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sements les plus assourdissants, avec les chapeaux qui s'agitaient en l'air, ont sur-le-champ couvert les sifflets. Le cortége s'est avancé dans l'ordre accoutumé; mais, au moment où, sortant de l'hôtel des Horse-Guards, il est entré dans Parliament-street, on a essayé encore de faire entendre des sifflets; mais, comme auparavant, la foule immense a réitéré ses acclamations.

Ces sifflets s'expliquent par la polémique soulevée dans quelques journaux contre le prince Albert. On voit qu'ils n'ont que fait réssortir davantage la popularité de la reine Victoria.

Selon l'usage, les débats ont commencé dans les deux Chambres immédiatement après la lecture du discours. Nous allons les résumer, en ce qui touche la question d'Orient :

CHAMBRE DES LORDS. - Le comte de Carnarvon a appuyé l'adresse. 11 regrette qu'une guerre à peu près imminente succède à quarante ans de paix et de prospérité : « Mais, dit-il, nous pouvons nous consoler par la réflexion que cette guerre nous arrive comme un hôte importun et malvenu, et que l'on a fait tous les efforts possibles pour l'éloigner, jusqu'à ce que la patience cessât d'être une vertu. Si notre longanimité a été sans exemple, d'autre part nous possédons aussi des ressources sans exemple pour faire face à cette calamité. »

Le comte de Ducie a affirmé que le parlement sera unanime pour voter les subsides qui seront demandés..

Le marquis de Clanricarde critique vivement la conduite pleine d'hésitation du gouvernement anglais, dans la question d'Orient.

Ces critiques sont appuyées par le comte de Derby et par le comte de Malmesbury, qui fait remarquer, notamment, qu'on a omis de parler de FAutriche et de la Prusse, dans le discours du trône.

Le ministre des affaires étrangères lord Clarendon a fait, au marquis de Clanzicarde, une réponse pleine de force et de dignité. Il prévoit la guerre, il dit que le gouvernement saura la soutenir; mais il ne veut pas dissimuler tout ce que cette extrémité peut entraîner de malheurs, et il désire que la Chambre soit bien persuadée que, dans l'intérêt de l'humapité, le cabinet a travaillé à la conciliation. Voici quelques-unes de ses paroles:

« Il faut bien penser que si cette paix, d'une durée sans exemple, est une fois rompue, elle pourra être suivie d'une guerre et d'une effusion de sang qui n'auront pas eu leurs pareilles. (Ecoutez!) Car, en dehors de ces liens d'intérêt réciproque qui unissent aujourd'hui les divers Etats de l'Europe et en font une famille, les opinions qui ébranlèrent l'Europe en 1848, sont encore chères à des milliers d'hommes; elles pourraient se manifester de nouveau avec une plus terrible intensité. Si nous avons la guerre, ce ne sera pas une guerre ordinaire, entraînant des conquêtes ordinaires. Non. L'Europe serait le champ de bataille non-seulement d'armées en lutte, mais encore d'opinions aux prises. Nous nous fussions montrés sourds à la voix de l'humanité et aveugles quant aux puissants intérêts mis en jeu, et, en cas de guerre, nous nous serions montrés indignes de l'appui du parlement et du peuple anglais si nous avions rien négligé pour maintenir la paix, cette paix qui nousparaîtrait bien plus douce après avoir passé par les dures épreuves de la guerre.

:

<< Mais s'il faut nous embarquer dans un tel état de choses, Milords, je le proclame ici, jamais la tranquillité du monde n'aura été plus témérairement troublée. (Ecoutez!) Et c'est aujourd'hui pour la France et pour l'Angleterre un devoir de s'opposer avec fermeté à l'agresseur, et de soutenir la cause de l'empire ottoman. >>>

Le comte d'Aberdeen défend aussi la politique du gouvernement, et prie l'assemblée de ne juger qu'après la production des pièces qu'on lui a annoncées.

CHAMBRE DES COMMUNES. - M. Baillie a vivement attaqué le cabinet de n'avoir adopté que des demi-mesures en laissant la flotte anglaise stationner à Constantinople, tandis que les Russes bloquaient les ports turcs de la mer Noire.

M. Blackwell s'élève contre le système de réticences et de mystères suivi par le gouvernement.

On attendait avec impatience le discours de lord John Russell. Il a été très-véhément contre la Russie. A son avis, ce serait folie que d'espérer une heureuse issue des négociations pour la paix. Le noble lord espère que l'Autriche et la Prusse uniront leurs efforts à ceux de l'Angleterre et de la France.

Telle a été la première journée parlementaire à Londres, et jusqu'ici le cabinet Aberdeen ne nous semble pas avoir à craindre une opposition dangereuse.

