s'oblige moins à confectionner un ouvrage qu'à procurer une chose, qu'elle devra faire elle-même, ou par des ouvriers à son choix. En pareil cas, ce n'est ni la position, ni la profession de celui qui s'oblige qui a déterminé à contracter avec lui, et qui lui donne les moyens d'exécuter son engagement. Il n'y a donc pas d'obstacle à ce que ses héritiers en soient tenus. Si je conviens avec un individu qui n'est ni architecte, ni entrepreneur, qu'il me fera construire une maison sur tel terrain, d'après un plan arrêté entre nous, sa mort n'opère pas la résiliation de notre contrat. (1) « La convention d'abattre, moyennant une somme, un bois ou un arbre qui gêne la vue de votre maison, forme, dit M. Toullier, une obligation qui passe aux héritiers des deux contractans. Si le propriétaire du bois décède avant de l'avoir abattu; ses héritiers peuvent, en l'abattant, réclamer con tre vous le prix convenu,comme vous pourrez les contraindre à le faire abattre, ou faire juger qu'il sera abattu à leurs frais. Si vous mourez avant que le bois soit abattu, le propriétaire peut, en le faisant abattre, réclamer la somme convenue contre vos héritiers qui peuvent aussi le contraindre à faire abattre le bois.» (2) 379. Il ne faut pas confondre non plus l'engagement principal imposé à l'entrepreneur ou à l'ouvrier par la convention, avec l'obligation de (1) M. Duranton, tome XVII, n° 257. (2) Tome VI, no 409. payer au maître des dommages-intérêts pour inexécution ou simple retard dans l'exécution des travaux. Évidemment, les raisons qui dispensent les héritiers de faire la chose à laquelle était tenu leur auteur, ne les mettent point à l'abri de l'action en dommages-intérêts ouverte avant son décès. 380. Mais il serait injuste qu'au moment, où survient la résolution du contrat causée par la mort de l'entrepreneur, le maître profitât des travaux déjà faits et des matériaux préparés, sans en payer le prix; ou même qu'il pût, à son gré, forcer les héritiers à les reprendre. Si ces matériaux ou ces travaux lui sont utiles pour l'ouvrage dont il s'agit, il en doit la valeur à la succession (1). Cette valeur est fixée en proportion du prix porté par la convention; elle est déterminée par experts, si la convention ne s'explique pas sur le prix total. 381. D'après les principes généraux, le maître ne contracte d'obligation qu'envers l'entrepreneur avec lequel il traite directement. Par conséquent, en payant celui-ci, il est incontestablement libéré, et aucune réclamation ne peut lui être adressée par les maçons, charpentiers et autres ouvriers qui ont été employés par l'entrepreneur à la construction du bâtiment ou des autres ouvrages. Mais si le maître est redevable d'une somme (1) Les héritiers de l'ouvrier, dit M. Delvincourt, ne seraient pas recevables à alléguer que les travaux et les matériaux, peuvent être utiles au maître, ailleurs que pour l'ouvrage qui est l'objet du contrat, tome III, notes, page 218. quelconque à l'entrepreneur, quel sera le droit des ouvriers sur cette créance? Pourront-ils seulement, aux termes de l'article 1166 Code civ., exercer les droits de leur débiteur et, comme le feraient tous autres créanciers, exiger le paiement des sommes dues à l'entrepreneur; ou bien ont-ils contre le maître une action directe pour obtenir de lui, ce qu'il doit, et se faire payer, sur la somme ainsi recouvrée, par préférence à tous les autres créanciers de l'entrepreneur? L'article 1798 ne décide pas clairement la question; il dit que les maçons, charpentiers et autres ouvriers qui ont été employés à la construction d'un bâtiment ou d'autres ouvrages faits à l'entreprise, n'ont d'action, contre celui pour lequel les ouvrages ont été faits, que jusqu'à due concurrence de ce dont il se trouve débiteur, envers l'entrepre neur, au moment où leur action est intentée. La plupart des auteurs pensent que cette dispo sition confère aux ouvriers une action directe contre le maître, et par conséquent un droit de préférence sur les sommes qu'il doit à l'entrepreneur. Ils font remarquer que l'article 1166, accor dant à tous créanciers l'exercice des droits de leur. débiteur, on ne peut admettre que le législateur ait placé, au titre du louage, une disposition spéciale, pour attribuer aux ouvriers une faculté, que leur confèrent les règles générales, sur l'effet des conventions à l'égard des tiers. Ils montrent d'ailleurs combien il est juste qu'une créance qui est née de leur travail, soit exclusivement affectée à leur paie ment. Cette opinion me paraît devoir être suivie (1). M. Delvincourt l'a combattue, en disant que c'est créer un privilège au profit des ouvriers, que les privilèges sont de droit étroit, qu'il faut un texte formel pour les établir, que l'intention de l'article 1798 n'est pas de donner aux ouvriers une action directe contrele maître; qu'il a uniquement pour but de repousser la prétention qu'ils auraient pu avoir d'exiger de lui leur paiement, quoiqu'il se fût déjà libéré envers l'entrepreneur. Il ajoute enfin, que le décret du 12 décembre 1806 établit expressément un privilège, au profit des sous-traitans, sur les sommes qui peuvent être dues aux entrepreneurs par l'État; que ce décret ne dit point qu'il étend aux sous-traitans le privilège créé par l'art. 1798, ce qu'il n'eût pas manqué de faire, si ce privilège eût existé. (2) La réfutation de ces argumens est facile. Sans doute, il faut un texte pour créer un privilège; mais ce texte existe, si l'article 1798 donne une action directe aux ouvriers, le privilège étant la conséquence forcée d'une pareille action. Or, on a déjà pu remarquer combien il serait déraisonnable de voir, dans l'article 1798, une répétition de l'art. 1166. D'ailleurs, il est encore moins possible de croire que le législateur a voulu déclarer seulement, que le maître n'est obligé de payer les ouvriers que jusqu'à concurrence de ce qu'il reste devoir à l'en (1) Arrêts de la Cour de Douai, des 30 mars et 13 avril 1833; Sirey Devilleneuve, 33. 2. 536 et 537. (2) Voy. Tome III, notes, page 217. 4 trepreneur; il est trop évident que le maître n'ayant traité qu'avec l'entrepreneur, s'il l'a payé en entier, des tiers n'ont rien à lui demander. On n'écrit pas dans la loi des vérités aussi claires. L'argument tiré du décret du 12 décembre 1806 peut être rétorqué avec force. Si un privilège est accordé aux sous-traitans, c'est certainement parce que l'article 1798 en accorde un aux sousentrepreneurs; il n'y avait point de raison pour accorder aux uns une faveur, dont les autres n'auraient pas joui. 382. Les quittances constatant les paiemens faits par le maître à l'entrepreneur, sont opposables aux ouvriers, quoiqu'elles n'aient point date certaine. Ici s'applique la règle que j'ai établie dans l'un de mes précédens volumes. (1) 383. Les maçons, charpentiers, serruriers et autres ouvriers qui font directement des marchés à prix fait, sont astreints aux règles prescrites dans la présente section. Ils sont, dit l'article 1799, entrepreneurs dans la partie qu'ils traitent. SECTION IV. Des conventions qui ont de l'analogie avec le louage d'ouvrage. SOMMAIRE. 384. Convention par laquelle deux personnes s'obligent à (1) Voy. M. Toullier, tome VII, no 84. |