Nous avons inséré dans notre Numéro du 4 février une lee sur le prospectus de l'Univers; deux jours après, l'Unive répondit. Nous aurions pu nous contenter de mettre sa répo par extrait, ou d'en donner une analyse qui auroit laissé au raisonnemens toute leur force. Mais l'Univers ayant inséré lettre en entier, et nous ayant témoigné le désir que sa réponse fût de même insérée in extenso, nous n'avons pas voulu lui donner sujet de croire que nous apportions dans cette discussion moins de loyauté que lui. En conséquence, nous insérerons en entier les réflexions dont il a fait suivre la lettre de M. N. On trouvera ensuite la réponse de celui-ci à ces réflexions, et enfin nous y joindrons nos propres remarques sur cette discussion. « Si l'on a lu attentivement cette lettre, on pensera sans doute qu'elle est à elle-même sa meilleure réfutation. Mais l'Ami de la Religion, journal si estimable sous tant de rapports, et qui jouit encore d'une grande confiance près d'une portion du clergé de France, a annoncé cette lettre avec tant de solennité, qu'elle acquiert dès-lors une importance qu'elle n'a pas par elle-même. M. N. s'abuseroit étrangement s'il pensoit que nous relevons à cause de lui le gant qu'il nous a jeté. Nous nous adressons uniquement aux lecteurs de l'Ami de la Religion; et puisque cette feuille est totalement étrangère à cette controverse, comme elle le fait entendre, elle mettra, nous n'en doutons pas, à insérer notre réponse dans ses colonnes, le même empressement et le même zèle qu'elle a mis à insérer l'attaque. ques TIMBRE M. N. commerce modestement sa lettre trancher la par tion. Le Prospectus, dit-il, est semé d'inexactitudes, de méprises, d'erreurs. Il eût été plus prudent peut-être de ne conclure qu'à la fin. C'étoit du moins l'habitude de l'école, dont certes M. N. ne désavouera pas la méthode. Dans sa forme rigoureusement syllo-. gistique, le donc étoit nécessairement précédé des deux prémisses obligées, qui, de mémoire de scholastique, ne cédèrent jamais le pas à leur humble et éternelle suivante, la conclusion. Mais passons. Nous autres novateurs, nous sommes moins difficiles. Pourvu que les preuves arrivent, qu'importe au fond que le conséquent soit au commencement ou à la fin? Et d'abord qu'on ne s'attende pas à une attaque d'ensemble. M. N. voit dans le Prospectus une ligne, puis une ligne, et encore Tome LXXIX. L'Ami de la Religion. H une ligne. Voilà tout. Or, dans une ligne du Prospectus on lit cette inconcevable phrase: Nous présenterons les notions les plus catholiques sur les questions les plus intéressantes par leur actualité, sur les bals, théâtres, romans. - Les notions les plus religieuses, soit; mais les notions les plus catholiques! - Là, franchement, et la main sur la conscience, croyez-vous, M. N., que nous admettions des degrés dans le catholicisme, de sorte qu'on puisse être, selon nous, plus ou moins rapproché de l'Eglise sans cesser pour cela de lui appartenir? Non, vous ne le croyez pas. Et si vos paroles, prises dans leur sens naturel, paroissent l'insinuer, nous, plus justes, nous voulons y voir une pensée plus digne de vous et de nous; vous voulez dire tout simplement que nous nous sommes servis d'une expression impropre. - Or, je vous le demande, quoiqu'il n'y ait assurément pas, rigoureusement parlant, de degrés dans la certitude, ne dit-on pas tous les jours, dans le langage reçu, que telle chose est plus certaine que telle autre; de même aussi, ne peut-on pas dire que telle notion est plus catholique que tout autre, quoique au fond le catholicisme, pas plus que la certitude, ne puisse admettre ces degrés, et qu'il soit à jamais un, immuable, immobile comme la vérité qui est lui-même? Soit, mais qu'a de commun la catholicité avec les bals? - Permettez-nous, monsieur, de vous donner à notre tour des leçons, non pas d'exactitude théologique, mais tout simplement de grammaire. La catholicité, c'est le monde catholique dont il n'est ici nullement question. Votre phrase traduite en français signifie donc : Qu'a de commun le catholicisme avec les bais? Les bals ont de commun avec le catholicisme ce qu'ils ont de commun avec la religion, qui ne s'en occupe que pour les condamner, et quand vous nous demanderez si une danse peut être hérétique, nous vous répondrons que vous nous prêtez gratuitement une absurdité, et que si une danse n'est jamais hérétique, une notion sur la danse peut l'être. Relisez, monsieur, notre phrase, où il est dit que nous présenterons les notions les plus catholiques sur la