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paru quelle a été celle qui a eu plus de cours dans l'Occident, et surtout dans la France.

Le roi Clovis donna un privilége à un monastère du diocèse de Langres, nommé Reomaus, qui suivait la règle de saint Macaire (Le Cointe, ad an. 496, n. 111).

II. Sainte Radegonde écrivit aux évêques de France, pour mettre sous leur protection le monastère des religieuses qu'elle avait fondé à Poitiers, sous la règle que saint Césaire, évêques d'Arles, avait dressée sur les statuts des saints Pères, pour sa sœur sainte Césarie, labbesse du monastère que le même saint Césaire avait établi à Arles: « Congregationi per me collectæ regulam, sub qua sancta Cæsaria deguit, quam sollicitudo beati Cæsarii Arelatensis episcopi ex institutione sanctorum Patrum convenienter collegit, adscivi (Gregor. Turon., 1. IX, c. 42, 39). »

Les évêques du concile de Tours, à qui cette lettre était adressée, confirmèrent cette institution de sainte Ragedonde, afin qu'on y vécût selon la règle de saint Césaire. << Secundum Cæsarii Arelatensis episcopi constituta. »

Saint Césaire, avant que de donner des disciples à sa sœur Césarie, voulut qu'elle allât ellemême en qualité de disciple au monastère de Marseille, et qu'elle y apprît ce qu'elle devait enseigner. Evocata e Massiliensi cœnobio venerabili sorore sua Cæsaria, quam idcirco eo miserat, ut disceret quod doceret, et prius esset discipula, quam magistra ( Vita S. Cæsarii, c. xv, Surius, die 27 Aug.). »

Ce monastère de Marseille était celui de saint Cassien, dont saint Grégoire fait mention dans une de ses lettres écrite à l'abbesse de ce monastère.

III. Saint Grégoire ne dit pas que Cassien fût le fondateur de ce monastère, ni qu'il y eût établi sa règle, mais seulement qu'il était dédié en l'honneur de saint Cassien (L. vi, epist. 12). Il y a pourtant beaucoup d'apparence que Cassien était l'auteur et de la règle et de la fondation, non-seulement de cette abbaye de filles, mais aussi d'un monastère de religieux.

C'était vraisemblablement pour cela qu'il avait quitté sa chère patrie, et qu'il était allé visiter tous les monastères de l'Egypte et de l'Orient, afin d'y revenir, et d'y apporter toutes les dépouilles spirituelles de tant de riches déserts et de tant de fertiles solitudes.

Le savant Holsténius a enfin rendu le célèbre Cassien à la France, et a fait voir, par les

termes propres de Cassien, que la Provence était sa patrie. Voici ses paroles : « Ad repetendam provinciam nostram atque ad revisendos parentes, quotidianis animi æstibus urgebamur (Collat. xxiv, c. 1). » Voilà ce qu'il dit dans la dernière de ses conférences, étant sur la fin de ses pieuses courses, et méditant déjà son retour.

Cette province n'est autre que la Provence, où il espérait de convertir à Dieu plusieurs personnes : « Credentes nos maximum fructum percepturos de conversione multorum,>> et de revoir les agréables champs et les belles solitudes dont il n'avait pu perdre le souvenir: « Tum præterea ipsorum locorum situs, in quibus erat majoribus nostris avita possessio, ipsarumque regionum amœnitas jucunda ante oculos pingebatur, quam gratæ et congruæ solitudinis spatiis tenderetur, ita ut non solum delectare monachum possint secreta sylvarum, sed etiam magna victus præbere compendia. »

Cette peinture d'un beau pays, mêlé d'agréables déserts, convient sans doute mieux à la Provence qu'à la Scythie, d'où Gennadius fait venir Cassien, peut-être parce que ses ancêtres en étaient originairement descendus (Gennad., in Catal. Illustr. virorum).

La seule politesse des ouvrages de Cassien pourrait convaincre les plus opiniâtres qu'il était bien plutôt du pays des Euchère, des Salvien, des Vincent de Lérins, des Fauste, des Hilaire et de tant d'autres écrivains français de ce temps-là que de la Scythie.

