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Ces mêmes dépêches, parvenues avant l'affaire de Sinope, lui prescrivent, dit-on aussi, d'avoir à continuer énergiquement la guerre dans cette partie de l'Asie.

La Nouvelle Gazette de Prusse prétend, de son côté, que des ordres d'une nature encore bien plus grave auraient été donnés par l'empereur de Russie. Il aurait décrété une mobilisation générale dans tout son empire. Des levées considérables se feraient jusque sur les bords du Volga, parmi les populations indisciplinées de ces provinces sauvages et guerrières. Ces mesures sont de celles qui ne s'expliquent que par la prévision des plus sérieuses éventualités.

Mais déjà les hostilités entre les deux partis, actuellement sur le champ de bataille, ne paraissent plus avoir qu'une importance secondaire. L'attention publique est ailleurs. Elle se fixe avec anxiété sur les résolutions de l'Angleterre et de la France. L'Angleterre, notamment, d'après les derniers courriers d'Asie, se trouvait presque en rupture ouverte avec la Perse depuis que le shah a déclaré lui-même la guerre à la Porte. On mande d'Erzeroum, le 5 décembre, qu'une difficulté sérieuse avait éclaté entre le gouverneur de Tauriz et le consul d'Angleterre, dans cette ville qui renferme une colonie anglaise très-nombreuse. Cette difficulté était regardée comme le contrecoup des différends qui s'étaient produits à Téhéran entre le ministre de la Grande-Bretagne et le gouvernement du shah de Perse.

D'un autre côté, on assure que l'agent diplomatique anglais à Téhéran a depuis renoué ses relations avec le gouvernement persan. Nous trouvons cette nouvelle dans le Times, sous la forme d'une dépêche de Vienne de vendredi, qui la publie comme extraite de la Gazette de Trieste.

Le Constitutionnel a consacré hier un long article à démontrer l'intérêt particulier de la Grande-Bretagne à combattre en Orient les progrès des Russes. C'est une remarque que nous développions à propos de lord Palmerston et de la politique anglaise dans cette affaire. Les lignes suivantes viennent surabondamment à l'appui de nos observations.

Nous ne dirons rien des inconvénients qu'aurait la possession de Constantinople aux mains de la Russie pour les communications de la GrandeBretagne avec son empire colonial par la voie de l'Egypte. On sait par l'histoire, depuis Alexandre jusqu'aux sultans osmanlis, que Constantinople ne peut avoir un maître puissant qui ne devienne, par le seul avantage de la position, celui de l'Egypte. Mais, sans insister sur cette considération présente à tous les esprits, et pour n'invoquer que des arguments en rapport immédiat avec la situation actuelle, n'est-il pas incontestable que l'occupation de la mer Noire par les flottes russes a la plus haute gravité pour les intérêts anglais en Europe et en Asie? Batoum et Trébisonde, à quelques lieues de Sinope encore fumante des débris de l'escadrille ottomane, ne sont-ils pas les voies de transit du commerce de la métropole britannique avec la plus grande portion de la Turquie d'Europe, les provinces septentrionales de la Perse et l'Asie centrale ?

Le même journal adresse aujourd'hui aux puissances occidentales une exhortation véhémente pour leur recommander l'énergie et l'union, seuls moyens, dit-il, d'en imposer à l'empereur Nicolas.

La presse d'Angleterre n'est pas moins belliqueuse. La convocation du Parlement à Londres, pour le 31 janvier, a inspiré au Times un article qui a fait une sensation considérable. Si ce journal, en effet, exprimait l'opinion du cabinet, on ne pourrait guères voir dans la gravité et la solennité de telles paroles que l'exposé des motifs d'une déclaration de guerre. Nous en citons les principaux passages:

Il est plus que possible que longtemps avant le 31 des événements auront résolu pour nous la question, et que S. M. devra, du haut de son tròne, annoncer ce fait déplorable, à savoir que la paix dont nous avons joui pendant trente-huit ans a cessé d'exister. Personne ne peut songer aux dernières nouvelles reçues de l'Orient sans voir que, quelles que soient leur prudence ou leurs intentions pacifiques, nos diplomates et nos amiraux peuvent à tout moment se trouver forcés de décider entre une circonspection qui ne peut que jeter du mépris sur le nom anglais et le nom français, et la guerre active.

