Ici finissent les succès des Français; ils perdent le Milanais et sont vaincus à Novare (6 juin 1513) par les Suisses, qui s'avancent jusqu'à Dijon. Le 23 août suivant, une armée, composée de trente mille Autrichiens et de vingt-trois mille Anglais, défait l'armée française à Guinegate, où Bayard et le duc de Longueville sont faits prisonniers. Cette bataille, où il n'y eut pas quarante hommes tués, fut surnommée la Journée des Éperons, parce que les Français s'y servirent plus de leurs éperons que de leurs lances. Conséquences. - Maximilien Sforza, fils de Ludovic le More, est rétabli à Milan, et les Suisses quittent la France par suite d'un traité honteux que Louis XII désavoua plus tard. Celui-ci se réconcilie également avec le pape Léon X, successeur de Jules II, et signe la paix avec Henri VIII, dont il épouse la sœur, Marie d'Angleterre, âgée seulement de seize ans 1. Peu de temps après ce mariage, Louis XII mourut (1er janvier 1515) ne laissant que des filles. Remarques historiques. Louis XII, à son avénement au trône, diminua les impôts et accrut la prospérité du commerce. Il subvenait aux frais des guerres par la vente d'une partie de ses biens. Quand on lui reprochait sa trop grande économie, il se contentait de répondre : J'aime mieux voir les courtisans rire de mon avarice que le peuple pleurer de mes dépenses. On ne peut donc pas s'étonner du surnom de Père du peuple, qui lui fut donné. Malgré ses guerres, Louis XII se livrait à l'étude; il forma la bibliothèque la plus complète de cette époque. Un fait qui démontre la bonté de son caractère est celui-ci. La Trémouille témoigna des craintes sur les suites que pouvait avoir pour lui la lutte qu'il avait soutenue contre Louis XII, alors duc d'Orléans, lutte dans laquelle il l'avait vaincu à Saint-Aubin, fait prisonnier et livré à la régente. Louis XII fit à ce général cette belle réponse: Le roi de France ne venge pas les injures du duc d'Orléans. Il avait, en effet, beaucoup de vengeances à exercer, et cependant il marqua seulement d'une croix rouge, sur la liste des officiers, le nom de ceux qui lui avaient été le plus hostiles; ayant eu connaissance de l'inquiétude que cette remarque leur avait inspirée, il demanda en riant si, depuis Jésus-Christ, la croix n'était pas le signe de la rédemption. 1 Louis XII avait, à cette époque, cinquante-deux ans. QUATRIÈME BRANCHE CAPÉTIENNE. VALOIS-ORLÉANS-ANGOULÊME. 1515-1589. FRANÇOIS I. 1545-1547. Néen 1494.-Roi en 1515.-Agé de 21 ans.-Mort en 1547. -Agé de 53 ans. -Règne 32 ans. Louis XII étant mort sans enfants mâles, la couronne de France passa à son plus proche parent, François d'Angoulême, devenu François Ier. Guerres. Guerre contre le duc de Milan. 1515-1516. Causes.- Successeur de Louis XII, François Ier hérita de ses prétendus droits sur le Milanais, et voulut les faire valoir. Evénements militaires. - Une armée de cinquante mille hommes se dirigea vers l'Italie avec soixante-douze pièces d'artillerie. Maximilien Ier, empereur d'Autriche, Ferdinand le Catholique, roi d'Espagne, et le pape Léon X se liguèrent avec les Suisses pour défendre Maximilien Sforza, duc de Milan. François ler s'unit à Henri VIII, roi d'Angleterre, à Charles d'Autriche (plus tard Charles-Quint), aux Génois et aux Vénitiens. Les Français passent les Alpes; ils se disposaient à continuer leur marche vers Milan, lorsque vingt-sept mille Suisses vinrent les arrêter près de Marignan (14 septembre 1515). Attaqué à l'improviste, François Ier donne ses ordres, organise ses troupes et s'élance sur l'ennemi en criant: Qui m'aime me suive. Le combat dura deux jours entiers, et ce ne fut que le second jour que les Suisses, croyant entendre les cris de l'armée vénitienne venant au secours des Français, se retirèrent en bon ordre et laissèrent la victoire à François Ier. Cette bataille de géants, ainsi appelée par le maréchal Trivulce, coûta douze mille hommes aux Suisses et six mille aux Français. Le lendemain, le roi de France, qui avait passé la nuit précédente couché sur l'affût d'un canon, voulut recevoir l'ordre de la chevalerie de la main de Bayard. Ce loyal chevalier avait assisté à ce combat et avait manqué d'y être fait prisonnier. Après la victoire de Marignan, François ler marcha sur Milan, dont Maximilien fut obligé de lui ouvrir les portes; il y rétablit un gouvernement français. Conséquences. - François Ier devient maître du Milanais; il s'unit avec le pape, que cette victoire décida en sa faveur, et avec les Suisses, ces dompteurs des princes, qui, après la signature de la paix perpétuelle, furent constamment les plus fidèles alliés de la France. Première guerre contre l'Autriche. 