Il est vrai que Denis le Petit était scythe de nation, mais aussi il s'en faut beaucoup qu'il ait approché de l'élégance du style de Cassien. Quoi qu'il en soit, Cassien fonda et régla deux monastères à Marseille, l'un d'hommes, et l'autre de filles, témoin le même Gennadius.

Ainsi la France trouva dans son propre sein les plus anciens auteurs et législateurs de ses monastères: saint Martin à Tours et à Poitiers; saint Honoré, qui fut depuis archevêque d'Arles, à Lérins; Cassien à Marseille, saint Césaire à Arles. Presque tous les ouvrages de Cassien ont servi de règle aux moines de l'Occident.

Saint Césaire composa une règle pour les religieuses, que sainte Radegonde alla ellemême recevoir à Arles avec l'abbesse de son monastère de Poitiers : « Radegundis cum abbatissa sua, quam instituerat, Arelatensem urbem expetunt, de qua regula sancti Cæsarii

atque Cæsariæ beatæ suscepta, regis se tuitione munierunt (Gregor. Turon. Histor., Franc., I. Ix, c. 40). »

On attribue à Aurélien, archevêque d'Arles, une autre règle pour des religieuses. Mais pourquoi ne se contentait-il pas de celle de saint Césaire? Et pourquoi n'en dressait-il pas plutôt une pour les religieux, puisque ce fut de son temps que le roi Childebert en fonda un monastère à Arles? Il se peut faire que ce fut pour un autre monastère que celui d'Arles qu'Aurélien dressa sa règle, et qu'il prit la même liberté à l'égard de son prédécesseur saint Césaire, que saint Césaire même avait prise à l'égard de saint Augustin, en composant une nouvelle règle comme plus proportionnée aux besoins et aux usages de son temps.

En effet, la règle de saint Césaire ne semble être qu'un supplément de celle de saint Augustin, et celle d'Aurélien de celle de saint Césaire.

Il est à croire que l'abbaye de filles à Autun, dont parle saint Grégoire, suivait la même règle (L. xi, ep. 11), et peut-être aussi celle d'Altiviliers-sur-Marne, dont il fut parlé au concile de Nantes, en 658 (Flodoard., 1. II, c. 7).

IV. Nous n'avons point encore remarqué de règle pour les religieux des monastères de France. Les ouvrages de Cassien sont plutôt des instructions pour les moines qu'une règle. On ne nous a point encore parlé d'aucune règle pour les monastères de Saint-Martin à Poitiers ou à Tours, non plus que pour celui de Lérins, d'Autun et d'Arles.

Celui de Paris (An. 658), ou plutôt de SaintDenis reçut des priviléges de son évêque, mais non pas une règle. Le roi y ordonna seulement que la psalmodie y serait perpétuelle durant le jour et la nuit, en partageant les religieux en plusieurs bandes, de même qu'au monastère de Saint-Maurice, en Savoie, et de Saint-Martin à Tours.

On pourrait dire avec quelque fondement, que saint Augustin avait aussi composé une règle pour les religieuses, et n'avait pas jugé nécessaire d'en dresser une pour les religieux, dont la règle est l'Evangile même, et à qui les usages établis dans les monastères suffisent dour régler toute leur conduite; au lieu que les religieuses ont besoin d'être un peu plus assistées et éclairées par le détail de toute la discipline claustrale (Conc. Gal., t. I, p. 499).

V. La première règle pour les religieux dont il ait été parlé en France, a été celle de saint Colomban, qui fut soutenue par ses disciples contre ses calomniateurs, et approuvée par les évêques de France dans un concile de Mâcon, en l'an 627. Mais Eustasius, abbé de Luxeuil, qui combattit si heureusement dans ce concile pour la défense de cette règle, n'était que le disciple et le successeur de saint Colomban, qui avait fondé et régi le monastère de Luxeuil avant l'an 600. Il fut obligé de s'en retirer l'an 612, et alla fonder le monastère de Boby, en Italie.

Les évêques de France s'efforcèrent à l'envi d'établir sa règle, et de fonder de nouveaux monastères où elle fut observée. Voici ce qu'en écrit Jonas dans la vie de saint Eustasius, abbé de Luxeuil :

<< Appellinus quoque et cæteri Galliarum episcopi ad roboranda sancti Columbani instituta adspirant, quorum multi in amore sancti Patris nostri ferventes, secundum ejus fegu lam monasteria construunt, etc. Inter quos vir illustris Eligius nomine, qui modo Veromanduensis Ecclesiæ pontifex prtest juxta Leto vicensem urbem, monasterrain nobile, Solen niacum nomine construxit, et alia multa in eisdem locis cœnobia. Sed et in civitate Parisiensi puellarum monasterium, quod de regio munere susceperat, ædificat, in quo Christ virginem Auream præfecit. In Biterrensi vero urbe puellarum monasterium ex beati Columbani regula Bertrada nobilis femina construxit. In suburbano etiam Betericensis urbis monasteria construxit Babolenus ex regula Columbani (Cap. vi). » Il en nomme encore quelques autres.

Le même auteur assure que sainte Burgundofore régla son abbaye sur les statuts de saint Colomban. Ordéricus Vitalis (Lib. VIII, Histor. Norman., pag. 716) met encore les monastères de Jumiége, de Saint-Faron à Meaux, de Rebez sous la règle de saint Colomban, et dit qu'il fut le premier qui donna une règle aux monastères de la France. «Monachalem regulam edidit, primusque Gallis tradidit (Cap. v).»

Saint Bernard, dans la vie de saint Malachie, dit que de la même Irlande était autrefois sorti saint Colomban, pour venir bâtir Luxeuil en France, où Dieu lui donna des accroissements prodigieux. « Factus ibi in gentem magnam. » Le nombre des religieux fut si grand à Luxeuil, qu'on y chantait à divers chœurs jour et nuit

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les cantiques célestes, au rapport du même saint Bernard.

VI. Le grand et illustre saint Ouen, archevêque de Rouen, confirme admirablement ce que nous venons de dire, et y ajoute des éclaircissements fort importants, dans la vie qu'il a écrite de saint Eloi, évêque de Noyon.

Il assure que les monastères de France étaient tombés dans un fort grand relâchement, et que le nombre n'en était pas fort grand, quoiqu'ils vécussent sous diverses règles, de Cassien et de saint Basile, comme nous l'avait appris Grégoire de Tours : « Coenobium fundavit Aredius, in quo non modo Cassiani, verum etiam Basilii et reliquorum abbatum qui monasterialem vitam instituerunt, regulæ celebrantur, etc. (Greg. Tur., Hist. 1. x, c. 29). » Cette diversité de règles causait peut-être de la confusion, au moins elle n'avait pu conserver longtemps la régularité parmi les religieux de France, ni augmenter beaucoup le nombre des monastères. Mais la règle de saint Colomban sembla reduire tous les cloîtres à l'uniformité, au aneins il est certain qu'elle leur inspira une nouvelle ferveur, et qu'elle en multiplia merveilleusement les saintes colonies

Saint Quen, en faisant sortir de Luxeuil, et puis de Solognac que saint Eloi avait fondé sur le modele de Luxeuil, la réformation aussi bien que la multiplication des monastères de France, en parle ainsi : « Ipse quoque Eligius properabat ad cœnobia, maximeque Luxovium, quod erat eo tempore cæteris eminentius, atque districtius. Neque enim tam celebra erant adhuc in Gallis monasteria, et sicubi essent, non sub regulari disciplina, sed erant prorsus in malitia fermenti veteris sæcularia. Præter Luxovium ergo quod solum, ut dictum est, districtionem regulæ solerter tenebat, Solenniacense monasterium in partibus occiduis, hujus religionis extitit caput, ex quo demum multi sumpserunt et initium et exemplum. Adeo ut nunc quoque propitia divinitate, innumera per omnem Franciam et Galliam habeantur sub regulari disciplina alma utriusque sexus cœnobia (Spicileg., tom. v, p. 176).

On ne pouvait pas dire en termes plus formels que saint Colomban, son monastère de Luxeuil, sa règle apportèrent la réforme aux anciens monastères de France, et donnèrent naissance à une infinité d'autres de l'un et de l'autre sexe.