Quoi qu'il en soit, au moment où nous écrivons, le premier choc fatal a eu lieu, et il s'est ouvert une lutte dont nous ne saurions prévoir le terme. Si le dé a été jeté avant la réunion du Parlement, ce corps verra alors qu'il lui est imposé des devoirs dont tous ses membres, à l'exception d'un très-petit nombre, n'ont pas l'idée, et qui sont bien différents de la douce responsabilité qu'imposent une amélioration et une réforme pacifiques.

Toute triste qu'est, sans contredit, la perspective, l'esprit néanmoins s'élève à un degré de force d'âme et de dignité qui est de niveau avec la circonstance, parce qu'il envisage les tristes réalités de la guerre à travers les bienfaits précieux et connus d'une longue paix.

Nous avons sous les yeux la prédiction du plus grand capitaine des temps modernes, c'est-à-dire que nous sommes sur le point de décider si l'Europe sera républicaine ou cosaque. Ces leçons de l'histoire, ces avertissements du génie se trouvent amplement corroborés dans la lutte de classes et de races qui divise tous les royaumes, toutes les villes de ce continent, et qui permet de fournir des éléments à une guerre universelle.

Le signal une fois donné, des millions d'hommes s'ébranleront de toutes parts et prendront part à ce jeu horrible et sanglant. Telle est la perspective qui s'offre à nous, et voilà pourquoi le Parlement se verra réuni. Il aura en très-grande partie à empêcher, à calmer, à diriger, à maîtriser la commotion universelle. Si nous sommes véritablement forcés à faire la guerre, nous entreprendrons notre tâche avec la conviction intime que nous y avons été contraints, et qu'à cet égard nous n'avons pas eu le choix. Ce sera une question de nécessité: nous nous y soumettrons bravement et résolument.

Le Morning Chronicle va plus loin encore. Il ne trace rien moins qu'un plan de campagne, et de quelle campagne! Sébastopol serait d'abord bloqué, puis attaqué par la flotte anglo-française, qui se rendrait maîtresse de la mer Noire. Une armée francaise débarquerait en Bessarabie; Cronstadt serait assiégé par mer;

le pavillon russe serait chassé de la Baltique; enfin, une force française soulėverait la Pologne. On voit, sans entrer dans la discussion de ces opérations, que la feuille de Londres ne répugnerait pas à laisser à la France la plus grande partie de la besogne.

DERNIÈRES NOUVELLES

Le gouvernement a reçu de Constantinople la dépêche télégraphique suivante, qui répond à quelques-unes des questions posées au commencement de ee bulletin :

Péra, 22 décembre 1853.

L'assemblée générale ayant autorisé le ministre à négocier, les étudiants des mosquées, excités par quelques ulémas, se sont réunis hier pour pétitionner contre cette résolution. On a craint un instant des troubles; mais les mesures prises par le cabinet, réuni chez le sultan, ont prévenu tout désordre. Trois ou quatre cents étudiants ont été arrêtés; tout est tranquille. Une proclamation fait connaître le véritable objet de la délibération de l'assemblée générale, et annonce qu'il serait sévi contre les perturbateurs, s'il y avait lieu.

Le Times, la veille tout à la guerre, a le lendemain viré de bord. Ce changement vaut à cette feuille et à ses patrons la mercuriale suivante de la Patrie:

Le journal anglais le Times contient aujourd'hui un de ces articles auxquels son inconsistance ordinaire nous a si souvent habitués.

Nous croyons pouvoir affirmer que les nouvelles politiques d'Angleterre continuent à être excellentes.

