contre l'Eglise catholique et ses institutions. Il faut que cette réaction soit bien vive et bien puissante pour que la Chambre des Communes ait eru devoir, malgré l'opposition du ministère, jeter dans le pays cette pomme de discorde. Dans les circonstances actuelles, dit à ce sujet un journal catholique de Dublin, The Evening Freeman, la Chambre des Communes aurait pu occuper son temps d'une manière plus utile qu'en discutant sur le nombre des couvents et des personnes qui les habitent. Lorsque le sombre nuage de la guerre s'étend sur notre pays, lorsque toute l'Europe s'agite, quand l'armée anglaise devra donner peut-être jusqu'à son dernier homme et sa dernière cartouche, on peut s'étonner de voir présenter à la Chambre une mesure odieuse à plusieurs millions des sujets de la reine. N'y avait-il pas une foule de questions bien autrement importantes à examiner, que la vie et les habitudes de quelques catholiques cloîtrées qui ne troublent personne, et dont le seul désir est de consacrer tout leur temps à l'éducation, à la charité et à la prière? Si l'empereur Nicolas a persécuté les religieuses polonaises, devait-on penser que l'Angleterre, aujourd'hui l'alliée des puissances catholiques - la France et l'Autriche - irait, en ce moment, imiter les actes du czar et montrer le même esprit de persé cution? Que demande M. Chambers? Une enquête sur le nombre et l'accroissement des maisons conventuelles et monastiques; sur la situation où elles se trouvent en face de la loi actuelle, et enfin sur la question de savoir si une législation additionnelle est devenue nécessaire. Supposez qu'une commission choisie comme il plaira à M. Chambers, énonce, dans son rapport, que le nombre des couvents est augmenté et tend à s'accroître encore, et déclare que la loi existante est impuissante à empêcher ce progrès, que demandera de plus M. Chambers? Il nous dit que le nombre des couvents est de 203. Eh bien! pourra-t-il empêcher ce chiffre de s'accroître? Y a-t-il une législation humaine qui puisse s'interposer entre des femmes catholiques et la retraite, but de leurs aspirations? Ce sont là des sujets que tout législateur prudent a toujours évités, par la simple raison qu'ils échappent naturellement à la connaissance ou au contrôle des assemblées délibérantes. Assurément, une religieuse a aussi bien le droit d'embrasser une vie de retraite et de se vouer aux bonnes œuvres, qu'une duchesse de danser à Almack ou d'applaudir à l'Opéra. Nous le répétons: M. Chambers a mal choisi le moment pour semer la division parmi nous, quand un péril commun doit étouffer toute distinction religieuse, quand la reine vient d'en appeler au courage de la catho lique Irlande. Le résultat du vote a donné en faveur de la motion 168 voix de membres anglais et écossais; contre, 63 seulement. C'est une preuve évidente de la violence avec laquelle le sentiment anglais continue de combattre le catholicisme. On nous dit souvent que la meilleure espérance pour l'Irlande est une union parfaite avec l'Angleterre: nous ne voulons que le témoi gnage de ce dernier acte pour demander si l'Angleterre désire bien since rement une union réelle. Ces considérations, si vraies et si sages, étaient de nature à faire impression sur la Chambre des communes. Mais que peuvent la justice et la vérité, que peuvent même les raisons de haute politique contre l'opinion publique? II Tout espoir, cependant, ne doit point être abandonné. Nous apprenons que M. Bowyer, membre de la Chambre des communes, veut ménager à l'Eglise une dernière chance pour éloigner le coup que M. Chambers et les partisans de sa motion prétendent lui porter. Il a annoncé que, lorsque la Chambre procédera à la nomination des membres du comité dont elle a ordonné la formation par son vote du 28 février, il proposera que cet ordre soit annulé. Il espère que les considérations d'intérêt politique et général dont nous venons de parler pourront encore agir sur le patriotisme des membres conservateurs du parlement, et qu'ils consentiront à faire, pour un intant, trève de fanatisme en s'absentant de la Chambre au moment du vote. Il est à regretter qu'un membre plus influent, lord J. Russell, par exemple, ne se soit pas chargé de proposer cet amendement. Un article très-singulier a paru dans le Times à propos de la motion Chambers. Cet article est d'origine ministérielle; et, si nos lecteurs véalent bien se rappeler le portrait que nous avons essayé de tracer de M. Gladstone et de son parti, ils pourront, sans trop de difficulté, en deviner le véritable inspirateur. Le Times, qui, jusqu'à ce jour, s'est fait remarquer, absolument comme si M. Dupin en avait la direction, par ses attaques incessantes contre les moines et les institutions monastiques, est devenu provisoirement on ne peut plus ministériel. En attendant qu'il reprenne son rôle habituel, il nous assure, à cette heure, que l'existence des couvents en Angleterre n'est qu'une vaine fiction, et que, par conséquent, M. Chambers, comme un autre Don Quichotte, court risque de guerroyer contre des fan tômes. Voici le raisonnement de ce journal: «Il y a, dit il, des laïques riches qui ont la manie d'entasser, dans certains quartiers des grandes villes, un amas de briques et de maçonneries qu'on décore du beau nom de couvents. Un prêtre et une ou deux pauvres Irlandaises sont chargés de se faire voir à la porte à certaines heures de la journée. Une clo che, à l'intérieur, est censée annoncer le temps de la prière ou des repas..... Mais, en réalité, ces bâtiments sont inhabités; tout cela n'est qu'une pure