battu sur les bords de la Katzbach (26 août). Dans cet échec, nous eûmes à regretter dix mille hommes tués ou blessés, et dix mille autres faits prisonniers par les ennemis; ceux-ci nous prirent en outre soixante canons. Le 24 du même mois, Oudinot, qui avait voulu marcher sur Berlin, se trouvait arrêté à Gross-Beeren, où il fut vaincu et laissa quinze cents hommes au pouvoir des alliés. Le maréchal Ney, attaqué à Dennewitz, le 5 septembre, fut aussi défait, et eut dix mille hommes tués ou pris. Tous ces revers étaient le prélude d'un autre plus désastreux encore. Napoléon avait vainement cherché à combattre séparément Blücher et Schwartzenberg, qui, malgré la supériorité de leur nombre, n'osèrent jamais engager une affaire sérieuse. Mais Benningsen étant venu de Pologne avec trente mille hommes, les alliés résolurent de faire leur jonction sur nos derrières dans les plaines de Leipsick et d'y livrer une bataille décisive, dont le succès ne semblait pas douteux. L'empereur n'avait à opposer que cent cinquante-six mille huit cents hommes à trois cent cinquante mille hommes, qui composaient les corps réunis de Benningsen, Blücher, Bernadotte et Schwartzenberg. Le 16 octobre, avant que le roi de Suède eût pu se joindre à l'armée alliée, une première action eut lieu et resta indécise. Le 18, la bataille de Leipsick commença; le carnage fut effroyable. Au centre et à la droite, les Français résistèrent et soutinrent avec courage les attaques constamment renouvelées que l'ennemi dirigeait contre eux avec des troupes fraîches. Mais à la gauche, où quarante mille des nôtres luttaient contre cent mille alliés, douze mille Saxons passent à l'ennemi, et, d'après l'ordre de Bernadotte, déchargent à bout portant toute leur artillerie sur nos bataillons. La vieille garde de l'empereur vint secourir la gauche; celle-ci se conserva dans sa position jusqu'à la nuit, qui mit fin à cette sanglante bataille. Le lendemain, nos colonnes commencèrent à opérer leur retraite sur un pont long et étroit que, par suite d'une méprise déplorable, on fit sauter avant que toute l'armée eût effectué son passage. Il restait encore dans Leipsick cent cinquante canons et trente mille hommes; tous ces braves se défendirent alors avec le courage du désespoir et trouvèrent la mort en combattant l'ennemi ou en cherchant à traverser à la nage la rivière qui les séparait du reste de leurs compagnons d'armes. Vingt mille Français périrent à Leipsick; trente mille furent faits prisonniers; de ce dernier nombre étaient vingt mille malades ou blessés restés dans les hôpitaux; nous perdîmes en outre deux cents pièces de canon. Les alliés eurent quatre-vingt mille hommes mis hors de combat. Cette bataille, la plus terrible des temps modernes, appelée par les Allemands la bataille des nations, décida non--seulement de notre sort, mais aussi de celui de la Pologne. Son courageux défenseur, Poniatowski, se noya dans l'Elster, qu'il avait voulu traverser pour rejoindre les Français. Cette cruelle défaite nous força de reculer jusqu'au Rhin. Notre armée gagna rapidement Erfurth, et arriva près d'Hanau (30 octobre 1813), où se trouvaient soixante mille Bavarois, qui se disposaient à couper la retraite à Napoléon. Mais celui-ci, avec quarante mille Français, culbute les ennemis, commandés par de Wrède, leur tue sept mille hommes, fait trois mille prisonniers, et peut ainsi continuer son mouvement rétrograde sur les bords du Rhin, qu'il atteignit le 2 novembre. A ce moment finit la campagne de Saxe et commença celle de France. «La campagne de 1813, dit Napoléon, sera le triom<< phe du courage inné dans la jeunesse française, celui de << l'intrigue et de l'astuce dans la diplomatie anglaise, celui << de l'impudeur dans le cabinet autrichien; elle marquera l'é« poque de la désorganisation des sociétés politiques, celle de « la grande séparation des