danse, etc. Qu'il nous soit permis ici de nous étonner et de nous affliger en même temps que le rédacteur de l'Ami de la Religion ait laissé passer une accusation si dépourvue de sens sans l'accompagner de moindre réflexion. Il n'a a pas lu, dit-il, notre Prospectus; il auroit dû au moins lire la lettre qu'on lui a adressée. Quelle que soit sa prévention pour l'auteur, il ne l'eût pas certainement appelé un homme éclairé, exact et judicieux. a » M. N. s'offense encore d'une alliance de mots dont se sert le rédacteur du Prospectus pour exprimer un vou d'union que nous croyons honorable : « Nous avons choisi nos correspondans au sein >> des deux opinions religieuses qui se partagent la France catholique. Dans le sens orthodoxe, pour user de vos propres paroles, D religion et opinion sont deux mots qui se repoussent. Qu'est ce à dire? Que la religion n'est pas une opinion. Ce que vous dites là, monsieur, est trop vrai. Mais une opinion ne peut-elle pas être religieuse? Non, dites-vous, elle peut être théologique. Or, qui dit opinion théologique, ne dit-il pas opinion religieuse' Qu'y a-t-il de plus religieux que la théologie? Mais voici maintenant une accusation plus grave. Il y a dans ce Prospectus une erreur dont les conséquences ne tendent à rien moins qu'à ébranler jusque dans leurs fondemens et l'autel et le trône. Jusqu'ici il ne s'étoit agi que de mots; il s'agit maintenant de choses. Voici la phrase du Prospectus qui recèle l'épouvantable erreur: « Dans un pays où le roi possède, par l'effet des concordats, des pouvoirs spirituels, etc. » Il s'agit évidemment du droit de présentation aux évêchés. Or, niera-t-on ce droit? C'est un fait d'abord, et de plus ce fait est reconnu par le pape; c'est donc un fait légitime; les choses demeurant ce qu'elles sont, c'est donc un droit. Or, comment appeler ce droit? un droit temporel? Mais alors il ne vient pas du pape; le roi le tient immédiatement de Dieu comme tous ses autres droits, et dès-lors la suprématie temporelle qu'on voit sortir de nos paroles est rigoureusement établie. » Force est donc d'appeler ce droit un pouvoir spirituel que le roi possède par délégation, et qui lui est en quelque sorte temporairement prêté par le pape, que le pape peut dès-lors retirer à son gré, et qui ne demeure, comme nous le disons, que par l'effet du concordat. Maintenant les rôles changent: d'accusés, nous devenons accusateurs, et nous sommons M. N. de nous dire de quel nom il prétend appeler le droit de nomination aux siéges vacans. S'il l'appelle un pouvoir spirituel délégué, il parle comme nous et comme l'Eglise; s'il l'appelle un pouvoir temporel, il se trompe jusqu'à n'être plus catholique. » Voilà où conduit la manie de tout critiquer, de tout envenimer, de voir je ne sais quelle pensée hosule à la religion, cachée au fond de tout ce que disent et font des hommes qui n'ont pourtant d'autre pensée et d'autre amour en ce monde que Jésus-Christ ét son Eglise. Nos premiers pasteurs le savent bien, et ils s'affligeront profondément en apprenant qu'on met en doute le respect et l'obéissance que nous leur avons voués, et qu'on ne craint pas de nous prêter l'intention de vouloir les suppléer dans leur zèle et leur sollicitude près du troupeau qui leur est confié. » Voici maintenant la succincte réplique de M. N. à l'article de l'Univers : Je ne viens que de recevoir la réponse de l'Univers. Nous ne parlons pas la même langue. A l'en croire, il s'est, au pis aller, servi d'expressions impropres. Je ne lui fais qu'une chicane de mots, il s'égaye sur mon ignorance à ce sujet ; la catholicité, d'après la leçon - de grammaire qu'il me donne, c'est le monde catholique, et non la doctrine catholique; or, dans ma phrase, c'est de la doctrine qu'il s'agit et non du pays, donc.... Ce petit triomphe le transporte, mais le Dictionnaire seul le fait évanouir. CATHOLICITÉ se dit, soit de la doctrine de l'Eglise catholique, soit des personnes qui en font profession..... Quelquefois aussi, il se prend pour tous les pays catholiques (Dictionnaire de l'Académie). - CATHOLICISME, ce mot a été employé depuis quelque temps, mais il n'est pas encore généralement reçu. Comme c'est un terme dogmatique, il n'est employé que par quelques personnes qui se mêlent de théologie. (Dictionnaire de Trévoux, année 1752.) Catholicisme est l'expression favorite de l'Univers. Ses lignes eu sont pleines, je m'en tiens à l'avis des bons Pères de Trévoux. Ce mot étoit inconnu dans le grand siècle. Nos immortels modèles ont un plus noble langage; qu'on en