Quant au dénoûment de la crise qui tient toute l'Europe en suspens, ce n'est ni à Paris ni à Londres qu'il se fera, mais à Vienne. Tout dépendra de l'issue plus ou moins heureuse de la mission du comte Orloff. Il est de toute évidence que l'empereur Nicolas a voulu tenter un dernier effort pour se rattacher plus étroitement l'Autriche et la Prusse. Voici comment le Constitutionnel juge cette mission :

Si l'empereur de Russie pouvait réussir dans cette tentative désespérée, il faudrait s'attendre alors à une de ces guerres européennes dont nul ne peut prévoir l'issue, à une de ces luttes terribles qui font le désespoir des vainqueurs aussi bien que des vaincus, par les calamités qui en sont le résultat inévitable. Mais de toutes les éventualités que la question d'Orient peut renfermer, celle-ci, Dieu merci! est la seule qui ne soit plus à redouter. L'Autriche et la Prusse ne s'uniront jamais à l'empereur Nicolas pour allumer la guerre, briser les traités et conquérir la Turquie. La mission du comte Orloff ne peut pas aboutir. Amédée de Césena.

S'il faut en croire le Daily-News, M. de Brunnow continue ses préparatifs de départ. Une réponse officieuse de lord Clarendon, à la demande d'explications faite par l'empereur Nicolas, aurait déterminé l'ambassadeur russe à rompre les relations diplomatiques avec l'Angleterre. Selon le Morning-Herald, cette réponse aurait été envoyée, le 30 janvier, par le cabinet anglais à son ambassadeur à Constantinople et au commandant en chef de la flotte.

Parmi les bruits qui courent, il en est un qui ne manquerait pas de gravité. On prétend que la Russie solliciterait de l'Autriche la permission de faire passer par Presbourg, s'il était nécessaire, un corps d'armée venant de Pologne.

On parle aussi du remplacement, par le général Schilders, du prince Gortschakoff. Nous apprenons, par le Times, que le général Schilders, chef du corps du génie, a brusquement quitté Varsovie, le 19 janvier, emmenant avec lui plusieurs officiers supérieurs de son arme.

La nouvelle, donnée par les feuilles allemandes, d'une bataille entre les flottes russe et anglo-française, ne s'est pas confirmée. Mais voici, à l'égard des mouvements des Russes sur la mer Noire, ce que nous trouvons dans le Corriere italiano du 28 janvier :

Nous avons des nouvelles certaines de Sébastopol, jusqu'à la date du 11 janvier; ce jour-là, toute la flotte de guerre russe se trouvait dans le port. Deux divisions faisaient des préparatifs pour en sortir. Les chefs seuls savaient quelle direction elles prendraient.

Des personnes dignes de foi annoncent que l'empereur Nicolas ne se laissera pas intimider par des menaces, et qu'il ordonnera à sa flotte de la mer Noire d'opposer la force à la force.

DERNIÈRES NOUVELLES

Nous lisons dans le Lloyd de Vienne :

Le général comte Orloff a été reçu en audience particulière par l'empereur d'Autriche. L'audience a duré longtemps.

La Patrie rapporte ce qui suit, au sujet de la mission du comte Orloff:

Les dernières correspondances particulières de Vienne signalent un bruit généralement répandu, et qui avait pris une consistance sérieuse :

Il paraît que le comte Orloff n'aurait pas été très-satisfait du résultat de ses premières démarches. On assure que la mission de ce diplomate a pour but avoué d'engager l'Autriche à se prononcer activement en faveur de la politique russe.

Le comte Orloff, avec des manières plus courtoises, plus ouvertes en apparence, et surtont plus polies, a, quant au fond, les mêmes opinions que le prince Mentschikoff, et il appartient, dit-on, au parti de la guerre le plus exalté.

Sa présence à Vienne a produit une sensation véritable, d'autant plus que son voyage était connu d'avance, et que l'opinion publique est complétement opposée à l'idée de faire la guerre pour l'ambition russe.

Voici en quels termes la Gazette de Trieste invite l'Autriche à intervenir contre la Russie :

Tout notre avenir est en jeu et exposé aux chances du hasard: si nous ne disons pas notre mot en ce qui concerne notre fleuve, le Danube; si l'esprit de patriotisme n'obtient pas satisfaction, tous les vrais patriotes ⚫ désespéreront de l'avenir.

H n'y a de dépêches télégraphiques que dans le Standard du 1 février. Elles sont ainsi conçues :

Vienne, mardi.

La Russie est résolue à savoir quelle est exactement sa position. Le comte Orloff demande comment agira l'Autriche s'il survient des circonstances qui rendent désirable son intervention en faveur de la Russie. On ne connaît pas la réponse qui lui a été faite.

Les paysans valaques vendent tous leurs bœufs pour n'avoir plus à satisfaire aux réquisitions des Russes. Les Russes défendent qu'on achète les bœufs aux paysans.