VII. Le même saint Ouen, avant que de quitter la cour, bâtit et fonda le monastère de Rebez, et y mit pour abbé un des disciples de saint Colomban. « Sanctorum monachorum multitudinem illic congregans, abbatem unum ex almi patris Columbani discipulis, virum in disciplinis regularibus adprime eruditum eis præficit (Vita ejus apud Surium, die 24 August.). »

VIII. La règle de saint Benoît avait cependant embaumé toute l'Italie de ses divins parfums, et il était impossible que l'odeur ne s'en répandît bientôt dans la France. Saint Nivard, archevêque de Reims, accorda le lieu d'Autiviliers-sur-Marne à l'abbé Bercharius, pour y vivre avec ses religieux selon la règle de saint Benoît et de saint Colomban. «Berchario abbate, qui ab eo petierat locum sibi dari, ubi cum fratribus suis monachis sub regula patrum sancti Benedicti et sancti Columbani vivere posset, quod et idem præsul facere studuit (Flodoard., 1. II, c. 7). »

Si l'histoire de Montiers-en-Der, publiée par M. Camusat (Prompt. Antiquit. Tricass., pag. 92), dit que ce ne fut que sous le roi Rodolphe, après l'an 900, que la règle de saint Benoît fut communiquée aux Français, il faut entendre cela du renouvellement qui s'en fit par le moyen de l'ordre de Cluny, après les longs désordres que la défaillance de la maison de Charlemagne causa et dans l'Etat, et dans l'Eglise, et dans les maisons religieuses. Bertosiendus, évêque de Châlons-sur-Marne (Anno 692), donna un privilége d'exemption à l'abbaye de Montiers-en-Der pour les religieux, et à Pelle-Montiers pour les filles, en les reconnaissant soumises aux deux règles de saint Benoît et de saint Colomban. « Secundum regulam sancti Benedicti, vel domni Columbani ab abbate vel abbatissa corrigantur (Spicileg., tom. x, pag. 6, 9). »

Dom Luc Dachery rapporte plusieurs exemples de fondations et de priviléges de ce même temps, où ces deux règles étaient jointes, même à Luxeuil (Notæ in Lanf., pag. 366).

Saint Donat, que saint Colomban avait obtenu du ciel par ses prières à une mère stérile, et qui, après avoir été moine de Luxeuil, fut fait évêque de Besançon, composa pour des religieuses une règle tissue de cottes de saint Césaire, de saint Benoît et de saint Colomban, selon la demande de ces religieuses mêmes.

Voici comment il en parle dans la préface de

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la lettre qu'il leur adresse : « Sæpius mihi injungitis, ut explorata sancti Cæsarii Arelatensis episcopi regula, quæ specialius Christi virginibus dedicata est, una cum BB. Benedicti et Columbani abbatum collectis in unum flosculis ad instar Enchiridion excerpere vobis deberem. »

Ce fut sans doute par cette jonction que la règle de saint Benoît s'introduisit et s'autorisa dans la France, comme n'en faisant qu'une avec celle de saint Colomban, ou plutôt, selon l'ancienne coutume, qu'une règle ne donnait jamais l'exclusion à l'autre. Car nous venons d'apprendre de Grégoire de Tours, que saint Arédius fit savoir dans son monastère les règles de Cassien, de saint Basile et des autres saints Pères.

Nous avons remarqué que saint Césaire donna une nouvelle règle à sa sœur, qui avait déjà été formée sur celle de Cassien à Marseille, et qu'Aurélien, archevêque d'Arles, en dressa encore une autre. Saint Benoît même donna sa règle au monastère du Mont-Cassin, sans exclure les conférences de Cassien, les écrits des saints Pères et la règle de saint Basile. « Quis liber Catholicorum sanctorum Patrum hoc non resonat, etc. Nec non et collationes Patrum, et instituta et vita eorum, sed et regula sancti patris nostri Basilii, etc. (Regula sancti Bened., c. ult.) »

IX. Si dans la suite des années on n'a presque plus parlé dans les conciles que de la règle de saint Benoît, c'est parce qu'on reconnut qu'elle était la plus achevée de toutes et qu'elle était suffisante sans toutes les autres.

