la fusion s'opère, les divers éléments viennent se grouper autour d'un noyau central, la féodalité succombe et la royauté triomphe. ROBERT II, LE PIEUX. 996-1031. Né en 970.-Roi en 996.-Agé de 26 ans.-Mort en 1031.-Agé de 61 ans.-Règne 35 ans. Avénement. A Hugues Capet, mort en 996, succéda son fils Robert le Pieux, qui avait été sacré du vivant de son père. Il eut des démêlés avec l'Église, qui le força de répudier sa première femme, Berthe de Bourgogne, sa cousine au quatrième degré, et avec laquelle il avait tenu un enfant sur les fonts baptismaux, association spirituelle considérée, dans les premiers temps, comme ne mettant pas moins d'obstacle au mariage que la plus étroite parenté. Une semblable association avait été la cause du divorce d'Audovère et de Chilpéric; la perfide Frédégonde s'était servie de ce moyen pour épouser le roi. Robert fut excommunié par suite de sa résistance aux ordres du pape, et on l'évitait comme un pestiféré; deux domestiques seulement lui restèrent fidèles, encore faisaient-ils passer au feu les plats dont il s'était servi pour effacer la souillure de son contact. Dans tout le royaume l'office divin avait cessé, l'usage des sacrements était suspendu, les statues des saints étaient descendues de leurs bases et couvertes d'un voile noir. Le bruit se répandit même que, par l'effet de l'excommunication, le fils de Berthe était né avec le cou et les pattes d'une oie, monstre que l'on sculpta au-dessus de la porte de quelques cathédrales, comme le symbole des maux qui attendaient les contempteurs des anathèmes du saint-siége. Robert épousa plus tard Constance de Toulouse, princesse cruelle, qui fit allumer à Orléans les premiers bûchers pour les hérétiques. Les juifs, accusés d'avoir profané les mystères chrétiens et de vouloir détruire l'Eglise et le saint sépulcre, furent également persécutés; les uns furent noyés, les autres brûlés. A Toulouse, il était établi que le jour de Pâques un chrétien donnerait un soufflet à un juif devant la porte de la principale église, et, en 1018, un chapelain, choisi pour donner le soufflet solennel, s'en acquitta avec tant de violence, que les yeux et la cervelle de la malheureuse victime sortirent de sa tête, au dire des historiens de ce temps. Guerres. Les principales guerres de ce règne ont été : 1° La guerre que fit Robert II, avec le concours de Richard, duc de Normandie, contre Otto-Guillaume, qui n'était que le beau-fils de Henri, duc de Bourgogne (1002-1016). Henri était mort sans postérité, et Robert, son neveu, revendiquait l'héritage de ce duché de Bourgogne que lui disputait Otto-Guillaume. Après quatorze ans de lutte, la paix fut conclue, et le plus jeune des fils de Robert, qui portait son nom, obtint le duché de Bourgogne, que ses descendants conservèrent jusqu'en 1361. 2o Une révolte de Henri et de Robert, l'un et l'autre fils du roi, contre leur père, révolte excitée par Constance de Toulouse et heureusement apaisée (1025). Remarques historiques. Robert, élève du savant Gerbert, qui devint pape sous le nom de Sylvestre II, reçut de ses contemporains le surnom de Pieux. Il nourrissait jusqu'à mille indigents par jour, coupait les ornements de sa lance et les franges d'or de son manteau royal pour les donner à des malheureux, se laissait voler par des pauvres et se contentait de leur adresser de paternelles admonitions, mais toujours en leur disant : Prenez garde que ma femme ne vous voie. Il aimait beaucoup à pardonner, et un jour que douze personnes avaient conspiré contre lui, il les fit communier, traiter splendidement et rendre à la liberté : On ne peut faire mourir, dit-il, ceux que Jésus-Christ vient d'admettre à sa table. Robert, auquel Hugues Capet avait recommandé en mourant de remplir tous ses devoirs religieux, et d'avoir pour le clergé les plus grands ménagements, restait des journées entières dans l'église de Saint-Denis, chantant mieux et plus fort que les autres, dit son biographe, et les excitant gaiement à chanter l'office de toutes leurs forces. On raconte même qu'entraîné par le plaisir de chanter au