question, mais dans un sens bien différent des tendances mesquines et parcimonieuses de l'administration. Là où l'administration voit des entraves à mettre, l'Evêque catholique ne trouve que des vides à combler. Il rappelle l'art. 45 de la loi de 1850, qui donne au curé le droit de dresser, de concert avec le maire, la liste des élèves gratuits. Il exhorte ses prêtres à s'occuper activement de cette liste, à veiller à ce qu'aucun enfant ne soit privé des avantages auxquels la loi lui donne droit. Et ce n'est pas tout: là où la loi est insuffisante, comme à l'égard des petites filles, il s'adresse, pour y parer, à toutes les bonnes volontés, à toutes les générosités officielles et privées. Que ces malheureuses enfants soient dénuées, par quelque cause que ce soit, du pain de l'intelligence, le plus précieux après le pain de l'âme, et non moins utile pour elles que celui du corps, voilà Pabus selon lui! voilà le mal qui le frappe! voilà le grave in-. convénient anquel il cherche tous les moyens de porter remède. Nous reproduisons donc avec bonheur les utiles avis et les précédents considérables qu'il rappelle à leur profit: Faites-les porter, dit-il, sur les listes qui doivent être dressées, en conformité de l'art. 45 de la loi, et envoyez-les immédiatement ensuite aux écoles libres. A la fin de janvier, vous présenterez un double de la liste à M. le maire, avec prière de le communiquer au conseil municipal, dans la session de février, et de l'engager à voter une indemnité en faveur de l'institutrice libre. Dans le cas où, par un motif quelconque, le conseil municipal croirait devoir refuser cette juste indemnité, l'institutrice, après én avoir prévenu M. le maire, adressera un double de la liste régulièrement înscrite à M. le préfet, ou directement, ou par l'intermédiaire de M. l'Inspecteur des écoles primaires de l'arrondissement. Nous avons lieu d'espérer que le magistrat éclairé auquel sont confiés les intérêts de ce département usera, comme il l'a déjà fait, de la faculté que la loi lui accorde ponr favoriser l'éducation de la jeunesse, et c'est avec une reconnaissance profondément sentie que nous nous unissons au conseil académique pour rendre hommage à son heureuse intervention. « Il est juste de remercier l'autorité préfectorale, soit d'avoir inscrit « d'office au budget d'une commune qui avait 800 âmes de population et des ressources suffisantes, la création d'une école communale de filles, « conformément à la loi de 1850, soit d'avoir inscrit à d'autres budgets > communaux, en faveur d'institutrices libres, une indemnité refusée par ■ les conseils municipaux, dont les jeunes filles pauvres ont immédiatement profité. » Sa tendre bienveillance, du reste, s'étend à tout et ne néglige rien. Nous sommes contraints de nous borner. Nous ne pouvons donc plus qu'indiquer les autres sujets qu'il aborde avec le même cœur et la même sagacité. Il parle successivement de l'éducation des enfants des hospices, des salles d'asile et ouvroirs, des réunions du dimanche, des rapports avec les frères et les sœurs. Ces titres seuls en disent assez pour achever de donner quelque idée de cette belle instruction. VI Nous ne terminerons pas, cependant, sans ajouter une dernière citation qui en résume et en fait ressortir tout l'esprit en même temps qu'elle peut répondre à des objections de diverses natures: « Dans certaines grandes localités, dit Mgr de Belley, il peut y avoir à redouter que l'instruction, poussée au delà de ce qui est utile à la classe ouvrière, ne devienne une occasion de dangers pour quelques jeunes gens, en leur donnant des pensées trop ambitieuses, en leur faisant mépriser la position de leurs parents, en les poussant inconsidérément dans une voie où ils n'auront pas les ressources pécuniaires suffisantes pour se soutenir; vous auriez à prévenir ces périls si vous les rencontriez, et à donner alors aux familles les sages conseils dont elles ont besoin; mais ce n'est pas, dans nos pays, l'abus ordinairement à craindre. Généralement, au contraire, il n'y a pas un zèle suffisant pour l'instruction; la jeunesse ne