On dit que le prince Milosch a franchi la frontière serbe à la tête d'un corps de troupes russes.

Le gouvernement autrichien négocie la vente des chemins de fer de l'Etat.

Constantinople, 19 janvier.

On a dit qu'une collision avait eu lieu entre la flotte russe et les flottes combinées, mais ce bruit a été démenti plus tard.

Les nouvelles du théâtre de la guerre manquent tout à fait ce matin. Les dernières, des bords du Danube, ne vont pas au-delà du 24 janvier, et ne mentionnent pas de faits importants.

Alfred DES ESSARTS.

INSTRUCTION PRIMAIRE

CIRCULAIRE DE MGR L'ÉVÊQUE DE BELLEY

I

Nous avons dit que nous reparlerions de la cireulaire remarquable, dernièrement adressée par Mgr l'Evêque de Belley aux curés de son diocèse, et relative à la surveillance qu'ils doivent exercer sur les écoles. Cette intéressante et sage instruction, inspirée par une intelligence élevée des besoins de notre époque et des améliorations que réclame l'état moral d'une grande partie des habitants de nos campagnes, fait ressortir avec force et apprécie à sa juste valeur la part qui incombe en ce moment au zèle du clergé dans l'éducation des jeunes générations.

Le judicieux prélat fait remarquer avec raison qu'un des grands avantages de la loi du 15 mars 1850, qui a mis fin à l'ordre de choses désastreux créé par la loi de 1833, est d'avoir confié au clergé des paroisses une influence principale dans la surveillance des écoles. Les législateurs de 1833, en tâchant de pourvoir à l'instruction des enfants du peuple, s'étaient peu ou point occupés de l'éducation. La rancune chez les uns, la défiance chez les autres, s'étaient entendues pour annihiler le rôle du clergé, pour l'exelure systématiquement des écoles primaires. Qu'en est-il résulté? On ne le sait que trop. Une cruelle expérience a été faite; chacun a pu juger l'arbre par ses fruits.

Et encore, le mal n'a-t-il pas eu le temps de produire toutes ses conséquences! Encore, grâce à la leçon du malheur, grâce à la crainte d'un avenir chaque jour plus redoutable, grâce au rapprochement de tous les honnêtes gens et à leurs efforts communs en face du danger, la société a pu être arrêtée sur cette pente qui la conduisait à l'abîme.

La loi sur l'instruction publique a été l'un des plus incontestables bénéfices de cette entente inespérée de toutes les consciences devant laquelle dès lors l'anarchie morale et le désordre matériel ont également reculé. Le succès a été décisif. « La loi de 1850, dit le Journal de l'Ain, au sujet de la circulaire que nous avons sous les yeux, la loi de 1850, transaction heureuse entre des prétentions absolues et des opinions divergentes, a rendu à la religion et à ses ministres l'influence prépondérante dans la surveillance de l'enseignement. Ce que l'éducation y a gagné a été constaté unanimement par les rapports des conseils académiques. »

Laissons parler maintenant Mgr l'Evêque de Belley, qui s'exprime lui-même avec une autorité supérieure :

La France, dit-il, effrayée des secousses qui l'ébranlaient, a reconnu que c'était sur un volean qu'elle avait fondé son avenir. Elle a aboli la loi de 1833 sur l'enseignement; et, cherchant à s'appuyer sur une base plus solide, elle a eu recours de nouveau, dans la loi du 15 mars 1850, à la pierre fondamentale, qui est l'Eglise. Elle a fait appel à notre dévouement en qualité de prêtres (1); elle nous a demandé de ne pas rester étrangers à ses écoles, et elle nous a confié une surveillance à laquelle, il est vrai, d'autres aussi sont appelés, mais que, en réalité, presque toujours nous exercerons seuls. Qu'aucun de nous ne refuse cette invitation, puisqu'elle nous fournit une occasion d'être utiles à la société et qu'elle nous aide d'ailleurs à remplir la mission divine que nous avons reçue: Allez, enseignez toutes les nations.

La circulaire épiscopale ne se borne pas à rappeler que l'attentive surveillance des jeunes élèves est pour le prêtre un devoir que la religion lui impose aussi bien qu'un droit que la loi civite lui confere. Elle lui trace des règles de conduite à suivre dans ses rapports avec les autorités locales et avec les instituteurs; elle lui recommande instamment la visite des écoles, et, par les instructions qu'elle lui fournit pour le guider dans cette importante partie de son ministère, elle en facilite l'exercice autant qu'elle en démontre les avantages; enfin elle donne des détails curieux et des témoignages d'un grand prix sur le nombre et la classification des établissements d'instruction primaire dans le diocèse de Belley.

(1) Voir l'instruction historique et pratique sur la loi d'enseignement, par Mgr l'Evêque de Langres & MM. les curés de son diocèse, p. 94.

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