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et des grèves locales. Mais on peut toujours en appeler à l'autorité centrale, et la loge qui se mettrait en grève avant d'avoir obtenu la sanction de cette autorité ne serait pas soutenue par la société. Enfin le vote des levées et l'appel d'une loge contre la décision du conseil appartiennent à l'assemblée générale.

« Quoique la caisse de chômage joue toujours le rôle principal dans le budget des Unions, un petit nombre seulement d'entre elles, appelées par excellence Trade-societies, limite exclusivement l'emploi de leurs fonds au soutien des grèves. Ces sociétés sont généralement peu importantes. Les autres offrent en outre à leurs membres certains avantages empruntés aux sociétés de secours mutuels, tels qu'une indemnité hebdomadaire en cas d'accident, et presque toujours en cas de maladie, des frais d'enterrement, montant à 200 ou 300 francs et souvent la moitié de la même somme pour les funérailles de leurs femmes. Quelques-unes les assurent contre la perte de leurs outils, et il y en a trois qui garantissent une retraite aux vieillards et aux infirmes. >>

Nous avons tenu à faire connaître un peu complétement l'organisation des Trade-unions, parce qu'elle ressemble par beaucoup de points, comme on le verra plus tard, à celle de l'Internationale. De même, nous avons un peu insisté sur les coalitions et les grèves en Angleterre, parce que c'est en Angleterre que cette société s'est organisée et qu'elle a encore aujourd'hui son conseil général. Nous ne dirons presque rien de l'Allemagne, parce que les ouvriers allemands

sont entrés dans l'Internationale, mais ont beaucoup moins contribué à sa fondation que les ouvriers français et anglais. Cependant, il nous suffira de rappeler les noms de Jacobi et de Lasalle pour prouver que le socialisme a eu ses docteurs tout aussi bien en Allemagne qu'en France. Tout le monde sait d'ailleurs que la presse socialiste est aujourd'hui plus nombreuse et plus puissante chez nos ennemis que chez nous. Quant à ceux de nos lecteurs qui désireraient connaître la plus sérieuse tentative pratique d'amélioration sociale qui se soit faite de l'autre côté du Rhin, nous leur signalerons le livre de M. Seinguerlet sur les banques du peuple en Allemagne. Ils y trouveront une instructive et complète étude de ces institutions de crédit populaire qui ont rendu célèbre le nom de M. Schulze Delitzsch, leur fondateur.

Jusqu'à ces dernières années, il n'y avait eu aucun rapport personnel entre les classes ouvrières des différents pays de l'Europe; quand l'Atelier, rédigé par des ouvriers de Paris, voulait faire connaître à ses lecteurs le mouvement des coalitions et des grèves en Angleterre, il en était réduit à leur donner des analyses des articles que M. Léon Faucher venait de publier sur ce sujet dans la Revue des Deux Mondes. Nous devons signaler, il est vrai, une grève des ouvriers tailleurs de Paris qui fut un instant soutenue par de l'argent envoyé d'Angleterre. C'était en 1840, au moment où la question d'Orient menaçait la France d'une guerre contre l'Europe coalisée, et l'on repro

chait vivement aux grévistes parisiens d'aller chercher un appui chez les ennemis de leur pays. L'Atelier répondait à ce reproche: «Les lettres d'envoi constatent que cet argent provient de leurs confrères de Londres; il leur est honorablement acquis; c'est l'offrande du travailleur au travailleur, et non le prix d'un ignoble soudoiement, à l'idée duquel nous nous révoltons tous (1). » Nous n'avons pas trouvé dans toute la collection de ce journal, qui parut, on le sait jusqu'en 1850, d'autres traces de faits de ce genre, et pendant longtemps les coalitions des ouvriers de chaque pays ne devaient trouver ni d'appui ni même d'écho dans les pays voisins.

Deux mots peignent vivement le changement qui s'est opéré depuis quelques années, à cet égard, dans les relations économiques des diverses puissances.

Léon Faucher disait, en 1849, que l'Angleterre pouvait supporter les coalitions parce qu'elle avait la liberté commerciale.

Dans le livre publié vingt ans plus tard par M. le comte de Paris, nous lisons cette phrase, qui est précisément la contre-partie de l'assertion de Léon Faucher: « Lorsque les manufacturiers anglais reprochent à leurs ouvriers de ruiner l'industrie, de se ruiner eux-mêmes en exigeant un accroissement de salaire qui favorise la concurrence étrangère, ceux-ci répondent que les ouvriers du continent obtiendront bientôt à leur tour ce même accroissement, qu'ils les

(1) 1er numéro de l'Atelier, septembre 1840, page 4.

y aideront, s'il le faut, et qu'ainsi la partie sera de nouveau égale. »

Comment la situation avait-elle si complétement changé en vingt ans? Comment ce qui était très-vrai en 1849 était-il devenu absolument faux en 1869? C'est que des rapports personnels s'étaient établis entre les ouvriers des divers pays; c'est qu'ils s'étaient entendus pour cesser de se faire concurrence entre eux et pour déclarer au contraire la guerre à leurs patrons. C'est que l'Internationale était née.

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