par l'art. 181; et cependant la défender'esse pose en fait, et il n'est pas contesté par le demandeur, qu'elle a cohabité avec lui pendant l'espace de neuf mois; - Enfin', que le demandeur ne justifie et ne peut justifier d'aucune manière légale que la défenderesse était sciemment, et avant le mariage, dans le cas d'incapacité de le consommer et de se prêter à Tome IX.

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