peuples avec leurs souverains; en« fin, la flétrissure des premières vertus militaires, la fidélité, « la loyauté, l'honneur. >>> A cette époque, le Corps législatif se montre hostile aux volontés de l'empereur, et demande l'abandon des conquêtes et le rétablissement de la liberté. Napoléon, outré de voir cette assemblée chercher à nous diviser quand deux cent mille Cosaques franchissent nos frontières, ordonne la dissolution du Corps législatif, en disant : C'est moi qui suis le seul représentant du peuple: quatre fois j'ai eu le vote de cinq millions de citoyens. M'attaquer, c'est attaquer la nation. Ce conflit si regrettable fit connaître aux alliés qu'ils pouvaient envahir impunément nos frontières, et qu'il n'existait plus en France cette union re doutable, qui, en 1792, les avait repoussés de notre territoire. Napoléon règle lui-même le budget de 1814, obtient du Sénat une levée de trois cent mille hommes sur les classes de 1803 à 1814, et organise la garde nationale de Paris et des départements. Il entre de nouveau en campagne, après avoir confié la régence à Marie-Louise et le commandement de la capitale à son frère Joseph. Schwartzenberg, à la tête de cent cinquante mille hommes, s'avance par la Suisse; Blücher, avec cent trente mille Prussiens, passe le Rhin entre Manheim et Coblentz; cent mille Suédois et Allemands, sous Bernadotte, entrent en Belgique; en Italie, Murat commande cent mille hommes, et, au midi, Wellington nous attaque avec cent quarante mille Anglo-Espagnols. Quatre-vingt mille Français eurent à lutter contre cinq cent mille alliés. Augereau commandait douze mille hommes à Lyon; Victor défendait, aussi avec douze mille hommes, la ligne de Strasbourg à Bâle; Marmont, avec dix mille, celle de Strasbourg à Mayence; Macdonald, avec treize mille, celle de Coblentz à Nimègue; douze mille hommes, sous les ordres du maréchal Maison, couvraient la Belgique; Eugène était en Italie, et le maréchal Soult aux Pyrénées. Au mois de janvier 1814, Napoléon marche en Champagne contre les armées de Schwartzenberg et de Blücher, qu'il cherche à attaquer séparément, tandis qu'un congrès s'ouvre à Châtillon pour y traiter de la paix. Ayant appris que Blücher se dirigeait sur l'Aube et allait faire sa jonction avec Schwartzenberg, l'empereur veut à tout prix percer l'armée de Silésie, qu'il attaque à Brienne (29 janvier) avec soixante-dix mille hommes. La victoire fut vivement disputée et resta enfin aux Français. La perte des Prussiens fut de six mille hommes; la nôtre s'éleva à quatre mille. Dans le but d'achever de détruire l'armée de Blücher, que l'on croyait isolée, les Français s'avancèrent jusqu'au village de la Rothière. Mais la jonction de l'armée de Silésie avec une partie de l'armée austro-russe avait eu lieu. Une retraite précipitée devant un ennemi trois fois plus nombreux était plus dangereuse encore qu'une légère défaite. Une bataille acharnée se livra, près de la Rothière, le 1er février 1814; nous fumes complétement repoussés, et l'on se retira sur l'autre rive de l'Aube par le pont de Lesmont, dont le maréchal Ney défendit les approches avec de la grosse artillerie. Le maréchal Marmont protégea la retraite, et, par une vigoureuse résistance, retarda la marche des alliés. Napoléon perdit à la Rothière six mille hommes et cinquante-quatre canons; huit mille alliés furent tués dans cette bataille. Les Français se replièrent sur Troyes; alors les deux armées de Blücher et de Schwartzenberg se séparèrent de nouveau; l'armée de Silésie devait longer la Marne, et l'armée austrorusse opérer sur les deux rives de la Seine. L'empereur, profitant de cette faute, quitta Troyes, et voulut attaquer les troupes de Blücher sur leur flanc gauche. Ce général avait disséminé sur des points différents ses quatre corps principaux, commandés par Kleist, Langeron, York et Sacken. La division