Jamais l'alliance avec la France n'a été plus complète et plus intime. Charles Schiller.

Au fond, lesdits et les contredits de la presse anglaise et française ne signifient pas grand chose. Il est évident que le nœud de la question est dans les instructions qu'ont dû recevoir les ambassadeurs et les amiraux à Constantinople, et dans les circonstances qui en provoqueront et suivront l'exécution. Il est done vrai plus que jamais que la paix et la guerre ne sont qu'entre les mains de Dieu. Charles de RIANCEY.

BULLETIN POLITIQUE DE L'ÉTRANGER

HOLLANDE.- LA HAYE, 28 décembre. - Le journal officiel annonce que M. Mutsaers, membre de la haute-cour des Pays-Bas, ancien membre de la seconde chambre et ex-ministre du culte catholique, est de nouveau nommé chef de ce département, en remplacement de M. de Lightenvelt, qui a demandé et obtenu sa démission.

M. de Lightenvelt est nommé ministre des Pays-Bas à Paris, en remplacement de M. le baron Fagel.

M. Mutsaers est un des hommes les plus distingués du Brabant septentrional. Il a longtemps habité Bois-le-Duc et Tilbourg.

On lit à ce sujet dans l'Emancipation de Bruxelles :

« Nous ne saurions pour le moment exprimer d'opinion sur les conséquences que cette modification ministérielle doit entraîner pour la pоlitique intérieure des Pays-Bas. Ce que nous savons, c'est que M. Mutsaers est un homme d'une réputation honorable, et nous espérons que, dans le poste éminent qu'il va occuper, il fera preuve d'autant de fermeté de caractère que de sincérité dans les convictions. >>>

PIÉMONT. - La Chambre des députés a formé son bureau.

Ont été élus: président, le député Boncompagni, à la majorité de 74 voix sur 107 votants; les députés Benso et Lanza ont été élus vice-présidents; le premier à la majorité de 73 voix, et le second à la majorité de 69 voix. La Chambre a élu secrétaires les députés Cavallini, Farina Paolo, Airenti et Louaraz, et questeurs, les députés Valvassori et Bottone.

La Chambre et le Sénat ont également voté et présenté leurs adresses en réponse au discours du roi.

SUISSE, - L'Assemblée fédérale est convoquée à Berne pour le 9 janvier prochain. Elle comprend, comme l'on sait, deux Chambres, savoir: le Conseil national, composé de députés nommés directement par les assemblées primaires réparties en cercles électoraux, en proportion de la population totale de la Suisse; et le Conseil des Etats, où chaque canton envoie des représentants, quelle que soit sa population.

Le conflit avec l'Autriche, qui n'a pas fait un pas dans ces derniers temps, et qui laisse subsister depuis huit mois le blocus pour le canton du Tessin, donnera sans doute lieu à de vifs débats. Alfred DES ESSARTS.

NOUVELLES RELIGIEUSES

ROME. - Le Giornale di Roma contient une permission accordée par le Cardinal Vicaire, au nom du Souverain-Pontife, d'apprêter en gras les aliments les jours maigres. Sont exceptés le temps du Carême et les Vigiles de la Purification, de la Pentecôte, de la nativité de saint JeanBaptiste, des SS. Apôtres Pierre et Paul, de l'Assomption, de la sainte Vierge, de la Toussaint et de Noël. Le tout valable pour l'année 1854.

FRANCE. - DIOCÈSE DE PARIS. - Mgr l'Archevêque de Paris vient de publier l'ordonnance suivante, réglant le service divin dans l'Eglise de la Sorbonne:

« Nous, Marie-Dominique-Auguste Sibour, par la miséricorde divine et la grâce du Saint-Siége apostolique, archevêque de Paris, avons ordonné et ordonnons ce qui suit:

« Article 1". Le doyen et les professeurs de la Faculté de théologie de Paris sont chargés de desservir l'église de la Sorbonne.

