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Entraînés par le mouvement qui emporte notre siècle, beaucoup d'hommes, instruits d'ailleurs, ne voient que la matière, l'étude et l'application de ses lois. Tout entiers dans la vie présente, et ne songeant qu'à s'y procurer la plus grande somme possible de gloire, d'honneurs, de jouissances sensuelles, ou bien à se faire un nom dans la science et à étendre les conquêtes de l'esprit humain dans le domaine de la nature, ils ne veulent rien admettre au-delà de ce monde visible qui frappe leurs regards.

Mais pour nous, qui avons le bonheur de posséder le don précieux de la foi; pour tous ceux qui conservent encore au moins quelques restes des croyances religieuses, il y a un autre monde, le monde des esprits. Ces esprits, pour être invisibles à nos yeux corporels, n'en sont pas moins des substances aussi réelles que les corps qui affectent nos sens. Sans nous prononcer encore sur la cause des phénomènes actuels qui préoccupent tant de personnes, nous croyons devoir, à cette occasion, rappeler des principes dont rien ne peut altérer la vérité ou diminuer l'importance.

Dieu est esprit, et ceux qui l'adorent doivent l'adorer en esprit et en vérité (1). S'il a manifesté sa toute-puissance en créant l'univers matériel par sa seule volonté, il n'a pas été moins grand et moins puissant en faisant sortir du néant d'innombrables esprits faits à son image et ressemblance, intelligents, capables de connaître, de vouloir et d'aimer comme lui.

La Genèse nous apprend que le corps du premier homme étant formé avec de la terre, Dieu souffla sur son visage et lui donna un esprit esprit de vie, mais d'une vie intelligente, puisqu'il avait dit auparavant: Faciamus hominem ad imaginem et similitudinem nostram (2). Tous les descendants d'Adam ont en eux un esprit semblable, et par cet esprit ils sont incomparablement supérieurs aux créatures privées d'intelligence.

Mais avant de donner à l'homme cette admirable existence tout à la fois corporelle et spirituelle, si parfaitement cimentée, il avait déjà tiré du néant les anges, substances purement spirituelles. Les juifs, les chrétiens, les mahométans eux-mêmes sont d'accord sur ce point; les traditions païennes le confirment. Il est donc impossible de le révoquer en doute. Ainsi, outre les âmes humaines, il existe d'autres esprits créés, que nous désignons sous le nom générique d'anges.

Quel est leur nombre? La raison ne peut le dire; la foi ne nous l'apprend pas. Nous savons seulement qu'il est très-grand. Daniel, dans une vision surnaturelle, en vit un million qui servaient Dieu, et mille millions qui assistaient devant lui (3).

Ces sublimes intelligences, soumises à une épreuve dont nous ignorons la nature, n'ont pas toutes été fidèles; beaucoup, au contraire, refusèrent de rendre au Dieu créateur les hommages qu'elles lui devaient. « Un « grand combat se fit dans le ciel. Michel et ses anges combattaient contre « le dragon, et le dragon, avec ses anges, combattait contre lui. Mais ces « derniers furent les plus faibles. Depuis ce temps, ils ne parurent plus « dans le ciel. Ce grand dragon, cet ancien serpent, est appelé Diable et « Satan; c'est lui qui séduit tout le monde. Il fut précipité à terre, et ses « anges furent précipités avec lui (4). »

(1) Joan., Iv, 24.

(2) Gen., 1, 26.

(3) Millia millium ministrabant ei, et decies millies centena centena millia assistebant ei. (Dan., vu, 10.)

(4) Et factum est prælium magnum in cœlo. Michael, et angeli ejus præliabantur cum A partir de ce moment, les anges ont été partagés en deux classes parfaitement distinctes. Les uns, restés fidèles, ont leur séjour dans le ciel, comme avant le combat; les autres, chassés du ciel sans espoir d'y remonter, ont été précipités sur la terre et dans les enfers. Les premiers retiennent le nom d'anges, et sont les bons anges; les autres ne s'appellent plus anges simplement, mais les mauvais anges, les anges de ténèbres, les esprits de malice ou de méchanceté, et plus ordinairement les démons. fis ont un chef, et ce chef porte, dans l'Ecriture sainte, les noms de Lucifer, de Diable, de Satan, de Béelzébub..