fréquente ni assez régulièrement ni assez longtemps les écoles, et les trois ou quatre mois de leçons qu'elle vient péniblement recevoir chaque hiver ne peuvent pas lui donner les connaissances dont les besoins de notre époque font une nécessité. Recommandez donc aux parents d'assurer le bonheur de ceux qui leur sont si chers en leur procurant l'instruction; qu'ils ne craignent pas de se soumettre pour cela à quelques sacrifices de temps et d'argent; faites leur comprendre qu'il y va d'un de leurs plus grands intérêts. » Les vrais amis du peuple ne peuvent qu'applaudir sans réserve à de si sages paroles. Ne sont-elles pas une réponse sans réplique à la mauvaise foi de ces adversaires de l'Eglise qui l'accusent de se montrer contraire à la diffusion des connaissances élémentaires, vraiment utiles à l'homme et à la société? Elles nous paraissent aussi de nature, par leur évidente justesse autant que par la haute autorité dont elles émanent, à rassurer les alarmes de ces esprits méticuleux qui, tout en aimant la religion, lui font l'injure de croire qu'elle voit moins de danger dans une ignorance grossière et honteuse que dans le progrès d'uue instruction solide, raisonnable, conforme, par conséquent, aux règles et aux inspirations de la foi chrétienne. Charles DE RIANCEY. Le Journal des Débats, en publiant l'avis de Mgr l'Évêque de Luçon sur le colportage, demande ce que deviendraient la liberté de conscience et la liberté de la presse s'il appartenait aux théologiens de prononcer la probibition des livres opposés à la foi et aux mœurs. La réponse nous semble facile. Les Catholiques comme M. de Sacy pourront, à leurs risques et périls, se dispenser de suivre les instructions de leurs Evêques et les prescriptions de l'Index, mais les Catholiques qui respectent l'autorité divine de l'Eglise sauront s'y conformer et y obéir. M. de Sacy voudra bien remarquer que Mgr de Luçon ne dénonce personne et ne livre aucun ouvrage au bras séculier. Le Prélat se borne à remplir son devoir de pasteur, à avertir les fidèles et à condamner les doctrines dangereuses. Sa parole n'a d'autre sanction que la conscience même de ses diocésains. Nous ne voyons pas en quoi la liberté de la conscience et la liberté de la presse auraient à en souffrir. A ce compte, il faudrait supprimer les droits des Evêques et le pouvoir spirituel de l'Eglise. L'abbé J. COGNAT. AFFAIRES D'ORIENT Cette terrible extrémité qu'on nomme la guerre, semble se rapprocher de plus en plus; à peine les esprits modérés qui conservaient l'espérance d'un accommodement, osent-ils rattacher cette espérance si chancelante à la mission du comte Orloff. Tout, dans l'affaire d'Orient, a été enveloppé de mystère; les événements se sont pour ainsi dire préparés dans l'ombre. Aujourd'hui même, encore, on en est à se demander ce que le conseiller intime de l'empereur Nicolas est allé proposer à Vienne. Le ton modéré du discours de la reine d'Angleterre avait d'abord ranimé la confiance des amis de la paix. Bientôt les débats du Parlement ont permis d'envisager les choses sous leur véritable aspect, et ç'a été un fait grave que les déclarations solennelles du comte d'Aberdeen et de lord Clarendon, qui, en exposant les probabilités de la guerre, n'ont dissimulé ni les périls ni les funestes conséquences de cet état violent, et, surtout, ont montré la Révolution s'apprêtant d'avance à profiter de la mésintelligence des gouvernements et des peuples. Quelle leçon, quel avertissement, si gouvernements et peuples savaient ou pouvaient en profiter! Ainsi que l'annonçait le discours royal, le ministère anglais a fait déposer sur le bureau des deux chambres du Parlement les documents relatifs à la question d'Orient. Ces pièces sont en nombre considérable: les journaux de Londres en publient de longs extraits. Ce qu'il importe surtout, c'est d'en signaler les points importants. Nous les prenons à l'affaire de Sinope. On sait que c'est alors que les deux gouvernements de France et d'Angleterre se sont décidés à passer de la médiation à l'intervention. La Note de M. Drouyn de Lhuys est le point de départ de ces nouveaux documents. A son tour, lord Clarendon, ministre des affaires étrangères, adressa le 27 décembre à sir George Hamilton Seymour, ministre anglais à Saint-Pétersbourg, des instructions également catégoriques. Comme toutes les difficultés actuelles avec le gouvernement russe reposent sur la nature de l'intervention des deux puissances, nous croyons devoir reproduire les conclusions de la Note de lord Clarendon: Les événements des dix derniers mois et les actes des gouvernements anglais et français prouvent abondamment le désir qu'ont eu ces gouvernements de conserver des rapports amicaux avec la Russie, et d'arranger honorablement le différend qui existe entre la Russie et la Porte; mais le cabinet de Saint-Pétersbourg a commis une grande erreur, s'il a pris la patience pour de l'indifférence, ou s'il a compté sur un défaut de fermeté des gouvernements de France et d'Angleterre, lorsqu'il s'agirait de soutenir la politique qu'ils ont adoptée dans leur intérêt et dans l'intérêt commun de l'Europe. Le gouvernement de S. M. n'a pas abandonné l'espoir de voir la paix rétablie; mais il ne veut pas croire qu'il soit impossible de satisfaire la politique avouée de la Russie d'une manière compatible avec la dignité et l'indépendance de la Porte. Le gouvernement de S. M. aurait en conséquence vu avec satisfaction les flottes combinées rester dans le Bosphore pendant les négociations; mais cela est devenu impossible par suite de l'attaque de l'escadre turque à Sinope. Les intentions des gouvernements anglais et français, annoncées depuis longtemps à la Porte, doivent être réalisées fidèlement et avec fermeté. C'est pourquoi, sans aucune intention hostile contre la Russie, il est essentiel que les flottes combinées soient maîtresses de la mer Noire (should have the command of the Black sea), et c'est pourquoi des instructions à cet effet ont été adressées aux ambassadeurs et aux amiraux d'Angleterre et de France. En faisant savoir au comte Nesselrode que ces instructions ont été envoyées, vous vous conformerez au langage de cette dépêche, et vous informerez S. Exc. que, pour prévenir la répétition d'un désastre comme celui de Sinope, les flottes comhinées inviteront et au besoin forceront les vaisseaux de guerre russes à rentrer à Sébastopol ou au port le plas proche, et il est entendu que la flotte turque ne fera aucune opération offensive par mer tant que les choses resteront dans l'état actuel. Il est bon de remarquer que le sens de ce dernier passage, qui lie peut-être l'Angleterre, ne se trouve point dans la note de M. Drouyn de Lhuys. Il a été dit que l'Autriche avait vu avec mécontentement que Jes flottes fussent entrées dans la mer Noire sans qu'on lui eût donné préalablement connaissance de cette mesure. Voici, sur ce point, les termes précis dans lesquels le comte de Clarendon écrivait, le 17 janvier 1854, au comte de Westmoreland, ambassadeur d'Angleterre à Vienne : ..... J'ai déclaré au comte Colloredo que l'entrée des escadres alliées dans la mer Noire, sans que le gouvernement autrichien en ait eu préalablement connaissance, ne présentait aucune juste cause de plainte; bien que l'Angleterre et la France soient réunies avec l'Autriche dans la négociation, elfes agissent indépendamment d'elle en protégeant le territoire du sultan contre l'agression. Le comte Buol salt parfaitement, ai-je ajouté, que les gouvernements de France et d'Angleterre ne désirent pas précipiter les choses, et qu'ils eussent été contents de laisser les escadres combinées dans le Bosphore, jusqu'à ce que les négociations actuellement pendantes aient, de manière ou d'autre, atteint une conclusion. Mais la désastreuse affaire de Sinope a rendu la chose impossible. Une plus longue inaction eût été, pour les raisons déjà exposées au comte Buol, déshonorante pour T'Angleterre et la France, qui sont les seuls juges compétents du devoir que leur prescrit leur honneur, et que l'on ne devrait pas croire assurément, sur une telle question, devoir prendre conseil d'aucune autre puissance. La dépêche no 412, adressée de Saint-Pétersbourg, le 13 janvier, à lord Clarendon par sir G.