« Art. 2. Le doyen aura la présidence, la direction et la surveillance du service divin. Il administrera le temporel de l'église en suivant les règles établies, et nommera les officiers et serviteurs.

« Art. 3. Le service public sera fait à tour de rôle par les professeurs de la Faculté.

« Art. 4. Il pourra y avoir tous les jours une ou plusieurs messes basses.

« -Art. 5. Le dimanche, à neuf heures, il y aura une messe basse, accompagnée de chants et suivie d'une courte instruction.

« Art. 6. La Faculté est chargée d'exécuter la fondation Richelieu.

« Art. 7. Le prix des chaises est fixé selon le tarif des paroisses. « Donné à Paris, sous notre seing, le sceau de nos armes et le contreseing du secrétaire général de notre archevêché, le 27 décembre 1853. «† M.-D.-AUGUSTE, Archevêque de Paris.

<< Par mandement :

« COQUAND, vicaire général. »

M. l'abbé Lavigerie, docteur de la Faculté des Lettres de Paris, bachelier en théologie, qui avait obtenu la première place au dernier concours du Chapitre de Sainte-Geneviève, vient d'être nommé par Mgr l'Archevêque professeur d'histoire ecclésiastique à la Faculté de théologie de la Sorbonne.

C'était fête hier sur le mont sacré qui domine la capitale. La neuvaine de Sainte-Geneviève a été ouverte, suivant l'usage, à SaintEtienne-du-Mont et au Panthéon, rendu au culte de l'humble bergère, patronne de Paris. Mgr l'archevêque de Paris présidait aux cérémonies qui ont eu lieu dans la première de ces églises; il a conduit la procession, composée de tout le clergé parisien, au tombeau de la sainte; dans la seconde, c'était Mgr le vicaire apostolique de Tahiti qui officiait pontificalement. Le panégyrique de sainte Geneviève a été fait, à Saint-Etienne, par l'abbé Deguerry, curé de la Madeleine.

Ces deux monuments religieux ont été décorés avec une grande magnificence par M. Félix Pigeory, architecte de la ville.

A Saint-Etienne, dans les entre-colonnements, se déploient d'immenses bannières avec inscriptions relatant les invocations à la Vierge de Nanterre, depuis le Ve siècle jusqu'à nos jours. Chaque colonne, revêtue des tapisseries des Gobelins, offre un large écusson où l'on voit la médaille de Sainte-Geneviève, tenue par deux chérubins aux ailes d'azur; ces motifs d'un grand style chrétien, cette multitude de bannières flottant du chœur à la nef et reliées par des guirlandes de fleurs, sont autant de souvenirs et de symboles.

A la basilique, les reliques de la sainte ont été placées sous le dôme, orné d'un magnifique baldaquin en velours bleu et blanc, d'où pendent des draperies de même étoffe. Les étendards des quatre-vingt-six départements flottent appendus à la grande corniche. A l'extérieur, un immense oriflamme bleu surmonte le sommet du fronton, avec cette inscription en lettres d'or:

« A sainte Geneviève, patronne de Paris et de la France. »

Ce soir, le dôme est splendidement illuminé.

La foule des visiteurs a été considérable toute la journée au tombeau et aux reliques.

DIOCESE DE TOULOUSE. - Le 30 décembre a eu lieu, à Toulouse, l'inauguration du couvent des Dominicains, fondé par le R. P. Lacordaire. Mgr l'Archevêque assistait à cette cérémonie.

A neuf heures, le cortége est parti de l'appartement du P. Lacordaire, pour se rendre processionnellement à la chapelle en chantant le Veni Creator. Mgr l'Archevêque a béni la chapelle; le P. Lacordaire a ensuite prononcé une courte allocution, puis Mgr a célébré la messe. La cérémonie s'est terminée par la bénédiction de toutes les cellules des religieux et des autres parties du couvent.

Les supérieurs des maisons religieuses de Toulouse, les notabilités du

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