Les bons anges composent une admirable hiérarchie divisée en neuf chœurs. Tous jouissent de la présence de Dieu et sont constamment à ses ordres. Un de ces bienheureux esprits est placé. sous le titre d'ange gardien, auprès de chaque homme, depuis le premier moment de son existence jusqu'à sa mort, avee la charge de veiller sur lui jour et nuit, de l'éloigner du mal et de le porter au bien, sans nuire à sa liberté. Pour ce seul office, il faut autant d'anges qu'il y a eu et qu'il y aura d'hommes à la fois sur la terre.

Dlautres anges sont chargés de prendre soin, des empires, des royaumes, des principautés, des villes, des congrégations, des communautés, des paroisses, des églises, etc. D'autres encore, ainsi que nous le voyons dans les livres saints, reçoivent des missions spéciales; par exemple, de garder l'entrée du paradis terrestre après la chute de l'homme, de parler à Abraham, de loger chez Loth, d'apparaître à Jacob, de conduire Tobie, d'annoncer à Marie qu'elle serait mère de Dieu, d'avertir Joseph de retourner dans la terre d'Israël après la mort d'Hérode, de briser les chaines de saint Pierre et de le tirer de prison, etc.

Les bons anges, quoique le ciel soit leur glorieuse demeure, ne sont pas étrangers à ce qui se passe sur la terre. Quel pouvoir y ont-ils, et comment l'exercent-ils ? Dieu n'a pas jugé à propos de nous l'apprendre.

Il y a probablement entre eux, dans cette magnifique hiérarchie que l'Ecriture nous révèle, des degrés de perfection et de puissance très-supérieurs les uns aux autres. Les noms mêmes donnés en différents endroits des livres saints aux chœurs célestes, semblent indiquer qu'ils sont loin d'être égaux. Les docteurs catholiques sont unanimes sur ce point.

Notre âme, faible, bornée, ignorante, pleine de vices ou d'imperfections, a reçu du Créateur un pouvoir naturel sur le corps auquel elle est attachée. A sa volonté, elle le met en mouvement ou en repos, remue ses membres, et, par leur moyen, agit sur les autres corps; mais ce pouvoir de l'âme a des limites qu'elle ne peut dépasser.

Rien ne s'oppose à ce que les anges, beaucoup plus intelligents que nous, aient aussi sur les corps un pouvoir qui leur soit naturel et surpasse grandement celui dont nous jouissons. Mais ce pouvoir, venant de Dieu comme le nôtre, reste toujours subordonné à sa volonté suprême. il a également ses limites, au-delà desquelles ceux qui le possèdent ne peuvent

rien.

En vertu de ce pouvoir, les anges ne pourraient suspendre d'eux-mêmes les lois générales, arrêter le soleil, ressusciter un mort, remettre un membre ou guérir une maladie sans l'application d'aucun remède. Ce serait leur reconnaître la faculté de bouleverser le monde s'ils le voulaient; Dieu n'a pu l'accorder.

dracone, et draco pugnabat, et angeli ejus; et non valuerunt, neque locus inventus est corum amplius in cælo. Et projectus est draco ille magnus, serpens antiquus, qui vocatur Diabolus et Satanas, qui seducit universum orbem; et projectus est in terram, et an geli ejus cum illo missi sunt, (Арос., хп, 7, 8 et 9.)

Mais il ne répugne nullement que par l'application de causes secondaires, qu'ils connaissent infiniment mieux que nous, et dont ils peuvent user avec beaucoup plus d'habileté, ils produisent des faits merveilleux qui soient à nos yeux de vrais prodiges.

Quand ils ont apparu sous des formes humaines, ont parlé, conversé, mangé, reçu l'hospitalité, fait entendre des voix mélodieuses, avaient-ils des corps subitement organisés et qui se dissolvaient à volonté, ou n'étaient-ce que des fantômes qui faisaient illusion aux sens de la vue, de l'ouïe, du toucher? Les savants chrétiens n'osent le décider. Dans une hypothèse comme dans l'autre, il ne s'agit que de modifications matérielles qui peuvent ne pas dépasser le pouvoir ordinaire des anges.

