chez lui; et M. Vallée, n'avait jamais, si ce n'est dans les dernières années, voulu associer personne à son entreprise. C'était à force de veilles et de fatigues qu'il en portait seul le poids, avec un petit nombre de commis qu'à dessein il faisait toujours venir de la campagne. Un fardeau aussi excessif ne devait pas tarder à dépasser les forces humaines; aussi il y a 10 ans environ, M. Vallée se vit-il atteint d'une gastrite intense, à laquelle ne tarda pas à s'adjoindre un catarrhe pulmonaire. Depuis ce temps, sa santé a toujours été délabrée; l'air lourd et brumeux de Rouen lui convenait moins de jour en jour : ce fut alors qu'il fixa son domicile à Saint-Lo, dans le voisinage de sa fabrique qu'il pouvait ainsi surveiller sans fatigue, tandis que la maison de Rouen, tenue par les associés qu'il s'était enfin adjoints, continuait à prospérer. C'est dans ces circonstances qu'il a succombé à une recrudescence de sa maladie, au moment où il se disposait à aller chercher sous le ciel de l'Italie, le remède à un mal qui n'en admettait plus. Th. GARNIER. MÉLANGES. SESSION ANNUELLE DE L'ASSOCIATION NORMANDE. (1) Il y a six ans, M. de Caumont jetait les fondements d'une vaste association, destinée à réunir dans son sein tous les hommes, habitants de nos cinq départements, qui, par leur instruction, leur expérience, leur dévouement éclairé au bien. public, avaient le pouvoir et la volonté d'accroître le mouvement progressif et régulier des forces sociales, de contribuer à l'amélioration morale et matérielle de leur pays. Noble pensée, qui ne fut d'abord qu'imparfaitement comprise, mais qui commence à l'être chaque jour d'avantage! Quarante membres seulement avaient répondu au premier appel de M. de Caumont : nous sommes aujourd'hui plus de sept cents. >> « Unir plus intimement les hommes qui se dévouent au pro"grès de la morale, de l'agriculture, de l'industrie; exciter » le zèle et l'émulation au sein des localités secondaires, com» battre le vieux préjugé que, hors la capitale, tout est frappé d'ignorance, de sterilité et d'inertie; s'affranchir du monopole et de la tutelle qu'elle prétend s'arroger sur les pro» vinces; faire enfin un appel à toutes les spécialités du pays, » les mettre en lumière, les honorer:» tel était le programme de l'association nouvelle; programme auquel elle est demeuré e fidèle. Ses travaux et ses succès sont là pour l'attester. Chaque année l'Association normande tient une ou plusieurs séances, dans les villes les plus importantes des cinq départements qu'elle embrasse. Elle s'y livre à des enquêtes sur l'état agricole, industriel, moral de l'arrondissement. Les discussions auxquelles donnent lieu ces enquêtes, sont pleines d'intérêt chacun y apporte sans prétentions, sans phrases, le Note de l'Editeur. Nous devions abréger pour l'Annuaire de la Manche l'excellent compte-rendu des seances de l'Association normande, inséré dans le Journal d'Avranches. Le temps nous a manqué, et communication nous a été faite d'une brochure publiée par M. Leon de la Sicotiere, d'Alençon, l'un de nos jeunes antiquaires qui ont le plus d'avenir. Nous n'avons point balancé à prendre son travail, que nos lecteurs ne trouveront pas trop long, quelle qu'en soit Tetendue. tribut de ses expériences et de ses lumières; la supériorité relative des diverses méthodes agricoles ou industrielles, les avantages que leur mise en pratique pourrait offrir dans telle ou telle localité; les progrès réalisés dans tous les genres, ceux qui restent à faire; les ressources naturelles du pays, le parti qu'on a essayé d'en tirer; tous ces points sont mûrement examinés, discutés, approfondis. Les procès-verbaux publiés dans l'Annuaire deviennent ensuite les matériaux d'une excellente statistique de la province. Bien connaître ce qui