1521-1526. Causes. - En 1516, le traité de Noyon, conclu entre François Ier et Charles d'Autriche, stipulait le mariage de ce dernier avec la fille du roi de France, qui, pour dot, lui cédait tous ses droits sur le royaume de Naples. Maximilien étant mort le 11 janvier 1519, François et Charles prétendirent tous deux à l'empire; Charles d'Autriche, qui était roi d'Espagne et dont les États servaient de barrière à l'invasion des Turcs, l'emporta; dès lors les relations amicales cessèrent entre les deux souverains; le traité de Noyon fut même oublié. Le roi de France réclama le royaume de Naples, enlevé à Louis XII par Ferdinand le Catholique, et voulut forcer son rival à lui rendre hommage pour le comté de Flandre. De son côté, le nouvel empereur redemandait le Milanais, comme fief impérial masculin, et le duché de Bourgogne, comme héritage de son aïeule Marie, fille de Charles le Téméraire. Avant de commencer la lutte, les deux rivaux cherchèrent chacun à s'allier au roi d'Angleterre, qui prit alors cette devise : Qui je défends est maître. Mais avant la somptueuse entrevue du Champ du drap d'or, entre François Ier et Henri VIII, Charles d'Autriche, devenu empereur sous le nom de Charles-Quint, s'était déjà assuré l'amitié du roi d'Angleterre et avait gagné ses ministres. Les premières hostilités éclatèrent entre la France et l'empire en 1521. Evénements militaires. - Le comte de Nassau, à la tête d'une armée de trente-cinq mille hommes, vint punir de son insolence Robert de la Marck, seigneur de Bouillon, qui, ayant réclamé le secours de la France pour se venger d'un prétendu déni de justice, avait fait défier l'empereur au milieu de la diète de Worms. Les Impériaux prennent Mouzon et Tournay; mais ils échouent au siége de Mézières, vaillamment défendu par Bayard pendant six semaines. En Italie, une ligue s'était formée contre les Français, et les confédérés s'étaient retranchés dans le château de la Bicoque (29 avril 1522), entre Lodi et Milan. Les Suisses, qui n'avaient pas reçu de paye depuis plusieurs mois, voulaient combattre et criaient avec fureur: argent, congé ou bataille; ils furent complétement défaits. Lautrec, revenu en France, accusa de ses malheurs le gouvernement, qui ne lui avait pas envoyé la solde des troupes. Il fut reconnu que la mère du roi, Louise de Savoie, pour perdre ce général, qu'ellé haïssait, avait gardé pour elle-même les quatre cent mille écus destinés à l'armée d'Italie. Le surintendant des finances, Semblançai, à qui François ler avait ordonné d'envoyer cette somme à Lautrec, montra vainement les reçus qu'il avait de Louise de Savoie; il fut jugé et pendu en 1527. Une armée française, commandée par Bonnivet, assiége Milan; mais elle est bientôt forcée d'en lever le blocus et de battre en retraite. Bayard, qui commandait l'arrière-garde, reçoit un coup de feu mortel. Porté au pied d'un arbre, la face tournée vers l'ennemi, les yeux fixés sur la garde de son épée, faite en forme de croix, il expira, après avoir dit au connétable de Bourbon, qui était passé dans les rangs de l'ennemi, et qui, l'ayant reconnu, s'attendrissait à son aspect: Ce n'est pas moi, mais c'est vous qu'il faut plaindre, vous qui combattez contre votre roi, votre patrie et votre serment. Ainsi mourut le bon chevalier, le chevalier sans peur et sans reproche, dont le trisaïeul était mort à la bataille de Poitiers, le bisaïeul à celle d'Azincourt, l'aïeul à Montlhéry. Comme général, Bayard possédait trois excellentes qualités: assaut de bélier, défense de sanglier et fuite de loup. La Provence fut envahie par les Impériaux, qui ne purent s'emparer de Marseille et s'éloignèrent à l'approche de François Ier. Ce prince se rendit de nouveau en Italie et mit le siége devant Pavie, occupé par Antoine de Lève avec six mille hommes. Lannoy, Pescaire et Bourbon, avec une armée aussi forte que celle des Français, c'est-à-dire avec quinze mille hommes de pied et quinze cents chevaux, vinrent secourir Pavie. Le 24 février 1525, le roi engagea la bataille sous les murs de cette place, d'après l'avis de Bonnivet et contrairement à celui de ses autres généraux plus expérimentés; ces derniers lui représentèrent vainement qu'il fallait éviter d'en venir aux mains, puisqu'il avait affaibli son armée en envoyant des troupes à Naples. L'artillerie française force les Impériaux à s'éparpiller et à prendre la course pour moins souffrir dans le changement de position. François Ier, croyant qu'ils fuient, se met à leur poursuite et masque son artillerie, qui cesse le feu; il permet ainsi aux troupes de Charles-Quint de se rallier et d'envelopper les Français, qui, après un combat acharné, sont forcés de battre en retraite. Le roi de France, tombé dans un fossé avec son cheval, est fait prisonnier et envoyé à Madrid. Huit mille Français périrent dans cette bataille; les Impériaux ne perdirent que sept cents hommes. Le grand nombre de Français tués à Pavie doit être attribué à un stratagėme de Pescaire. Ce général annonce, un peu avant le combat, que François ler a publié dans son armée une défense, sous des peines capitales, de faire quartier à aucun Espagnol. Cette nouvelle excita l'indignation des Impériaux, qui jurèrent de n'accorder la vie à aucun Français et de mourir plutôt que de se rendre. C'est après cette bataille que le roi de France écrivit à sa mère: De toutes choses ne m'est demouré que l'honneur et la vie, qui est sauve, |