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JEUDI 6 FÉVRIER 1834.

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La Vierge au Poisson, de Raphaël; explication wouvell de 40 ce tableau avec plusieurs dessins; par P. V. Bello

Il existe du grand Raphaël un tableau, un de ses chefsd'œuvre, dont le sujet, assez obscur au premier coup-d'œil, a servi de texte à plus d'un commentaire explicatif : il est connu sous le nom de la Vierge au Poisson. En voici l'ordon

nance :

La Vierge, tenant l'Enfant-Jésus dans ses bras, occupe à peu près le milieu de la scène; à gauche, et sur le premier plan, est un Adolescent à demi-prosterné, et qu'un Ange semble soutenir légèrement en lui passant le bras autour du corps. L'Adolescent tient de la main gauche un poisson suspendu à un cordon, et étend sa droite, que l'Ange a dans la sienne, comme pour la diriger vers l'image révérée. A la droite de la Vierge est un vieillard qui tient un gros livre ouvert, dans lequel l'Enfant-Jésus pose une de ses mains, tandis qu'il avance l'autre vers l'Adolescent.

Quel est cet Adolescent, qui évidemment joue le premier rôle dans l'action du tableau ? Que signifie ce poisson, cet attribut, qui n'est là que pour caractériser le personnage? Tous ceux qui ont commenté les ouvrages de Raphaël ont soulevé ces questions; mais les ont-ils résolues d'une manière satisfaisante? M. Belloc ne le pense pas, puisque c'est pour les combattre et pour dégager l'intention de l'artiste des nuages qui l'entourent qu'il a publié une dissertation. L'ouvrage de ce savant écrivain, qui semble, au premier abord, ne devoir rouler que sur l'histoire de la peinture, contient des éclaircissemens sur l'archéologie sacrée. C'est sous ce point de vue surtout que nous le recommandons à nos lecteurs, tout en leur rappelant qu'il s'agit de Raphaël.

Vasari, qui le premier a écrit la vie de Raphaël, est aussi le premier qui ait parlé de son tableau de la Vierge au Poisson. « On y voit, dit-il, la sainte Vierge, saint Jérome, et l'ange Raphaël qui accompagne Tobie. » D'après Vasari, cet Adoles

(1) In-8°. Prix: 2 fr. 50 c., et o fr. oo c. franc de port. A Paris, chez Belin-Leprieur, rue Pavée-Saint-André-des-Arts, n.5; et chez Le Clere et C, quai des Augustins, n. 35, au bureau de ce Journal.

Tome LXXIX. L' Ami de la Religion.

C

cent mystérieux est donc le jeune Tobie qu'un Ange présente à la sainte Vierge. Cette explication bizarre s'est tellement accréditée que tous ceux qui, depuis Vasari, ont écrit sur Raphaël l'ont reproduite sans le contredire. M. Quatremère luimême, si versé dans l'histoire des arts, si judicieux dans sa critique, l'adopte, et, un peu embarrassé d'un anachronisme de six cent soixante-trois ans, il le met sur le compte des asso ciations conventionnelles de saints personnages, si communes au temps de Raphaël, ou bien il l'attribue à l'exigence fantasque de ceux qui commandèrent ce tableau.

M. Belloc ne peut croire que Raphaël, qui possédoit à un si haut degré la justesse des pensées, le sentiment des convenances, et qui toujours a respecté les rapports des temps, des lieux et des mœurs, ait pu descendre à un tel anachronisme. Il fait observer d'ailleurs que si ce grand peintre avoit voulu mettre Tobie en scène, il ne l'auroit pas caractérisé avec ce petit poisson, image trop mesquine de celui qui, par sa grosseur monstrueuse, causa tant d'effroi au jeune Israélite. M. Belloc, en réfutant l'explication de Vasari, fait ressortir la bévue de M. Emeric David, qui, pour laver le tableau de Raphaël de la tache d'anachronisme, a invoqué l'allégorie, et a prétendu que l'histoire de Tobie n'a été reconnue canonique que par le concile de Trente, et que le peintre qui avoit été témoin des discussions élevées de son temps à l'égard de ce livre, et surtout poussé par les désirs des dominicains de Naples, grands partisans de la canonicité du livre de Tobie, n'a eu d'autre intention que de devancer la décision de ce concile. M. Belloc réfute d'une manière trèssavante, l'histoire à la main, l'assertion d'Emeric David, et venge victorieusement l'Ecriture sainte de l'attaque de cet écrivain.