est, c'est le premier pas vers la connaissance de ce qui devrait être. Il faut de toute nécessité constater les progrès accomplis dans les lettres, les beaux-arts, l'industrie agricole, industrielle et commerciale, avant de formuler, pour l'avenir, le programme des perfectionnements les plus nécessaires et les plus immédiatement réalisables. Que d'avantages d'ailleurs le présent ne tiret-il pas de ces réunions? Sous leurs auspices, un échange de communications utiles s'établit entre les habitants de la localité où elles se tiennent; échange où l'expérience et les lumières de chacun se produisent au bénéfice de tous, où chacun par conséquent reçoit bien plus qu'il n'a pu donner; eux-mêmes s'étonnent en parcourant l'inventaire de leurs richesses; richesses mal connues et dont quelquefois même ils ne soupçonnaient pas l'existence. Il n'est pas non plus un étranger qui sorte de ces réunions, sans en rapporter, avec une connaissance approfondie des besoins et des intérêts d'un pays voisin la pensée de méthodes nouvelles, d'établissements ou d'améliorations utiles à introduire dans le sien chacun recueille et conserve ainsi quelques étincelles du feu sacré que ces réunions, véritables foyers mobiles, sont appelées à répandre successivement sur tous les points de notre belle province. Avranches avait été choisi pour le lieu de la session générale annuelle de 1839. Nous allons publier un compte-rendu, sommaire de cette session. L'Annuaire de 1840 de l'Association normande dira mieux que nos articles, l'intérêt qu'elle a présenté, les succès que l'Association y a obtenus. Nous voulons avant tout nous rendre les interprètes de l'Association, en exprimant la satisfaction qu'elle a éprouvée de voir sa pensée si bien comprise par les habitants d'Avranches, la reconnaissance qu'elle gardera toujours pour leur accueil bienveillant et hospitalier. Hâtons-nous de le dire d'abord, nulle autre ville ne méritait mieux qu'Avranches la distinction dont celle-ci avait été l'objet. C'est une si jolie position que la sienne, au sommet d'une colline qui domine tout le pays! Ses environs sont si fertiles et si bien cultivés! les sites sur lesquels plonge le regard, de quelque côté que l'on se tourne, sont si riches, si variés, si pittoresques! Qu'il est beau surtout l'horizon que l'on découvre de la plate-forme où s'élevait autrefois la cathé-drale dont les derniers débris viennent de disparaître, et du jardin des plantes! Cette verdure sombre et épaisse, semée de châteaux et de villages, ces grands arbres au-dessus des quels s'élève ça et là la pointe de quelques clochers; ces trois rivières la Sée, la Sélune, le Couesnon, qui viennent par des chemins différents se réunir et se perdre dans les mêmes sables; ces grèves mornes et désertes; derrière les grèves, la mer immense et sans bornes, et, entre leur double solitude, le Mont-St-Michel, dont l'énorme masse et les charmants détails se découpent en teintes légèrement rosées sur le fond d'or des grèves, ou se détachent resplendissants, aux derniers rayons du soleil, d'un horizon chargé de nuages noirs ; le mont Tombelaine, enfin, écrasé par le voisinage de son superbe rival: voilà de ces spectacles qu'Avranches seul peut offrir et dont on achèterait la vue au prix d'un pénible voyage! Avranches est d'ailleurs une ville de souvenirs historiques et littéraires. Elle ne se distingue pas seulement par l'antiquité bien constatée de son origine, par l'importance du rôle qu'elle a joué dans nos guerres civiles et dans nos guerres avec l'étranger, par l'illustration militaire de quelques-uns de ses enfants. L'éclat de son siége épiscopal, la célébrité des abbayes qui florissaient sur son ancien territoire, les savants et les poètes auxquels elle a donné naissance à toutes les époques, sont pour elles