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paroles que l'on a résumées dans cette phrase beaucoup plus chevaleresque: Tout est perdu, fors l'honneur.

Conséquences. - Le traité de Madrid (1526) fut la suite de cette désastreuse campagne. François Ier renonçait à ses droits sur l'Italie, cédait à Charles-Quint le duché de Bourgogne, le comté de Charolais et les villes de la Somme; de plus, il devait pardonner au connétable de Bourbon et le rétablir dans tous ses biens; enfin, il était fiancé à la sœur de l'empereur, Éléonore, reine douairière du Portugal, et donnait ses fils en otage.

Deuxième guerre contre l'Autriche. 1527-1529.

Causes. - Le roi captif signa le traité de Madrid; mais à peine fut-il libre qu'il déclara aux envoyés de Charles-Quint, venant demander à être mis en possession de la Bourgogne, qu'il ne pouvait le faire sans le consentement des états généraux. Ceux-ci le dégagèrent de sa parole et cassèrent le traité de Madrid. La guerre recommença immédiatement.

Evénements militaires. - Une ligue, dans laquelle entrent le roi de France, le pape Clément VII, Henri VIII, les Suisses, les Vénitiens et les Florentins, se forme contre Charles-Quint. Bourbon prévient l'effet de la ligue; il prend Milan, en chasse Sforza et court assiéger Rome. Il meurt du premier coup d'arquebuse parti des remparts de la ville, et laisse le commandement des troupes à Philibert, dernier prince d'Orange de la maison de Châlons. Celui-ci vengea la mort du connétable en saccageant pendant deux mois la ville prise, d'assaut aux cris de: Carnage et sang! Bourbon! Bourbon! Le pape et treize cardinaux sont retenus prisonniers jusqu'au payement des sommes énormes promises par eux pour leur rançon.

Le roi d'Angleterre et le roi de France réunissent leurs efforts pour délivrer le pape; François Ier fait passer en Italie une armée de vingt-six mille fantassins et de six mille cavaliers, commandée par Lautrec. Celui-ci s'empare de Génes et marche vers Rome, où il apprend que Clément VII est mis en liberté moyennant trois cent cinquante mille ducats; il n'en chasse pas moins les Impériaux devant lui, et assiége Naples, où se trouvaient toutes les forces des ennemis. Cette ville fut délivrée par André Doria, qui, d'abord notre allié, embrassa plus tard le parti de Charles-Quint. Nos troupes furent, en outre, décimées par la peste. Une seconde armée française, forte de six mille cavaliers et de dix mille fantassins, fut détruite à Landriano par Antoine de Lève (1529).

Conséquences.- Le pape se fit rendre tous les territoires qui appartenaient au clergé, et, en échange, donna à l'empereur d'Autriche l'investiture du royaume de Naples. Par le traité de Cambrai (1529), appelé aussi Paix des Dames, parce qu'il fut conclu entre Marguerite d'Autriche, pour l'empereur, et Louise de Savoie, pour le roi de France, il fut convenu que François Ier payerait deux millions d'écus d'or pour la rançon de ses fils, qu'il renoncerait à tous ses droits sur l'Italie ainsi qu'à la souveraineté de la Flandre et de l'Artois, et qu'il épouserait Éléonore de Portugal. La Bourgogne restait à la France, mais elle devait former le duché du fils qui naîtrait du mariage de François Ier avec la sœur de l'empereur.

Troisième guerre contre l'Autriche 1535-1544.
PREMIÈRE PARTIE. 1535-1538.

Causes. - Charles-Quint venait de triompher des corsaires de Tunis et de repousser Soliman; François Ier, jaloux des succès de l'empereur, s'unit aux musulmans et aux protestants d'Allemagne, quoiqu'il persécutât les réformés français. Voici quel fut le prétexte apparent de cette guerre : un gentilhomme français, nommé Merveille, qui était ambassadeur de France à Milan, ayant été mis à mort parce que ses domestiques avaient tué un gentilhomme italien qui les insultait, François Ier demanda satisfaction, et n'ayant pu l'obtenir, fit envahir le Milanais par une nouvelle armée.