Il faut donc chercher une autre explication à ce tableau : pour le trouver, M. Belloc fixe sa pensée sur ce poisson, qui est comme le mot de l'énigme, et il demande si cet attribut appartient exclusivement à Tobie. L'histoire profane nous apprend que le poisson jouoit un grand rôle dans les emblêmes de l'antiquité on le trouve dans les constellations, dans les médailles, sur les autels de l'Egypte. L'histoire ecclésiastique nous apprend à son tour que les premiers chrétiens, éprouvant le besoin de se reconnoître dans le temps des persécutions, employoient pour cela des signes divers, parmi lesquels se

trouve le poisson, el que ce signe obtint même la préférence sur tous les autres, d'abord parce que le nom de Jésus-Christ commence par les deux premières lettres du mot ichtios (en grec poisson), ensuite parce que le poisson, qui ne peut vivre que dans l'eau, est une image du chrétien, qui ne peut avoir une vie véritable que celle qu'il reçoit dans les eaux du baptême. En conséquence, ce symbole se reproduisoit sur le verre, sur les métaux, sur les pierres précieuses; on le pendoit au cou des enfans, on le plaçcit sur les tombeaux, etc. M. Belloc cite plusieurs monumens, en reproduit quelques-uns par la lithographie à l'appui de son sentiment, et fait ressortir les motifs qui engagèrent les premiers chrétiens à prendre le poisson pour l'emblême de leur foi et le signe de la profession qu'ils en faisoient.

Le sujet de ce tableau est donc, selon M. Belloc, un néophyte qui vient d'être initié à la religion par le baptême, et qui tient à la main le poisson, signe de christianisme; il est conduit par son Ange gardien auprès du Sauveur, que sa divine Mère tient dans ses bras; ou, mieux encore, c'est l'entrée dans le sein de l'Eglise de l'homme éclairé par la religion. Le Sauveur l'attire d'une main, et lui montre de l'autre la loi qu'il doit suivre, et qui est contenue dans le livre que saint Jérome tient ouvert. Le divin Enfant semble lui dire que la route qu'il va parcourir est semée d'obstacles; mais le lion qu'on voit tout près de lui est pour relever son courage en lui promettant la même force. Cette explication de M. Belloc est un écrit qui porte la lumière sur un des beaux ouvrages de Raphaël. Il n'y a plus là ni anachronisme, ni absence de motif. M. Belloc a done rendu un service à l'histoire de la peinture en détruisant l'erreur qui prêtoit une absurdité à un peintre dont les compositions ont toujours offert le modèle de cette alliance si nécessaire de la logique avec la poésie.

Cette dissertation se recommande encore par le style, par l'érudition et par une saine critique. Elle intéressera d'abord les peintres et les artistes; les amis de la religion y trouveront un souvenir des pratiques usitées par les premiers chrétiens; enfin, les archéologues y rencontreront l'explication d'un caractère hieroglyphique peu connu, et qui leur servira à déchiffrer les monumens de ce genre qui s'offrent souvent à leurs recherches. Nous ne pensons pas que les nombreux possesseurs de la superbe gravure de M. Desnoyers man

quent de se procurer l'ouvrage de M. Belloc, qui doublera l'intérêt et le prix qu'ils attachent à ce chef-d'œuvre du burin français.

NOUVELLES ECCLÉSIASTIQUES.

D.

ROME. Le lundi 20 janvier, S. S. a tenu au Vatican un consistoire secret, où, après une courte allocution, elle a déclarés cardinaux : de l'ordre des prêtres, M. Jacques-Louis Brignole, archevêque de Nazianze, trésorier général de la chambre apostolique, né à Gênes le 8 mai 1797; et de l'ordre des diacres, M. Nicolas Grimaldi, gouverneur de Rome, vice-chancelier de l'Eglise-Romaine, directeur général de la police, né à Treja le 19 juillet 1768. Ensuite le saint Père a proposé à plusieurs églises, savoir:

A l'archevêché d'Otrante, Vincent-Antoine Grande, chanoine de Lecce; à celui de Cosenza, Laurent Pontillo, chanoine de Capoue; à l'évêché de Lacedogna, Michel Lanzetta, transféré d'Oria; à celui d'Acerra et de Sainte-Agathe des Goths, Thadée Garzillo, transféré de Bojano; à celui de Bisarchio, Seraphin Carchero, transféré d'Ogliastra ; à celui de Cervia, Innocent Castracane, archidiacre et pro-vicaire général d'Urbin; à celui de Terracine, Piperno et Sezze, Bernardin Panzacchi, franciscain; à celui de Calvi et Teano, Joseph Trama, curé de Saint-Janvier de l'Olmo à Naples; à celui de Cotrone, Léonard Todisco Grande, chanoine de Bisceglia; à celui de Brescia, Dominique Ferrari, chanoine de la cathédrale; à celui de Como, Charles Romano, prévôt de la basilique de Saint-Etienne à Milan; à celui de Pignerol, André Chavaz, vicaire-général de Chambéry; à celui de Mayence, Jacques Humann, prêtre du diocèse de Strasbourg, chanoine-doyen de Mayence; à celui de Culm, Anastase Sedlag, chanoine de Wratislaw; à celui de Clermont, Louis-Charles Féron, curé de la cathédrale d'Evreux; à celui du Mans, Jean-Baptiste Bouvier, grandvicaire du diocèse; à celui d'Astorga, Félix Torres y Amat, sacriste de la cathédrale de Barcelonne ; à celui des Canaries, JudeJoseph Bomo, chanoine de Siguenza; et aux évêchés de Callidonie et d'Amycles in part., Antoine Chaves, franciscain, nommé suffragant de l'archevêque de Santa-Fé en Amérique méridionale; et Antoine Herran, chanoine de Santa-Fé.

Le Pallium fut demandé pour les archevêques d'Otrante et de Cosenza, et pour Michel Slatteny, archevêque de Cashel en Ir

lande.

Le soir, les nouveaux cardinaux furent présentés au saint Père, qui leur donna la barette.

Le saint Père a nommé le prince Urbain del Drago-Biscia-Gentili, directeur général de la dette publique; M. Antoine Tosti, pro-trésorier général de la chambre, et M. Louis Ciacchi, gouverneur de Rome.

PARIS. Des pétitions, ayant pour objet le maintien de l'évêché de Nevers, ont été déposées sur le bureau de la chambre. Ces pétitions, au nombre de 220, sont signées de 345 maires ou adjoints, de 777 conseillers municipaux, de 479 officiers et sous-officiers des gardes nationales et de 4779 propriétaires ou électeurs; elles porlent la mention de 183 noms de personnes dont le vote a été certifié par les maires et curés. Cette haute manifestation de l'opinion publique dans un département fortement empreint de l'esprit constitutionnel, dit le Journal des Débats, prouve combien est grave la question de suppression des évêchés et combien il importe de ne rien brusquer en pareille matière. Ce qui est assez remar quable aussi, c'est que ces pétitions ont été déposées sur le bureau de la chambre par M. Dupin, le président de la chambre. On se rappelle que l'année dernière M. Dupin contribua à faire passer l'amendement de M. Eschasseriaux en prononçant un discours assez singulier et qui parut assez hostile au clergé. Mais M. Dupin est député de la Nièvre, il est attaché aux intérêts de son pays, et dans le séjour qu'il y a fait cet automne il a vu combien on y souhaitoit ardemment la conservation de l'évêché de Nevers. Il paroîtroit douc que sa propre opinion sur la question s'est beaucoup modifiée. On dit même que, loin de contrarier cet élan de pétitions de son département, il l'a favorisé et qu'il a promis d'appuyer de toutes ses forces le maintien de l'évêché. L'opinion d'un membre, qui par sa position et par son talent pour la parole jouit de tant d'influence dans la chambre, pourroit bien à son tour modifier un peu l'avis de la majorité,

- M. Cadalen, évêque de Saint-Flour, est arrivé dans cette ville le 21 janvier. Le prélat n'avoit pas voulu prévenir du jour de son arrivée pour se dérober à la pompe d'une entrée solennelle. On s'en est dédommagé le lendemain, le son des cloches a annoncé l'installation de M. l'évêque. On a réuni la garde nationale, la gendarmerie et les vétérans. Toutes les autorités, et à leur tête le souspréfet et le maire, se sont rendus le matin à l'évêché, où le clergé et le séminaire sont venus prendre le prélat pour le conduire à la cathédrale. A l'entrée de l'église, M. l'évêque a été complimenté par M. l'abbé Belet, premier grand-vicaire. Il a prononcé un discours sur ce texte pax vobis. Ce discours plein des sentimens les plus touchans a été entendu avec un vif intérêt. M. l'évêque a ensuite assisté à la messe capitulaire et a été reconduit à l'évêché avec le même cortége. Le peuple se pressoit sur son passage, et chacun vouloit voir le prélat destiné par la Providence à gouverner cette religieuse contrée.

-Les curés, dans les campagnes, sont journellement exposés, comme nous l'avons plus d'une fois remarqué, aux actes les plus arbitraires de la part des autorités locales. M. l'abbé Lahaye, curé de Monchi-Saint-Eloi, diocèse de Beauvais, en fait depuis quelque

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