Il ne faut donc pas s'imaginer que la règle de saint Benoît ait aboli ou effacé les autres, ni que le corps des religieux bénédictins ait absorbé les autres corps ou congrégations de moines.

Les monastères ne faisaient point alors de congrégations, ainsi ils n'en pouvaient pas faire de différentes les unes des autres, dont les unes absorbassent les autres. Tous les monastères étaient indépendants les uns des autres, quoiqu'ils suivissent la même règle, à la réserve d'un très-petit nombre qui en avaient un ou deux autres unis et dépendants d'eux comme étant de leur fondation. Ils étaient tous parfaitement dépendants de l'évêque.

Ainsi tous les moines ensemble faisaient un ordre qu'on distinguait du clergé et du peuple, sans être distingués entre eux en plusieurs

ordres monastiques, de même que tous les clercs de l'Eglise ne faisaient qu'un corps distingué des moines et du peuple, sans aucune distinction entre eux que celle des évêchés et des provinces ecclésiastiques.

Aussi nous avons montré ci-dessus que dans l'Orient, si les moines faisaient quelquefois des corps à part, c'était, ou parce que tous les abbés et tous les moines de la seconde Syrie ou de quelqu'autre province souscrivaient à une requête, ou parce que tous les monastères d'une ville, d'un diocèse ou d'une province relevaient d'un exarque à quelque règle qu'ils pussent être particulièrement attachés, de saint Antoine, de saint Pacôme ou de saint Basile.

X. Il faut donc concevoir que dans le septième siècle, tous les monastères de France et même de l'Occident, ne faisaient qu'un même corps de moines opposé au corps du clergé et attaché presque indifféremment à toutes les règles de saint Basile, de Cassien, de saint Césaire, d'Aurélien, de saint Colomban et enfin de saint Benoît, mais que cette derniere regle ayant été reconnue par l'expérience qu'on en lit comme la plus parfaite, on s'y attach aussi phis fore ment, et de là il arriva qu'on uniquement.

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Ensuite de cela on commença avec le temps à ne plus considérer les moines d'Occident que comme disciples de saint Benoit, quoique effectivement et originairement ils fussent aussi les disciples, les sectateurs et les successeurs de ceux qui avaient été institués par saint Martin, par Cassien, par saint Césaire et par saint Colomban.

Le changement de nom nous a fait croire que c'était une chose différente, quoique ce fut la même. Tout le changement effectif n'a été qu'en ce que la succession des moines demeurant toujours la même, au lieu qu'auparavant ils embrassaient toutes les règles et surtout celle de saint Colomban, ils commencèrent à ne plus s'appliquer qu'à celle de saint Benoît.

XI. Ainsi saint Léger, évêque d'Autun, dans son synode de l'an 670, ordonna que les religieux observeraient les canons et la règle de saint Benoît : « De abbatibus vel monachis ita observare convenit, ut quidquid canonicus ordo, vel regula sancti Benedicti edocet, custodire debeant. » Le concile de Liptines, de l'an 743 « Monachi et ancillæ Dei monasteriales juxta regulam sancti Benedicti cœnobia, vel xenodochia sua ordinare studeant. »

Dans le concile suivant de Liptines (Can. vII), après que les ecclésiastiques se furent engagés par une promesse solennelle à observer les canons, les religieux promirent aussi de garder la règle de saint Benoît : « Abbates vero et monachi receperunt regulam sancti patris Benedicti ad restaurandam normam regularis vitæ (Can. 1). »

Après cela on ne parla plus que de la règle de saint Benoît, tous les monastères ayant été réformés au commencement du règne de la maison de Charlemagne, par une rigoureuse observation de tout ce qui est contenu dans cette règle. Le légat du pape, que nous pouvons aussi justement appeler le réformateur de l'Eglise de France que l'apôtre de celle d'Allemagne, contribua sans doute beaucoup à autoriser cette règle qui était déjà montée au comble d'une suprême autorité dans l'Italie.

