La séance s'ouvre dans la vaste orangerie de M. Legrandaís, qui avait bien voulu la mettre à la disposition de l'Associa tion. Un grand nombre de membres et d'étrangers qui ont répondu à son appel, sont présents; M. de Caumont procède à la formation du bureau, M. le sous-préfet, M. le maire, M. Clément, M. de Magneville, M. Regnouf, M. de Verdnn-dela-Crenne, M. Alphonse Maillard, M. Lemoine-des-Mares, M. de Bonvouloir, président de la Socicté d'agriculture de Mortain, sont appelés à en faire partie. M. de St-Germain, président de la Société d'agriculture d'Avranches, occupe le fauteuil, sur l'invitation de M. de Caumont et déclare la session ouverte. M. de Caumont prend la parole et, dans un discours rapide, il expose le but que se propose l'Association normande, ses moyens d'action, les succès par elle obtenus. Il parcourt ensuite successivement les grandes divisions dans lesquelles rentrent les différents sujets sur lesquels portent les recherches de l'Association, l'agriculture, l'industrie, la littérature et les beaux-arts, l'éducation, l'instruction, la morale et les établissements philantropiques, et signale les succès conquis par l'arrondissement d'Avranches dans chacune d'elles, ceux qui restent encore à obtenir. Il termine en exprimant, au nom de l'Association, sa reconnaissance aux Sociétés d'agriculture et d'archéologie, et aux personnes honorables qui ont bien voulu accueillir le projet de réunion de l'Association normande, notamment à M. le SousPréfet et à M. Olivier. « M. Olivier, dit M. de Caumont, a bien » voulu préparer cette session avec le zèle infatigable qu'il apporte » toujours aux choses qui intéressent le pays; nous sommes >> heureux de nous présenter devant vous sous ses auspices : »sa bienveillante coopération et celle des membres de la Société » d'agriculture, sont un gage assuré du succès de nos re» cherches dans cet arrondissement et de leur bonne direc» tion. » " L'enquête agricole s'ouvre après ce discours. Nous regrettons de ne pouvoir reproduire ici, même par extrait, les résultats qu'elle a offerts. Les réponses au programme avaient été préparées par la Société d'agriculture et rédigées par M. Olivier, avec une netteté et une précision qui ne laissaient rien à désirer. Plusieurs questions importantes, relatives aux modes des labours, à la profondeur qu'il convient de leur donner dans les endroits où les engrais sont rares, à l'engraissement des bestiaux au moyen des fourrages légumineux, à l'emploi de la tangue, à la culture de la tremène (treffle), dont le dé périssement progressif doit être attribué, soit à l'usage des matières calcaires, soit plutôt à l'épuisement de la terre, causé par le retour trop fréquent de cette culture dans les assolements; aux arbres fruitiers et forestiers, à l'influence que l'écorcement, avant l'abattage, peut exercer sur la force et la durée du bois de chêne, et l'incision annulaire, sur la direction et la fructification des arbres donnent lieu à des discussions intéressantes et animées auxquelles prennent part MM. de St-Germain, de Montécot, Regnouf, de Verdun-de-la-Crenne, Clément, le chevalier Houël, Lozivy, Delaunay, de Magneville, Fulgence Girard et beaucoup d'autres membres. La séance est levée à une heure. L'assemblée se rend alors, sous l'escorte d'un détachement de la garde nationale, au Champ-de-Mars où une estrade est élevée pour la distribution des médailles d'honneur. Des concours ont été ouverts : L'un pour les horticulteurs qui ont exposé, dans une galerie élevée pour cet objet, les plus riches productions de leurs serres; L'autre pour les jardiniers qui, par les plus longs services dans la même famille, ont prouvé leur talent et leur probité; Le troisième enfin pour les éleveurs de chevaux qui ont présenté les plus beaux sujets. La remise de ces récompenses est précédée d'un discours de M. de Saint-Germain, président de la Société d'agriculture, discours aussi bien pensé que bien écrit, et dont nous sommes heureux de pouvoir citer quelques passages. >> : ..... Notre réunion n'est pas seulement une fête de fa» mille; la présence de l'Association normande parmi nous » lui donne une solennité inaccoutumée entre toutes les villes qui ambitionnaient cet honneur, elle a choisi Avranches pour » tenir sa session annuelle. Notre reconnaissance doit en être » d'autant plus vive que les membres qui composent cette So» ciété célèbre, et le savant illustre qui marche à sa tête, » ont toujours