un autre titre de gloire. Héritiers des traditions que leur avaient transmises les Lanfranc, les Coenalis, et les Huet, les habitants d'Avranches n'ont point répudié ce legs glorieux; il n'est pas de ville, en Normandie, de mœurs plus élégantes, d'un esprit plus cultivé et plus poli. Une Société d'agriculture et une Société d'archéologie s'y sont établies dans ces derniers temps, et rivalisent d'efforts el de succès. Les travaux littéraires y sont en honneur; les études agronomiques et horticoles y sont plus avancées que partout ailleurs; tout concourt en un mot à faire d'Avranches un séjour plein d'agrément; tout se réunissait pour désigner cette ville au choix de l'Association. La session avait été préparée avec le zèle le plus intelligent et le plus empressé par M. Olivier, maire de la ville, et inspecteur de l'Association, qui sait unir aux talents de l'habile administrateur, ceux du littérateur et de l'écrivain. Il avait été admirablement secondé par les deux Sociétés d'agriculture et d'archéologie, et par un grand nombre de personnes honorables qui s'étaient empressées de lui porter leur appui. Un concours de chevaux, une exposition de fleurs, l'ouverture du musée devait avoir lieu pendant la durée de la session. Tout faisait donc présager qu'elle serait pleine de charme et d'intérêt, nos espérances ont encore été dépassées; nous aimons à le proclamer. Un grand nombre de personnes étrangères à l'arrondissement d'Avranches s'étaient rendues à la réunion et ont pris part à ses travaux. Nous citerons, avec le regret d'en omettre bien certainement quelques-unes, MM. de Caumont, de Caen, le conservateur et l'âme de l'Association, qui poursuit son œuvre patriotique et consciencieuse avec tant de zèle et de dévouement; de Magneville, de Caen, président de la Société d'horticulture du Calvados, un des hommes qui ont le plus contribué, en Normandie, au progrès des sciences considérées principalement dans leurs rapports avec l'application pratique; de Tilly et de Druval, de Caen; Godefroy, de Caen; Castel, de Sallen, de Marguerie, de Bayeux; Léon de la Sicotière, d'Alençon; Hellouin, de St-Sever; le comte de Béranger, de Coutances; l'abbé Piton-Desprez, auteur des Etrennes Coutançaises, de Coutances; de Béranger, de Valognes; de Milly, et de Bonvouloir, de Mortain; Raymont-d'Auray, de St-Pois; BitouzéDauxménil, de Saint-Lo; l'abbé Viel, de Sourdeval; Clément et le chevalier Houel, de Saint-Lo; Pollet, conservateur de la bibliothèque publique de Vitré, inspecteur des monuments historiques d'Ille-et-Vilaine; M. Ephrem Houël, qui était accouru du fond de la Bretagne, se réunir à ses amis et à ses compatriotes, etc., etc. Parmi les personnes appartenant à la ville ou à l'arrondissement d'Avranches, qui ont pris une part active aux travaux, nous indiquerons seulement M. Olivier, dont le zèle infatigable ne s'est pas un instant ralenti; M. le SousPréfet; M. de Saint-Germain, président de la Société d'agriculture; M. de Clinchamps, le fondateur de la Société archéologique, aux travaux de laquelle les siens ont donné une si salutaire impulsion; M. Fulgence Girard, l'habile directeur de la France maritime, l'auteur justement estimé des Chroniques maritimes du temps de la révolution et de l'empire; MM. de Montécot, de Verdun-de-la-Crenne; Regnouf, ancien député; Lemoine-Desmares, ancien député; plusieurs membres du jury central de l'exposition; Maillard, de Sartilly; l'abbé Desroches, qui vient de publier une savante et curieuse histoire du Mont-SaintMichel et de l'Avranchin; Motel; l'abbé Dupré; de Beaucoudray, Louvel et Follin, de Granville; Guitton de-la-Villeberge, de Montanel; Besnou, de Villedieu; Méquet; Lacorne, maire de Pontorson. Cent quarante personnes environ ont assisté aux réunions et pris part aux discussions. |