-H. Seymour, a beaucoup d'importance. C'est le récit de l'entrevue où l'ambassadeur a communiqué à M. de Nesselrode les intentions du gouvernement anglais et combattu les objections du chancelier. On lira avec intérêt les lignes que nous détachons de ce document : Je suis entré dans quelques détails sur les horreurs de Sinope, et j'ai insisté sur l'effet que la narration de ces malheurs avait dû produire sur l'esprit public en Angleterre. Le gouvernement de S. M. a alors acquis la conviction qu'il fallait adopter des mesures plus rigoureuses. On n'avait pas assez tenu compte des dispositions conciliantes du gouvernement de S. M. ni de Bavis qui avait été donné amicalement. En conséquence, on adopte des mesures pour prévenir le retour de scènes comme celles de Sinope. Les vaisseaux de S. M. et ceux de l'Empereur des Francais aussi bien (car il y a uniformité complète dans les ordres envoyés aux deux flottes, ainsi que dans l'esprit qui les a dictés) entreront dans la mer Noire, et ils requerront tout vaisseau russe qu'ils pourront rencontrer de rentrer dans un port russe. 11 m'est pénible (ai-je continué), monsieur le comte, de le dire, mais si l'on ne fait pas droit à l'injonction on aura recours à la force. D'autre part, le gouvernement de la reine voulant encore, comme par le passé, effectuer un, règlement pacifique des difficultés, il sera adopté des mesures pocr empêcher les vaisseaux de guerre turcs de faire des descentes sur les côtes de la Russie. Etes-vous sur, m'a dit le comte de Nesselrode, que cette intention soit consignée dans votre instruction? - Assurément, monsieur le comte, ai-je répondu, autrement je n'en eusse pas parlé. J'aime la vérité, monsieur le comte, ét je croirais manquer à mon devoir vis-à-vis du gouvernement de la reine et vis-à-vis de vous si je réservais quelque partie de la communication que j'ai à vous faire ou si je tachais de lui donner une autre couleur. Mon instruction s'étend plus sur les mesures coercitives qui seront employées vis-à-vis de la marine russe que sur celles que l'on adoptera vis-à-vis de la marine turque. En un mot, l'Angleterre a promis assistance et appui au gouvernement ture; elle remplira ses engagements avec fidélité. Ses vaisseaux sont dans la mer Noire pour protéger le territoire et le pavillon turcs. Je n'ai pas l'ordre de vous laisser de communication écrite à ce sujet, mais je suis prêt à vous donner tous les éclaircissements que vous pourriez désirer. Le comte de Nesselrode m'a communiqué la substance d'une dépêche du baron de Brunnow qui traitait également des instructions données à la flotte et qui était entièrement analogue à mes déclarations.. Après une légère controverse sur le droit du gouvernement de la reine de se trouver offensé de l'affaire de Sinope, le comte de Nesselrode a déclaré être forcé de dire qu'il était très-malheureux que le gouvernement de la reine eût résolu d'adopter des mesures d'un caractère si décidé, et cela au moment où on faisait à Vienne d'énergiques efforts pour assurer un arrangement pacifique. Cette opinion, ai-je dit, est entièrement partagée par le gouvernement de la reine, et rien de semblable n'aurait eu lieu sans l'attaque contre Sinope et les terribles incidents qui ont signalé cette attaque. Néanmoins le gouvernement de la reine veut toujours la paix, si elle est possible. Il résulte, de cette dépêche, que l'ambassadeur anglais à Saint-Pétersbourg s'est contenté de communiquer de vive voix à M. de Nesselrode, la nouvelle de l'entrée des flottes dans la Mer-Noire, sans lui remettre la Note écrite contenant notification des instructions qui lui avaient été transmises à ce sujet. Voilà sans doute pourquoi le gouvernement russe a cru devoir demander des explications à la France et à l'Angleterre. Au reste, une discussion est promise dans la Chambre des Lords, où le marquis de Clanricarde a annoncé qu'il appellerait l'attention de l'assemblée sur la dépêche du 24 décembre, adressée par le comte de Clarendon à lord Cowley, en approbation et à l'appui de la Note de M. Drouyn de Lhuys. |