Effectivement saint Boniface, qui présida au concile de Liptines, et qui y fit recevoir cette unique règle pour les moines, bâtit l'abbaye de Fulde en Allemagne, « sub regula sancti Benedicti, dont il demanda et obtint la confirmation du pape Zacharie (Epist. IV, XIII).

XII. Quant à Italie, Boniface IV fait assez connaître que saint Benoît y était considéré de son temps comme le seul père, et le seul législateur de tous les religieux; lorsque pour prouver qu'on ne pouvait pas dire que les moines fussent incapables des fonctions sacerdotales, il se contente de montrer que saint Benoît ne les leur a pas interdites : « Neque enim Benedictus monachorum præceptor almificus hujuscemodi rei aliquo modo fuit interdictor (Collect. Romana Holst., pag. 243). »

Jean Diacre, qui a fait la vie du grand saint Grégoire, tâche de persuader que ce saint pape avait été de l'ordre de saint Benoît et avait envoyé des religieux de saint Benoît pour prêcher la foi dans l'Angleterre. « Et sui monasterii monachos Benedicti utique regulis mancipatos in Saxoniam destinarit (L. IV, c. 80, 82). D

La preuve qu'il en apporte est que tous les religieux de son temps en Angleterre portaient l'habit et gardaient la règle de saint Benoît : << Vix potest in illis partibus monachus aliquis inveniri, a quo non observetur tam in proposito, quam in habitu regula Benedicti. »

Cette preuve n'a rien de convaincant, comme la prétention de Jean Diacre n'a rien de vraisemblable.

Saint Grégoire qui a écrit fort au long la vie de saint Benoît dans ses dialogues (Dialog., 1. II, præfat.), ne dit pas un seul mot qui puisse faire conjecturer qu'il ait suivi sa règle seule, ou qu'il l'ait proposée seule aux monastères de sa fondation. Il nomme quatre disciples de saint Benoît, de qui il avait appris ce qu'il a écrit de lui, mais il ne dit pas qu'il en eût appelé aucun dans ses monastères. Il donne ce bel éloge à sa règle : « Scripsit monachorum regulam, discretione præcipuam, sermone luculentam (L. II, c. 36). » Mais il ne dit pas qu'il l'eût gardée ou qu'il l'eût fait garder dans ses monastères plus particulièrement que les autres règles. Il assure au contraire que c'est à l'abbé Valention, disciple du grand saint Equice, et non pas de saint Benoît, qu'il s'était confié lui-même et son monastère. « Vitæ namque venerabilis Valentio, qui post in hac Romana urbe, mihi, sicut nosti, meoque monasterio præfuit, prius in Valeria provincia suum monasterium rexit (L. IV, c. 21). » Or que les monastères de la province Valérie fussent de l'institution de saint Equice, le même saint Grégoire le dit ailleurs : « Qui nimirum Equitius pro suæ magnitudine sanctitatis, multorum in eadem provincia Valeriæ. monasteriorum pater extitit (L. I, c. 4). D

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»

Quant à la confirmation de la règle de saint Benoît par le même saint Grégoire dans un synode romain, elle n'est pas mieux fondée. Ce n'était pas encore l'usage de faire confirmer par le pape les règles de chaque monastère, et les actes de ce synode romain qui nous sont restés ne parlent en aucune façon de cette règle.

XIII. Il faut donc avouer que ce ne fut qu'après la mort de saint Grégoire, et peut-être après la publication de ses dialogues, que la vie et la règle de saint Benoît brillèrent avec tant d'éclat dans toute l'Italie, que tous les monastères s'attachèrent peu à peu à cette règle par-dessus toutes les autres, et enfin à elle seule sans toutes les autres, d'où il arriva que sans y avoir pensé et sans avoir eu autre dessein que de choisir la plus achevée de toutes les règles, ils se trouvèrent tous être devenus de l'ordre de saint Benoît, non qu'ils composassent aucune congrégation, ni qu'il y eût aucune supériorité ou dépendance entre les monastères, mais par la seule ressemblance qu'ils avaient entre eux par l'observation religieuse d'une même règle. Voilà ce qui se fit dans l'Italie depuis l'an

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