russe d'Alsuwiew, appartenant au corps de Langeron, était restée seule à Champ-Aubert. Les Français l'y attaquent le 10 février, et la détruisent totalement. Quinze cents Russes restent sur le champ de bataille ou se noient dans les étangs, et deux mille trois cents sont faits prisonniers. Nous prîmes, en outre, vingt et une pièces d'artillerie. Cette victoire nous coûta six cents hommes tués ou blessés. Le lendemain, 11 février, après avoir coupé ainsi l'armée de Silésie par le centre, l'empereur battait à Montmirail le corps de Sacken, fort de seize mille hommes. Vers la fin du combat, au moment où les gardes d'honneur passaient devant Napoléon pour exécuter un mouvement, il leur dit : Jeunes gens, voilà l'ennemi; il prétend aller à Paris, je vous charge de l'en empêcher. Cette valeureuse jeunesse, n'écoutant que son courage, répondit en criant: Il n'ira pas! il n'ira pas! et pleine d'enthousiasme, s'élança au combat. Sacken fut complétement défait et perdit quatre mille hommes tués ou blessés, quinze cents faits prisonniers, six drapeaux et vingt-six bouches à feu. Le 12 du même mois, le corps d'York, réuni aux débris du corps de Sacken, fut à son tour attaqué à Chateau-Thierry, où la victoire se décida encore en faveur des Français, qui firent éprouver aux alliés une perte de cinq mille hommes tués ou blessés et de quatre mille faits prisonniers; Napoléon n'eut que quatre cents hommes mis hors de combat. Il se dirigea immédiatement sur le reste de l'armée de Blücher, qu'il atteignit à Vauchamps (14 février). Là encore les Prussiens furent battus. Attaqués en même temps de front par le maréchal Marmont, et sur leur droite par le général Grouchy, ils sont mis en déroute; la retraite leur est même coupée par Grouchy, qui va les attendre sur la route de Champ-Aubert; il les taille en pièces pendant que la cavalerie de la garde les charge vigoureusement. Blücher perdit dans cette journée quatorze mille hommes tués, blessés ou faits prisonniers, vingt canons et dix drapeaux; il n'y eut hors de combat que quatre cents Français. Dans les différentes affaires de Champ-Aubert, Montmirail, ChâteauThierry et Vauchamps, les alliés éprouvèrent une perte de trente-deux mille hommes et de soixante-sept bouches à feu. L'empereur, ayant mis l'armée de Blücher hors d'état de lui nuire, du moins pour le moment, court sur les bords de la Seine s'opposer aux progrès de l'armée de Schwartzenberg. Les maréchaux Oudinot et Victor, chargés de la contenir, avaient été obligés de reculer devant des forces trop supérieures. Napoléon, laissant Marmont et Mortier sur la Marne, vient soutenir Oudinot et Victor, et ordonne au général Gérard d'emporter d'assaut Mormant, que cherchait à occuper une colonne ennemie commandée par Palhen. La cavalerie des généraux Kellermann et Milhaud attaque et bat, près de Nangis, un corps russe, aux ordres de Wittgenstein, qui allait se joindre à Schwartzenberg. Le général Gérard défait encore à Villeneuve-le-Comte les troupes bavaroises, ayant à leur tête le général de Wrède. Le 18 février, Napoléon fait attaquer à Montereau les Wurtembergeois sur leur gauche par le général Pajol, et sur leur droite par le général Gérard. Les ennemis, repoussés, se retirent en désordre dans la direction de Sens, en abandonnant trois mille morts ou blessés, cinq mille prisonniers, quatre drapeaux et six pièces de canon. Les Français perdirent deux mille cinq cents hommes. Napoléon dirigea les mouvements de son armée au milieu même de la mêlée et de la mitraille. Comme on l'engageait à se retirer: Laissez, laissez, répondit-il, le boulet qui doit me tuer n'est pas encore fondu. Blücher, ayant reçu des renforts, ne pouvait plus être arrêté par Marmont et Mortier, qui rétrogradèrent jusqu'à Meaux. L'empereur marcha aussitôt contre cette nouvelle armée de Silésie, et laissa devant Schwartzenberg les maré |