lutrin, il quitta le siége d'un château pour aller diriger la musique du service divin, et que pendant ce temps les murs du château s'écroulèrent. Du reste, le roi était très-bon musicien, et il composa des hymnes sacrées, entre autres celle qui commence par ces mots : O constantia martyrum, que l'Église chante encore aujourd'hui et que la reine Constance crut avoir été composée en son honneur. Ces faits permettent d'apprécier la bonté et la piété du roi Robert, aux vertus duquel ses contemporains attribuaient d'avoir survécu à l'an 1000, L'Église, menacée par la féodalité, lançait des bulles foudroyantes contre les usurpateurs des biens ecclésiastiques. Les domaines du clergé furent beaucoup mieux préservés par l'appréhension qu'inspirait la fin du monde, prédite pour l'an 1000; cette croyance était si fortement imprimée dans les esprits que plusieurs actes de cette époque commencent par ces effrayantes formules: Le soir du monde approchant, le jugement dernier étant annoncé; beaucoup de seigneurs léguèrent leurs châteaux et leur fortune à l'Église pour expier leurs fautes. Mais l'an 1000 se passa, le monde ne périt point et le clergé accrut son influence. Partout on célébrait la résurrection, partout on construisait des églises et des monastères. Il semblait, dit Raoul Glaber, que la terre, se dépouillant de ses haillons, prenait plaisir à se parer de la robe blanche des églises. La joie d'avoir échappé au jugement dernier se manifesta aussi par les persécutions exercées contre les hérétiques et les juifs. En 1018, un ouragan ayant renversé plusieurs maisons de Rome, le pape, pour faire cesser le vent, fit trancher la tête à un grand nombre de juifs, qu'un apostat avait accusés d'être par leurs profanations la cause de ce malheur. HENRI I. 1034-1060. Né en 1005. - Roi en 1031. - Agé de 26 ans.- Mort en 1060.-Agé de 55 ans.- Règne 29 ans. Avénement. Robert mourut en 1031, et eut pour successeur son fils Henri I, qui épousa (1051) Anne de Russie, dont la famille prétendait descendre de Philippe de Macédoine. Aussi, son fils fut-il appelé Philippe, nom que plusieurs rois de France prirent à partir de cette époque. Guerres. Les guerres les plus importantes des Français, sous ce règne, sont les suivantes : 1o La guerre de Henri I contre son frère Robert, poussé à la rébellion par sa mère Constance, qui désirait donner la couronne à ce dernier (1031-1032). Le roi, d'abord vaincu, se réfugie auprès de Robert le Diable, duc de Normandie; celuici rend Henri victorieux à Villeneuve-Saint-Georges, le fait remonter sur le trône, force Robert å se contenter de la Bourgogne, et se fait céder Gisors, Pontoise et le Vexin (1052), en récompense de ses services; 2° La guerre que fit Henri à Gui, comte de Mâcon; celui-ci voulait se faire nommer duc de Normandie, après la mort de Robert le Diable, parti en pèlerinage pour la Terre-Sainte, et au détriment du fils de ce dernier, Guillaume le Bâtard, nommé plus tard Guillaume le Conquérant (1035-1047). Henri prit le parti de Guillaume, au père duquel il avait dû autrefois lä couronne, et le fit reconnaître par les vassaux de Normandie après la bataille du Val-des-Dunes, ou le roi fut renversé de cheval et manqua de périr (1047); 3o Une campagne du roi contre son autre frère Eudes, aussi révolté (1037-1039), et qui, vaincu malgré les secours des ducs de Meaux et de Chartres, fut enfermé, en 1039, dans la tour d'Orléans, d'où il ne sortit que deux ans après; 4o Une expédition de Henri contre Guillaume le Bâtard (1054-1055), pour lui reprendre le Vexin, expédition qui ne réussit point et cinq ans après laquelle mourut le roi de France. Remarques historiques, Au moyen âge, les guerres privées, c'est-à-dire, les guerres qui avaient liett entre les familles pour venger l'insulte faite à l'un de leurs membres, ensanglantèrent la France. Le christianisme affaiblit en partie ces usages barbares, et l'Église établit, en 1041, la trêve de Dieu, qui, sous peine d'excommunication, défendait toute hostilité du mercredi soir au lundi matin. C'est sous le règne de Henri I que l'on