son armée. Et Louis XI, convaincu de la haute importance de cette position, donna la Hougue, à titre de baronnie, à Louis-de-Bourbon, grand-amiral de France, à charge d'y bâtir une ville et d'y former un port, projet conçu avec enthousiasme et qui ne reçut qu'un commencement d'exécution. A la suite du glorieux combat qu'il perdit avec tant d'honneur, le 29 mai 1692, contre la flotte anglo-hollandaise, double de la sienne, l'amiral de Tourville, n'ayant pu franchir le Raz-Blanchard, se réfugia à la Hougue avec une partie de son escadre. Il y arriva dans la soirée du 31 mai avec douze vaisseaux : l'Ambitieux, de 100 canons, monté par Tourville lui-même et le vice-amiral marquis de Vilette; le Merveilleux, de 92, monté par le vice-amiral Cabaret; le Magnifique, de 92, monté par le chef-de-division Pannetier; le Foudroyant, de go, monté par le chef-de-division de Relingue; le St-Philippe, de 76, capitaine d'Infreville; le Fier, de 76, capitaine Lateloire; le Tonnant, de 76, capitaine de Septeme; le Terrible, de 76, capitaine de Sepville; le Gaillard, de 66, capitaine d'Amfreville; le Bourbon, de 66, capitaine de Perinet; le Fort, de 60, capitaine Le Chevalier-de-la-Rongère, et le Saint-Louis, de 60, capitaine de la Roque-Persin. La flotte ennemie suivit le sillage de nos vaisseaux et les enferma dans la rade de la Hougue. Tourville descendit à terre, où il trouva Jacques II, avec le maréchal de Bellefonds qui commandait là 7 à 8000 hommes de troupes françaises et 15 bataillons irlandais, destinés à faire une descente en Angleterre si notre pavillon eût triomphé dans la Manche. Tourville voyant l'impossibilité de sauver ses vaisseaux et ne voulant point les laisser enlever par l'ennemi, résolut de les faire échouer. Six furent mis à la côte derrière le fort de la Houge, et les 6 autres à côté du fort de Lillet. On arma aussitôt des chaloupes pour défendre ces vaisseaux et empêcher les Anglais de les brûler. L'amiral dirigeait lui-même ces embarcations. Efforts impuissants. Deux cents chaloupes ennemies bien armées s'approchèrent du rivage les six vaisseaux échoués sous Lillet furent assaillis et brûlés dans la soirée du 2 juin. Le 3, des péniches en plus grand nombre encore, soutenues par une frégate à rames, de 30 canons, et par une demi-galère, entrèrent dans l'anse de la Hougue avec le flot du matin, et les six vaisseaux échoués là devinrent à leur tour la proie des flammes, ainsi que plusieurs bâtiments marchands mouillés dans ces eaux. : Tels furent les résultats du glorieux combat de la Hougue, résultats déplorables qui ne fussent point arrivés, si la France avait eu comme aujourd'hui un port militaire sur la Manche. Les projets de Jacques II et son espoir de remonter sur le trône étant ainsi détruits, ce roi détrôné retourna à SaintGermain. A la grande marée de pleine lune du mois de juillet 1756, on pêcha dans la petite rade de la Hougue, à une portée de carabine du fort de Lillet, quatre canons de fer, provenant de ces vaisseaux détruits depuis 64 ans. Morand fils, qui se trouvait alors à la Hougue, eut la curiosité d'examiner ces vieilles bouches à feu. Voici le résultat de son examen, tel qu'il est consigné dans l'Histoire de l'Académie des sciences année 1756: « Ces canons étaient enduits à l'extérieur et dans l'intérieur d'un encroûtement de limon mêlé de sables et » d'autres matières de cette espèce. Cette couverture enlevée, » M. Morand fut extrêmement surpris de voir que ces canons » avaient acquis un tel degré de ramollissement, qu'ils se lais» saient entamer aussi facilement que s'ils eussent été d'étain; >> mais cet état ne dura pas long-temps: au bout de vingt» quatre heures, ils reprirent par degrés la fermeté qui leur » est propre, et souffrirent les plus fortes charges, répétées jusqu'à trois