imprimé à ses travaux un caractère d'utilité qui » les change en bienfait. » Hommes aux pieux souvenirs, s'ils s'occupent à scruter » notre passé, ce n'est pas seulement pour enrichir la science » et l'histoire, et prouver qu'en France l'art et la gloire ne » sont pas nés d'hier; c'est encore pour découvrir et signaler » nos vieux monuments, les arracher au marteau du vanda»lisme, les sauver de l'indifférence qui fait aussi des ruines. » S'ils se livrent à l'étude du présent, c'est pour rechercher » avec soin tout ce qui peut le rendre prospère ou glorieux, » c'est pour encourager l'industrie, le commerce, l'agricul»ture, par de nobles récompenses; s'ils songent aussi à l'a » venir, c'est pour le préparer par tous les moyens que Dieu » a laissés au pouvoir de l'homme. » » Depuis long-temps on se plaint avec raison de l'insuffisance » de nos statistiques agricoles; et partout ils ouvrent les en» quêtes les plus minutieuses, destinées à nous révéler les fautes » commises, les voies de prospérité inconnues ou négligées. » L'agriculture voit avec envie ces conseils supérieurs, ces » grands corps représentants et protecteurs du commerce et » de l'industrie; et, dans toutes les occasions, ils cherchent » à lui faire oublier leur absence; ils mettent leur zèle et leur juste influence au service de ses intérêts; vous conviendrez, Mes»sieurs, que ce sont vraiment des hommes de bien que ceux » qui consacrent ainsi leurs loisirs, leur fortune, leurs talents >> et quelques-uns leurs veilles et leur vie à l'accomplissement » d'une grande pensée qu'ils ont érigée en devoir..... » >> M. de Saint-Germain adresse des félicitations aux horticulteurs qui ont préparé avec une si louable émulation la magnifique exposition de fleurs. « L'horticulture, dit-il, est presque » une importation nouvelle parmi nous. Ceux-là même qui lui » donnent chaque jour de nouveaux développements, sont ceux qui l'ont créée; car si, dès long-temps comme aujourd'hui » encore, quelques amateurs n'y ont cherché qu'une douce occupation pour leurs loisirs, ou une diversion nécessaire à de pénibles pensées, d'autres y ont vu une industrie nouvelle, et ils ont enrichi notre ville d'une branche de com»merce qui se révèle chaque année par d'importantes expor>>tations..... » >> M. de Saint-Germain n'oublie pas dans ses éloges les jardiniers. « Ces utiles auxiliaires qui ne recueillent guère l'hon» neur des succès qu'ils ont préparés pour d'autres. » La Société d'agriculture a voulu récompenser l'ancienneté des services dans la même famille : « Cette ancienneté ne représente-t-elle » pas à elle seule et la confiance réciproque, et la douceur » des mœurs, et la probité, et le dévouement, et l'intelligence...>> Passant ensuite à l'agriculture, M. de Saint-Germain, signale les progrès immenses qu'a faits dans le pays, depuis quelques années, l'éducation des chevaux. « En moins de vingt ans, » on est parvenu avec des juments petites, grêles, dégénérées » et de vil prix, à créer une race grande, vigoureuse, re» marquable surtout par les qualités qu'un long service fait » seul reconnaître, mais quelquefois aussi par l'élégance des » formes et la beauté des allures..... » Après avoir signalé les abus résultant de certaines spéculations, qui consistent à faire devancer aux pouliches l'époque ordinaire de la fécondité, ou à vendre les produits améliorés, en conservant indéfiniment les mêmes mères, M. de Saint-Germain termine son allocution par un coup d'œil sur l'état florissant et progressif de l'agriculture dans l'arrondissement d'Avranches; les bœufs sont justement renommés et attirent dans les foires une heureuse concurrence d'acheteurs; les vaches commencent à rivaliser avec celles du Cotentin; la culture des racines promet de magnifiques résultats; celle des choux fourrageux n'a pas moins bien réussi : tout doit donc encourager au progrès; et c'est avec union et confiance que les agronomes doivent marcher à la conquête d'un avenir assuré. M. Olivier rend compte des opérations des jurys d'examen et appelle les noms de ceux qui ont mérité des récompenses. Cinq médailles d'honneur sont accordées à l'horticulture; les trois premières sont méritées ex æquo par MM. Legrandais, Baudry et Bataille; les deux secondes par MM. Titon, et Léon, jardinier de M. Olivier. On proclame ensuite les noms des jardiniers à qui l'ancienneté de leurs services dans les mêmes maisons, a fait décerner des médailles et des prix la durée de