voit naître la chevalerie, telle qu'elle devait exister du onzième au quatorzième siècle. « A l'époque où << Robert mourut, où Henri monta sur le trône, on doit regarder les mœurs « et les opinions de la France comme déjà entièrement chevaleresques 1. » Quand chez les Germains un jeune homme entrait dans la classe des guerriers, on le revêtait de l'écu et de la framée, on célébrait son admission par des réjouissances publiques. Après l'invasion des barbares, cette cérémonie devenait chaque jour moins fréquente et allait probablement cesser d'exister, lorsque le besoin de créer une institution destinée à protéger la veuve et l'orphelin dans cette société désorganisée, la fit revivre tout à coup, la rendit plus solennelle que jamais. Telle fut la double origine de la chevalerie, qui était à la fois une dignité féodale et un second sacerdoce, plus actif que celui des prêtres. Le mélange des peuples du Nord et du Midi, sur le sol de l'Italie et sur le sol de la Gaule, a donné à cette institution un caractère prononcé de galanterie romanesque. Pour devenir chevalier, il fallait faire une sorte de noviciat, propre à donner aux jeunes vassaux les idées qui devaient les guider dans tous les actes de leur vie. Le jeune gentilhomme était d'abord envoyé à la cour du suzerain comme page ou varlet ou damoiseau, et devenait écuyer après tun premier stage de sept ans environ. A l'âge de vingt ans, on le faisait 1 Histoire des Français, par M. de Sismondi. chevalier. La réception d'un chevalier était accompagnée de plusieurs cérémonies servant à rehausser l'éclat et l'importance de ce titre, qui donnait droit à de nombreux priviléges. Il y avait deux classes de chevaliers, les chevaliers bannerets, portant bannière, et les bacheliers ou baschevaliers. Défendre l'Église, protéger les faibles, respecter les femmes, était la triple mission qu'avaient à remplir les chevaliers. Les croisades, les tournois, les aventures privées illustrèrent principalement les membres de cette belle institution. L'influence sociale de la chevalerie a été presque nulle, mais son influence morale a été immense. Les sentiments de générosité et de loyauté, le respect pour les choses saintes, l'espèce de vénération enthousiaste dont les femmes furent l'objet ont adouci les mœurs de cette rude époque, et ont puissamment contribué à la civilisation des peuples encore barbares du moyen âge. La chevalerie, en cherchant à ramener l'ordre dans la société, travaillait à sa propre destruction. Elle devint en effet inutile et dut disparaître du jour où cessa l'anarchie féodale, où la faiblesse trouva dans la loi aide et protection contre la force tyrannique. L'invention de la poudre à canon, l'organisation des armées permanentes, l'abolition des tournois achevérent la ruine de la chevalerie, que l'on chercha vainement à faire revivre dans la suite, et qui enfanta les ordres religieux et monastiques du Temple, de Saint-Jean de Jérusalem, des Chevaliers teutoniques, etc., et les ordres de cour du Saint-Esprit, de Saint-Michel, de Saint-Louis, de la Légiond'Honneur, ainsi que d'autres moins importants. La chevalerie, comme toute grande institution, reposant sur les plus nobles passions humaines, a eu ses poëtes et ses historiens. Elle a été chantée par les trouvères du Nord et les troubadours du Midi; elle a été racontée par Villehardouin, Joinville et Froissart, qui nous font connaître sa naissance, son plus grand développement et sa décadence. PHILIPPE 1. 1060-1108. Né en 1053. - Roi en 1060. - Agé de 7 ans. - Mort en 1108.- Agé de 55 ans. - Règne 48 ans, Avénement. Philippe, sacré en 1059, monta sur le trône en 1060, et eut pour tuteur Baudouin V, comte de Flandre et beau-frère du dernier roi. C'est pendant la minorité de Philippe I (1066) que Guillaume de Normandie, prétendant avoir été appelé au trône d'Angleterre par le testament d'Edouard le Confesseur, fit valoir ses droits quand ce prince mourut, remportala victoire d'Hastings sur le roi Harold et s'empara de sa couronne. Dès lors Guillaume changea son surnom de Bâtard en celui de Conquérant; |