fois coup sur coup et sans leur donner le temps » de se refroidir, quoique, outre le boulet, on les eût exprès chargés d'une assez grande quantité de cailloux pour les risquer. Bécher et quelques autres auteurs donnent plusieurs » choses intéressantes sur les propriétés du sel marin, qui pourraient tendre à l'explication de ce phénomène; mais » le fait est trop isolé et trop singulier pour qu'on puisse » encore entreprendre d'en rendre raison, et M. Morand « s'est sagement contenté d'en détailler les circonstances. >> >> Le 7 mars 1833, la mer se retira aussi d'une manière extraordinaire sur le rivage de la Hougue; elle découvrit les carcasses de plusieurs des vaisseaux de Tourville, et l'on en retira de nombreux boulets et deux canons de fonte. Le métal de ces pièces d'artillerie qui avaient séjourné 141 ans sous les flots, présenta l'exemple du même phénomène dont parle Morand: il était plus mou et plus malléable que le plomb, et l'on pouvait aisément avec un couteau en couper des morceaux. Il y avait moins de quatre heures que ces pièces étaient hors de l'eau, que déjà leur métal avait repris sa dureté naturelle. Ces singulières particularités sont communes à tous les canons de fer retirés de la mer après un long séjour. Le fer ordinaire, le bronze, le cuivre et autres métaux ne subissent point sous l'eau de mer cette inexplicable altération. A la grande marée du 27 mars 1838, la plage découvrit de nouveau à la Hougue à une assez grande distance pour qu'on pût apercevoir des débris de vaisseaux, des canons, des boulets. On ramassa quantité de vieux projectiles engloutis sous les eaux depuis près d'un sciècle et demi; la plupart étaient tellement oxidés, qu'ils ne présentaient plus que l'image informe d'une masse ferrugineuse. Le commandant du cutter de l'Etat, en station à la Hougue, recueillit ces antiquités maritimes dont plusieurs ont été envoyées au musée de la marine à Paris. La rade de la Hougue a été le théâtre de plusieurs phénomènes maritimes; nous nous bornerons à citer le raz de-marée qui s'y manifesta le 17 septembre 1839, pendant un ouragan. Il était deux heures et demie de l'après midi ; la mer baissait; dejà, elle s'était retirée à une distance de plus de 300 mètres : tout à coup le vent saute de l'est au sud-est; il se déchaîne et souffle en ouragan avec une force extrême, la mer entre en fureur, ses vagues changent de direction, le jusant s'arrête, et la masse des eaux, refoulée vers la côte, couvre la plage au-delà des limites qu'atteint le flux d'équinoxe. La mer, par un autre mouvement anormal, se retira ensuite brusquement jusqu'a la ligne de reflux des basses eaux; un second coup de ressac la ramena au rivage; puis, se contractant de nouveau sur elle-même, elle redescendit enfin à son point de jusant et reprit son cours naturel. L'ouragan venait de cesser. Ce raz-de-marée, dû à la même cause que celui qui se fit sentir à la pointe de Barfleur le 25 décembre 1836, fut produit par la tempête qui agitait alors la Manche. Un tel phénomène, assez commun sur nos côtes dans les moments de tourmente, est bien moins extraordinaire que le raz-de-marée qui eut lieu à Diélette le 13 juillet 1725, par une faible brise de S.-S.-O., un beau temps et une mer tranquille. VERUSMOR. BIOGRAPHIE. BRUCOURT. Charles-Franç-Olivier Rosette, connu sous le nom de Chevalier de Brucourt, nâquit à Grosville (1), arrondissement de Valognes. Il avait embrassé l'état militaire; il s'y distingua, et, après plusieurs années de service, il obtint la croix de St-Louis. Brucourt quitta la carrière des armes et se retira à Caen. Là, il y consacra le reste de sa vie à l'étude de la religion, de la philosophie, de l'histoire et des langues. En 1747, il publia un Essai sur l'éducation de la noblesse, 2 vol. in-12. Il travailla