ces services pour les quatre vainqueurs est de 21 à 36 ans); et ceux des cultivateurs qui ont mérité des primes et des mentions honorables dans le concours ouvert pour les pouliches. La Société se rend immédiatement au jardin botanique pour y visiter l'exposition de fleurs. Nous essaierions en vain de donner une idée de la richesse de cette exposition. Nous savions qu'Avranches était une de nos villes de l'Ouest où l'horticulture était le plus avancée; et cependant nous n'avons pu nous défendre d'un vif sentiment de surprise, en même temps que d'admiration, en contemplant le gracieux spectacle étalé sous nos yeux trois mille plantes, en pleine floraison, qui étaient rangées sous une galerie longue de 80 mètres, adossée au mur oriental du jardin botanique, dans un ordre parfait, et rivalisaient d'éclat, de fraîcheur et de parfums. Les cactus de feu, les géraniums aux feuilles veloutées, les roses thé aux nuances pâles et délicates, mille fleurs différentes de nom et d'origine, de forme, de couleurs, se disputaient notre attention. Le regard flottait indécis entre leurs diverses beautés qui, comme leurs parfums, finissaient par se confondre dans un ensemble harmonieux et vague. Admirable et charmant spectacle à la fois que celui de ces fleurs si belles par elles-mêmes, si belles par leur réunion! A leur aspect, on se demande ce qu'on doit le plus admirer de la nature qui sème ainsi, en se jouant, des trésors de grace et de beauté qui défient la toute puissance de notre industrie et de nos arts, ou de cette industrie qui réunit ce que la nature avait dispersé dans les différentes parties de notre globe, perfectionne ce qu'elle avait créé, et la rend, pour ainsi dire, tributaire à son tour de sa puissance et de nos plaisirs! Parmi les belles collections qui fixaient l'attention des amateurs, on citait celles des cactus de M. Titon, des géraniums de MM. Bataille et Baudry, des rosiers thé de M. Legrandais. Cette exposition empruntait encore un nouvel attrait à la foule élégante et empressée qui se succédait sans relâche pour la visiter. Une réunion de la Société française pour la conservation des monuments historiques devait terminer la journée. A trois heures et demie la foule se rend dans la galerie du Musée où cette séance devait avoir lieu. Le musée d'Avranches vient d'être ouvert d'ici à peu d'années, il s'enrichira certainement d'un grand nombre d'objets précieux; mais, dans son état actuel, il offre déjà beaucoup d'intérêt. C'est un don de la Société d'archéologie à la ville d'Avranches: MM. Lacorne et Lemaître en sont les fondateursconservateurs et s'acquittent de leurs fonctions avec le zèle le plus actif et le plus intelligent. Une très-belle collection d'objets celtiques découverts dans le pays, quelques antiquités romaines, des collections intéressantes de monnaies, d'échantillons minéralogiques et géologiques, une certaine quantité d'objets appartenant à l'histoire naturelle vivante; une galerie de tableaux parmi lesquels on remarque ceux de M. Lacorne, un des conservateurs ; quelques gravures ou dessins reproduisant soit les monuments et les sites du pays, soit les traits des hommes célèbres auxquels il s'honore d'avoir donné le jour, font de ce musée un établissement que nous ne craignons pas d'indiquer et de proposer pour modèle à toutes les villes qui, avec plus ou moins de ressources qu'Avranches, voudront, à son exemple, ouvrir un musée. Heureuses celles qui pourront, aussi comme Avranches, trouver des donateurs généreux et des administrateurs qui sachent apprécier l'importance des dons faits à leur cité, les encourager, les honorer ! Le bureau, sur l'invitation de M. de Caumont, se constitue ainsi qu'il suit M. de Clinchamps, président de la Société d'archéologie, président; M. de Pirch, vice-président; M. le Maire M. le Sous-Préfet; M. de Magneville; M. de Milly; M. Guitton-de-la-Villeberge; M. Fulgence Girard, secrétaire. L'enquête archéologique s'ouvre aussitôt. M. de Caumont expose la méthode à suivre dans ces recherches scientifiques et pose la première question: la direction, dans cet arrondissement, des voies romaines indiquées dans l'itinéraire d'Antonin ou sur la carte de Peutinger, est-elle connue ? M. de Clinchamps fait un résumé rapide des opinions professées en dehors de la Société et des recherches faites par elle; la question ne peut encore recevoir de solution définitive, Une savante discussion s'engage relativement à la direc |