juge par celui de Bossuet dans son exposition de la doctrine de l'Eglise catholique comblée d'éloges dans deux brefs du pape Innocent XI. Foi catholique, loi catholique, vérité catholique, maximes catholiques; ainsi s'expriment nos plus illustres auteurs. Mais c'est bien moins une simple délicatesse sur ce mot aujourd'hui si en vogue, que je témoigne ici qu'une impression de tristesse sur l'application abusive qui s'en fait à tout instant. Il en résulte une telle confusion dans les idées, un tel néologisme théologique, que l'on ne s'entend plus. Que veut dire perpétuellement l'Univers, avec ses doctrines catholiques? Il n'y a pas deux doctrines catholiques, il n'y en a qu'une. Il ne met ancune différence quant au sens grammatical et même théologique entre le mot catholicisme et le mot christianisme, il y en a une cependant. Elle est constamment observée par les docteurs de l'Eglise et admirablement définie par S. Pacien, évêque de Barcelonne, mis au rang des Pères du quatrième siècle, et si célèbre par cette magnifique sentence: Chrétien est mon nom, catholique mon surnom; l'un me nomme, l'autre me distingue; l'un est mon titre, l'autre ma qualité. Qu'on lise toute la première lettre de S. Pacien à Sympronius, et l'on verra quelles lumières il y a à recueillir dans l'étude de l'antiquité sur la question qui nous occupe. Aussi, saint Jérôme, plein des grandes idées qui sont rendues avec tant d'exactitude par saint Pacien, parle-t-il de cet évêque avec une profonde estime. (Biblioth. des Pères, t. IV, pag. 306. Je me bornerois à ces réflexions, s'il ne me restoit à m'expliquer sur un fait incroyable. C'est l'aveuglement avec lequel un écrivain ecclésiastique attaque la divine constitution de l'Eglise, la méconnoît, la dégrade. Il ignore qu'au corps seul des pasteurs, à commencer par notre saint Père le Pape et aux évêques, appartiennent les pouvoirs spirituels, et que, par ce canal, ils se distribuent dans tous les rangs des ministres sacrés, de telle sorte que le plus jeune curé de la plus petite paroisse, et même le plus simple vicaire pos sède un pouvoir que n'auront jamais les maîtres de la terre. Telle est la distinction des deux puissances! J'ai exposé avec la plus grande clarté et appuyé sur le droit canon, sur l'autorité des concordats, en quoi consiste maintenant la présentation aux évêchés. Rien n'est plus nettement développé dans mes observations. : L'Univers est-il donc bien fondé à oser écrire ces mots en terminant sa réponse à l'anonyme S'il l'appelle un pouvoir temporel (la nomination aux évêchés), il se trompe jusqu'à n'être plus catholique ? N., prêtre. Pour notre propre compte, nous devons quelque réponse aux reproches que nous fait l'Univers. Il se plaint que nous ayons laissé passer une accusation si dépourvue de sens; nous n'avons pas lu, dit-il, son prospectus, mais nous aurions dû lire au moins la lettre qu'on nous adressoit. Nous avouerons nettement que nous n'avons pas trouvé l'accusation si dépourvue de sens. Nous sommes un peu de l'avis de M. N., qu'il ne peut y avoir de notions plus ou moins catholiques, et, au fond, l'Univers est à peu près de notre avis, puisqu'il convient qu'il s'étoit servi d'une expression impropre. Or, en matière de théologie, une expression impropre peut avoir plus de gravité que dans toute autre matière. Si l'expression étoit impropre, l'observation de M. N. n'étoit donc pas tout-à-fait dépourvue de sens. Il en est de même de l'expression d'opinions religieuses, que nous ne croyons pas non plus fort exacte. Nous savons que cette expression est fort à la mode aujourd'hui; les indifférens et les ennemis ne voient dans la religion qu'une opinion. Mais c'est précisément parce qu'on abuse de cette expression pour rabaisser la religion au niveau d'une simple opinion qu'il seroit digne d'écrivains franchement religieux d'éviter un tel mot, et je suis persuadé que l'Univers conviendra encore que l'expression étoit impropre. L'observation de M. N. n'est donc pas encore si dépourvue de sens sur ce point. La troisième observation, sur les pouvoirs spirituels du prince, est-elle ridicule? Ne faut-il pas avouer que ces mots : pouvoirs spirituels du roi, sonnent mal aux oreilles? Nos jurisconsultes français ont assez cherché à étendre les droits du prince; ils accueilleroient très - volontiers l'idée de lui reconnoître des pouvoirs spirituels; et des écrivains sincèrement religieux, des ecclésiastiques, défenseurs naturels des droits de l'Eglise, regretteront d'avoir donné ce petit sujet de triomphe à nos |