Evénements militaires. - Cette armée s'empara d'abord de Turin et de presque toutes les places fortes du Piémont et de la Savoie, dont Charles, duc de Savoie et beau-frère de l'empereur, voulait fermer l'entrée aux Français. Sur ces entrefaites (octobre 1535), Sforza vint à mourir; François Ier réclama le Milanais, devenu vacant; mais aussitôt Antoine de Lève l'occupa, comme fief impérial, au nom de Charles-Quint. Pour avoir le temps de s'y fortifier, l'empereur trompa le roi de France par des promesses, assurant qu'il allait donner le duché de Milan à l'un des fils de ce dernier. Dès qu'il eut terminé tous ses préparatifs de guerre, il leva le masque, et, déclarant qu'il gardait le Milanais, il se déchaîna contre François Ier dans une assemblée tenue à Rome. «Si j'étais à sa place, s'écria-t-il, « j'irais tout à l'heure, les mains liées, la corde au cou, implorer « la miséricorde de mon ennemi. » La guerre recommença.

Charles-Quint envahit le midi de la France. Anne de Montmorency, surnommé le Fabius français, prit l'ennemi par la famine, ravagea la Provence, démantelales places fortes et n'engagea aucune action décisive. L'empereur, après avoir perdu vingt-cinq mille hommes par le manque de nourriture et par les maladies, fut obligé de battre en retraite et donna ainsi un démenti à ce qu'il avait dit, avant l'expédition, à l'historien Paul Jove, auquel il avait recommandé de faire provision d'encre et de plumes, parce qu'il allait lui tailler de la besogne. Le roi de France envoya dans l'Artois une autre armée, qui prit plusieurs places et perdit ensuite ses conquêtes. Las de la guerre, les deux souverains signèrent la trêve de Nice (18 juin 1538).

Conséquences. Les clauses de cette trêve étaient les mêmes que celles de la paix de Cambrai, seulement chaque parti conservait ses conquêtes. Le duc de Savoie n'eut plus que la ville et le comté de Nice.

C'est pendant cette même trêve que Charles-Quint, sur la parole de François ler et après avoir promis de donner le Milanais au deuxième fils du roi, traversa la France pour se rendre d'Espagne en Flandre, où il devait étouffer une révolte des Gantois. On conseillait au roi de retenir prisonnier celui qui, en 1526, lui avait fait payer si cher sa liberté; la duchesse d'Étampes était de cet avis. Le lendemain du jour où l'empereur le sut, il eut soin de laisser glisser de son doigt un magnifique diamant, au moment où la favorite de François Ier lui présentait une serviette pour s'essuyer les mains. La duchesse le ramasse et le présente à Charles: Gardez-le, lui dit-il galamment, il est en trop jolies mains pour que je puisse le reprendre ; ce procédé était infaillible pour gagner un ennemi de cette nature. Le fou du roi, le spirituel Triboulet, écrivait un soir en présence de François Ier sur un petit livre qu'il appelait le Journal des Fous. Le roi lui ayant demandé ce qu'il y inscrivait, le nom de l'empereur, répondit Triboulet, parce qu'il s'est livré à vous. El cependant je le laisserai passer, reprit François Ier. - Alors, je mettrai le vôtre à la place du sien, ajouta le fou. Charles-Quint ne fut pas exempt d'inquiétude pendant le temps qu'il passa en France; témoin ce jour où le duc d'Orléans, encore trèsjeune, sauta sur la croupe de son cheval, au moment où il partait pour la chasse, et le prenant à bras-le-corps, s'écria: Je vous fais mon prisonnier. Cette saillie fit trembler l'empereur d'Allemagne. Ce prince quitta librement la France, malgré les conseils que toute la cour donna à François Ier.

Suite de la troisième guerre contre l'Autriche.
DEUXIÈME PARTIE. 1538-1544.