On peut dire aussi que, dans ces cas, ils recevaient de Dieu une mission particulière et un pouvoir extraordinaire; comme lorsqu'ils opèrent ou que les hommes eux-mêmes opèrent de vrais miracles, ils n'agissent point en leur nom ni par un pouvoir qui leur soit propre, mais au nom et par la puissance de Dieu. C'est alors Dieu lui-même qui agit par ses ministres, et toute la gloire du prodige revient à lui seul.

Mais il est possible que, par des moyens qui leur soient naturels, les anges fassent des choses au-dessus de nos forces et très-étonnantes pour nous; qu'ils modifient la matière, troublent nos sens, substituent, d'une manière invisible pour nous, des corps les uns aux autres, les changent de lieu, les transportent à de grandes distances, avec une incompréhensible rapidité, etc.

Toutefois, la croyance qui domine ces doctrines les rend pour nous pleines de charme et de consolation : c'est que les anges sont surtout les instrumeuts de la miséricorde de Dieu à notre égard, nos guides et nos meilleurs amis sur cette terre d'exil; car « tous les anges ne sont-ils pas « des esprits destinés pour servir, et envoyés pour exercer leur ministère « en faveur de ceux qui doivent être les héritiers du salut? (1) »

Maintenant, que peuvent les mauvais anges ou les démons?... H est important que nous le sachions autant qu'il est possible de le savoir. Us sont nos ennemis, nous n'en pouvons douter. Par leur création, ils étaient des anges de lumière, les fils du Très-Haut, comblés de bénédictions, destinés aux honneurs les plus élevés, aux jouissances les plus pures et les plus étendues, durant l'éternité. Par leur chute effroyable, ils sont devenus, des anges de ténèbres, des enfants de malédiction, et « sont tombés, dit « Bossuet (2), à un tel point de misère que des'adonner à séduire les hommes. « Dieu l'a permis de la sorte, afin que nous reconnaissions dans les diables « ce que peut le libre arbitre des créatures quand il s'écarte de son prin<< cipe, pendant qu'il fait éclater dans les anges et dans les hommes pré<< destinés ce que peut sa miséricorde et sa grâce toute-puissante.

« Voilà, voilà, MES FRÈRES, les ennemis que nous avons à cambattre, << autant malins à présent comme ils étaient bons dans leur origine, autant « redoutables et dangereux comme ils étaient puissants et robustes. Car « ne vous persuadez pas que, pour être tombés de si haut, ils aient été « blessés dans leur disposition naturelle. Tout est entier en eux, excepté « leur justice et leur sainteté, et conséquemment leur béatitude. Du reste, « cette action vive et vigoureuse, cette ferme constitution, cet esprit dé<<«licat et puissant, et ces vastes connaissances, leur sont demeurés. »

11 est donc possible qu'ils aient encore un grand pouvoir surla matière, et comme ils sont méchants, haineux, jaloux, ils n'en usent que pour faire

(1) Nonne omnes sunt administratorii spiritus, in ministerium missi propter eos, qui hæreditatem capient salutis? (Heb., 1, 14.) (2) Premier sermon sur les démons, tome xn, p. 178.

le mal; car, aux termes des divines Écritures, ils sont nos cruels ennemis, répandus sur la terre et dans les airs; ils nous environnent, épient nos démarches, nous tendent des embûches et nous livrent de continuels assauts. • Nous n'avons pas à combattre seulement contre la chair et contre « le sang, mais contre les principautés, contre les puissances qui dirigent « ce monde ténébreux; c'est-à-dire contre les esprits de malice qui sont « répandus dans les airs (1). » Ce sont les paroles de saint Paul.

Saint Pierre ajoute: « Soyez sobres et veillez continuellement, car votre << adversaire tourne autour de vous comme un lion rugissant, cherchant ■ qui il pourra dévorer. Résistez-lui donc en demeurant fermes dans la « foi (2). »

De ces textes sacrés, d'un grand nombre d'autres, et de l'enseignement de l'Eglise, infaillible dans ses doctrines, il résulte que nous sommes environnés de puissances ténébreuses qui nous veulent du mal et peuvent nous en faire beaucoup dans le corps et dans l'âme. Qu'elles aient une grande action sur ce qui nous entoure, et l'aient souvent manifestée, nous n'en pouvons douter. Comment l'exercent-elles et quels sont leurs moyens d'opération? Nous l'ignorons.