aussi aux statuts de l'école royale militaire. Brucourt mourut à Caen, le 16 novembre 1755, âgé de 42 ans. V. E. PILLET. Note de l'Editeur. Le Journal de Valognes du 23 novembre 1838 contient la lettre suivante, qui relève cette erreur généralement partagée et ajoute à la biographie du chevalier de Brucourt: « Monsieur le Rédacteur, » L'article Ephémérides de votre dernier numéro contient une erreur relativement à M. Rosette de Brucourt. D'après toutes les biographies, on avait marqué Grosville comme le lieu de sa naissance. Le fait est qu'il nâquit, en 1712, à Sainte-Marie-du-Mont, à la terre de Brucourt. Il mourut à Caen en 1755. Il était lieutenant aux Gardes-Françaises. » A la bataille de Lanfelt, ses amis voulaient l'empêcher de se trouver au poste d'honneur, parce qu'il avait la fièvre. Il rejetta cette excuse et combatit de manière à obtenir la croix de Saint-Louis sur le champ de bataille. >> C'est à lui que la ville de Coutances doit la fondation de sa bibliothèque, dont il a donné les livres les plus précieux. » Une famille honorable de Valognes a recueilli son héritage et possède le portrait de cet homme, qui sut allier la science à la bravoure, et mériter, à ce titre, de vivre dans la mémoire de ses compatriotes. Agréez, etc. >> D'ANJOU-DE-BOISNANTIER. Le sacerdoce vient de faire une nouvelle perte dans la personne de M. l'abbé d'Anjou-de-Boisnantier, (né à Landelle, arrondissement de Mortain ). M. l'abbé d'Anjou, qui descendait de l'illustre maison d'Anjou, se renferma d'abord au séminaire des Missions-Etrangères avec la volonté de consacrer sa vie à la prédication de l'évangile parmi les idolâtres. Sa santé l'empêcha d'accomplir ce dessein. Il venait d'être nommé évêque, lorsque la révolution le força de demander un asile à la respectable famille des Lucy, dont le dévouement et la charité lui ont donné les moyens de répandre de nombreux bienfaits dans l'exercice de son ministère, avec un zèle qui lui gagna l'estime, l'amour et la reconnaissance des paroissiens de cette église. Il donna plus d'une fois des marques de sa foi inébranlable, et notamment dans une circonstance importante où son refus de condescendre aux propositions qu'on lui faisait, lui attira des mauvais traitements qui faillirent être funestes pour sa vie. M. d'Anjou ne parlait jamais de cet événement qu'avec des paroles de pardon et d'oubli pour ses persécuteurs. Il fut ensuite nommé grand-vicaire de Bourges, puis premier aumônier de la maison royale de St-Denis et chanoine titulaire du Chapitre. Licencié à la Faculté de théologie de l'ancienne université de Caen, il exerça pendant 40 ans les fonctions de premier vicaire de St-Roch. Sous le règne de Charles X, on lui donna le cordon d'officier de la légion d'honneur. Sa fin a été semblable à sa vie, et a beaucoup édifié M. l'évêque de Versailles, qui l'a assisté dans ses derniers moments. Quelques jours après la réception des sacrements, il dit adieu à ses amis, qui ne le quittaient pas, et leur annonça qu'il n'était plus avec eux. En effet, depuis ce moment on l'entendait continuellement réciter des prières où l'on distinguait les versets des psaumes qui nous peignent les désirs de l'âme qui souhaite de s'élever vers Dieu. Et c'est au milieu de ces prières, que la mort s'est étendue sur ce vieillard vénérable. Sa perte laissera long-temps un douloureux souvenir dans le cœur de ceux qui ont été à même d'apprécier l'aménité de son caractère, la charité de son âme, enfin l'assemblage des vertus évangéliques qui le rendirent aussi respectable comme prêtre qu'aimable comme homme du monde. Extrait de la DOMINICALE du 12 avril 1835. LE CORSAIRE DE BRICQUEVILLE. Corsaire de Bricqueville! Ce titre pourra paraître étrange à plus d'un lecteur. Mais sachez donc que jamais cœur pusilla |