Causes. - Dès qu'il eut puni la rébellion des Flamands, Charles-Quint, qui avait vu le roi de France rester fidèle à sa parole, ne suivit pas un si bel exemple de loyauté. Ce grand trompeur et manqueur de foi osta le masque de la dissimulation, dit du Bellay. Il refusa de donner le Milanais au second fils de François ler, ainsi qu'il l'avait promis verbalement, et il répondit froidement : Qu'on me montre un écrit de moi. Un autre grief vint se joindre à celui-ci : deux ambassadeurs de France avaient été faits prisonniers et massacrés par un lieutenant de l'empereur, qui espérait saisir par ce moyen les instructions dont ils étaient chargés; mais du Bellay, qui commandait le Piémont pour le roi de France, ne devait les leur envoyer que lorsqu'ils seraient arrivés à leur destination; de sorte que le secret de l'État fut sauvé, et de ce crime odieux l'Espagne ne recueillit que la honte. Charles-Quint ayant refusé toute réparation pour cet attentat, François ler forma cing armées, destinées à entrer en Espagne, dans le Luxembourg, dans le Brabant, en Flandre et dans le Piémont.

Evénements militaires. - Le roi resserra son alliance avec Soliman, sultan des Turcs, tandis que l'empereur d'Allemagne s'unit au roi d'Angleterre, qui lui envoya dix mille hommes pour grossir son armée. Charles-Quint attaque Landrecy et est forcé d'en lever le siége. Le comte d'Enghien, qui commandait l'armée française, investit Carignan et livre la bataille de Cérisoles (14 avril 1544). Les Français étaient au nombre de vingt mille; du Guast, général de Charles-Quint, commandait trente mille Espagnols. Les Impériaux se précipitèrent sur des bataillons suisses, qui les repoussèrent vigoureusement. La victoire des Français fut complète, le carnage épouvantable. Douze mille Espagnols restèrent sur le champ de bataille et trois mille furent faits prisonniers. Nous n'eûmes à regretter que deux cents hommes.

Les Français s'emparèrent de Montferrat et de plusieurs places importantes; mais ils furent obligés de s'arrêter dans leur triomphe, François Ier ayant rappelé d'Italie douze mille hommes pour venir se joindre à l'armée du Nord, qui devait s'opposer à l'invasion de la Champagne par Charles-Quint et à celle de la Picardie par Henri VIII. L'empereur prend Ligny, Commercy, Saint-Dizier, Épernay et Château-Thierry. Le roi d'Angleterre refuse de continuer son appui à Charles-Quint. Dès lors, l'empereur, qui avait déjà perdu la plus grande partie de ses soldats, se décida à signer, avec François Ier, le traité de Crespy (18 septembre 1544).

Conséquences. - Il fut convenu qu'on se restituerait les conquêtes faites depuis la trêve de Nice, et que Charles-Quint donnerait sa fille aînée ou la seconde fille de Ferdinand, son frère, en mariage au duc d'Orléans, avec le Milanais ou les Pays-Bas pour dot. Mais le duc d'Orléans mourut l'année suivante (1545), et cette clause resta conséquemment sans effet. Henri VIII, maître de Boulogne, continua la guerre pendant deux ans, et consentit enfin à conclure la paix avec le roi de France. Celuici devait payer deux millions d'écus en huit ans; à ce prix, Henri VIII lui rendait Boulogne au dernier payement, et lui remettait toutes les anciennes dettes.

Remarques historiques.

François Ier, que sa valeur a fait nommer avec raison le dernier des chevaliers, commença d'être le rival de Charles-Quint du jour où celui-ci fut empereur, du jour où la puissance du prince espagnol menaça l'indépendance de la France et de l'Europe. Des contemporains blåmèrent François Ier de s'être uni, lui le roi très-chrétien, aux réformés et aux Turcs; mais cette ligue, opposée à celle de l'empereur, pouvait seule sauver la France. La bravoure, la générosité et la loyauté de François Ier eurent à triompher de l'intrigue et de la perfidie de Charles d'Autriche, et surtout de sa rare activité à se transporter sans cesse du nord au midi et du midi au nord, activité qui a fait dire que si l'on mesurait le tour de ses voyages il excéderait celui du soleil. Le roi de France prouva, en soutenant noblement cette lutte, que son royaume pesait dans la balance politique de l'Europe autant que l'Espagne, l'Allemagne, les Pays-Bas et l'Italie1. 1 Histoire des Français, par M. Lavallée.

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