Seulement, comme déjà nous l'avons fait observer, il est permis de supposer qu'en méritant leur expulsion du ciel, ces malins esprits n'ont pas perdu le pouvoir qu'ils avaient, en de certaines limites, sur la matière et sur les corps organisés. Ils ne pourraient, pas plus que les anges, déroger aux lois générales du monde; mais qu'à l'aide de causes secondaires, par des procédés inconnus aux hommes, ils opèrent une multitude de choses surprenantes, que les plus habiles d'entre nous ne pourraient faire, n'oseraient pas même tenter, en ceci il n'y a rien d'impossible, rien qui n'ait été souvent fait et ne soit hautement confirmé par de nombreux faits historiques.

(La fin au prochain numéro.)

(1) Quoniam non est nobis colluctatio adversus carnem et sanguinem; sed adversus principes et potestates; adversus mundi rectores tenebrarum harum, contra spiritualia nequitiæ, in cæœlestibus. (Eph., vi, 12.)

(2) Sobrii estote et 'vigilate; quia adversarius vester diabolus, tanquam leo rugiens circuit, quærens quem devoret. Cui resistite fortes in fide. (S. Petr., v, 8, 9.)

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L'un des Propriétaires-Gérant, CHARLES DE RIANCEY.

PARIS. DE SOYE ET BOUCHET, IMPRIMEURS, 2, PLACE DU PANTHEON.

MARDI 28 FÉVRIER 1854.

L'AMI DE LA RELIGION

(N° 5651.)

UNE ORDONNANCE SUR L'ENSEIGNEMENT EN AUTRICHE

L'année dernière, nous parlions d'un Concordat qui allait être conclu entre le Saint-Siége et la couronne d'Autriche. Dès lors tout nous portait à espérer que ce traité solennel entre l'Eglise et l'Etat, dans le catholique empire de Rodolphe de Habsbourg, serait digne de la piété et de la foi profonde de l'empereur François-Joseph. Les récentes paroles que S. S. Pie IX daigna prononcer elle-même dans son Allocution du mois de décembre dernier, à l'éloge du jeune monarque, prouvent de plus en plus que la publication du Concordat autrichien sera un sujet de joie pour toute l'Eglise et un bon exemple nouveau donné aux gouvernements des nations catholiques. Mais voici une nouvelle preuve des intentions et de l'esprit qui animent le gouvernement de François-Joseph. Nous lisons, en effet, dans le Journal ecclésiastique de Salzbourg :

• Par édit du ministère de l'instruction publique, daté du 26 janvier, l'enseignement universel dans tous les lycées catholiques de l'Autriche est placé sous la surveillance de NN. SS. les Evêques, qui pourront l'exercer, soit par eux-mêmes en personne, soit par un commissaire par eux délégué. L'intention du gouvernement, dit l'ordonnance ministérielle, étant de pénétrer de l'esprit du Christianisme tout l'ensemble de l'enseignement des gymnases, il n'importe pas seulement que l'instruction religieuse proprement dite, mais encore que l'impulsion et la direction de l'enseignement dans ses diverses branches, soient efficacement pénétrées de ce salutaire élément. Nous saluons cette mesure comme un heureux avant-coureur du Concordat dont la conclusion est prochaine. »

Nous nous associons de tout notre cœur aux espérances si fondées de l'excellente feuille de Salzbourg.

L'Autriche ne songe pas seulement à reconquérir son ancienne splendeur au dehors, elle ne reconstitue pas seulement son état politique, financier et administratif, elle songe encore à ce qui fait la véritable force des empires. De là, les belles ordonnances de mars 1850 de François Joseph; de là son initiative pour la conclusion d'un Concordat; de là une foule d'heureux symptômes de renaissance parmi lesquels nous croyons devoir remarquer cet acte récent du ministre des cultes, comte de Thun.

En vérité, c'est une belle leçon pour les gouvernements. Le bien le plus réel que l'on puisse faire à l'Eglise consiste moins à augmenter ses ressources matérielles et à rebâtir ses temples

L'AMI DE LA RELIGION

T. CLXIII.

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