illusion qui produit de l'effet sur les étrangers tandis que les habitants du lieu savent à quoi s'en tenir. » N'est-il pas incroyable qu'un journal sérieux ose tenir un tel langage et se permette une plaisanterie aussi invraisemblable? Toutefois, il en résulte un fait: c'est que les amis des Catholiques sont convaincus que l'Eglise n'a rien à gagner à exagérer ou à étaler ses ressources; car tout ce qui peut réveiller le fanatisme, tout ce qui ne fait même que fixer l'attention publique sur les Catholiques leur paraît très-périlleux en ce moment. Il est certain que, dans la disposition où sont les esprits en Angleterre, il suffirait d'un incident de mince importance en lui-même pour imprimer une impulsion d'autant plus irrésistible aux passions populaires, qu'elles sont toujours portées à s'enflammer au souffle des préjugés religieux. Quand lord George Gordon, en 1780, excitait la populace de Londres à détruire tout ce qui était soupçonné de papisme, il exagérait le nombre des chapelles catholiques. On lui demanda comment il avait pu affirmer un fait qu'il savait être faux : « Cela fait de l'impression sur le peuple; cela fait de l'impression sur le peuple, « répondit avec enthousiasme le noble démagogue. Voilà pourquoi les amis des Catholiques s'opposent à l'enquête sur les couvents. Ils craignent que, constater officiellement les progrès du catholicisme, ne soit le premier pas dans une voie législative qui lui sera nécessairement contraire. L'esprit de conciliation, et - pourquoi ne le dirions-nous pas? de patriotisme, doit présider désormais, plus encore que par le passé, à tous les actes de l'Eglise, en Angleterre. Les intérêts des Catholiques anglais, mais bien plus encore les intérêts de l'Eglise universelle, y sont engagés. Nous avons affirmé un fait que l'on ne peut nier sans aveuglement, à savoir, que l'un des principaux résultats de la réaction religieuse a été de porter les regards et les vœux du protestantisme anglais sur l'Italie, et principalement sur les Etats du Pape. Sous ce rapport, la guerre qui commence sourit singulièrement aux projets de la propagande. Il ne faut pas se le dissimuler, l'ordre et la religion en Italie tiennent, en grande partie, à une chose fort odieuse à un grand nombre d'Italiens; nous voulons dire le maintien de la puissance autrichienne dans ses Etats héréditaires. Or, ce maintien dépend lui-même de la bonne intelligence entre l'Autriche et l'Angleterre. Il n'est pas impossible que, dans l'état présent des choses, la politique puisse continuer à entretenir de bonnes relations entre ces deux puissances, mais non sans d'extrêmes difficultés. L'une des plus grandes sera de contenir le fanatisme protestant et les sympathies du peuple anglais pour ce qu'on appelle la régénération de l'Italie. Il y aurait là une rude tâche pour un ministère autrement fort que celui qui se trouve aujourd'hui au pouvoir en Angleterre. Quelles tristes conséquences n'aurait-on donc pas à redouter de tout acte qui, sous le voile du zèle religieux, mais réellement pour servir un intérêt personnel, aurait l'air de jeter le défi au peuple anglais? On aurait alors à subir une explosion épouvantable du fanatisme national, devenu cent fois plus fort par son alliance avec le génie de la révolution. IV Le ministère actuel, nous en avons déjà pris acte, ne fera point, par son propre mouvement, de croisades contre les Catholiques. Ainsi il est disposé à permettre que les marins et les militaires puissent remplir leurs devoirs religieux. L'armée expéditionnaire, forte de 25,000 hommes, est accompagnée de six chapelains, dont deux sont catholiques, trois sont anglicans et un est protestant dissident. Sir James Graham ne donne aucun espoir aux Catholiques de voir nommer des chapelains catholiques sur les vaisseaux de guerre. Une telle mesure serait, dit-il, un empiétement sur les droits de l'Eglise établie. Mais il serait facile, dans ce moment, de s'entendre avec le Pape sur les moyens à prendre pour fournir aux marins les secours de la religion, dans certains ports qu'ils fréquentent le plus. On sait qu'il y a beaucoup d'Irlandais dans la marine et dans l'armée d'Angleterre. V Des lettres d'un intérêt très-vif et d'un mérite remarquable viennent de paraître à Londres; elles sont de la plume du P. Ignace. Le but que l'auteur se propose, est de faire connaître à ses coreligionnaires les moyens qu'il faut prendre pour convertir les protestants; il cherche donc à les faire connaître en les dépeignant tels qu'il les a connus. Parmi les ecclésiastiques catholiques d'Angleterre, il y en a bien peu qui aient rendu de plus grands services à la religion que le Rév. Père Ignace, supérieur de la maison des Passionistes, près de Londres. Ce digne Père est plus connu dans le monde sous le nom de Spencer. Le Père Spencer était fils d'un pair d'Angleterre. Son frère était ministre des finances sous lord Grey; et il était appelé lui-même à une brillante carrière dans l'Eglise anglicane. Mais Dieu l'appela à la connaissance de la vérité, et il renonça à tout. Devenu Passioniste, sa vertu et son savoir le rendent l'objet de la vénération universelle. Deux qualités surtout le distinguent, c'est une profonde humilité et une connaissance intime du caractère de ses compatriotes. Si tout le monde pensait et agissait comme le Père Ignace, la religion catholique n'aurait pas éprouvé, en Angleterre, de si tristes revers. Ses lettres se recommandent d'ailleurs par la pureté du langage, par la beauté du style et par la profondeur des pensées. L'abbé J. COGNAT. Un décret, daté du 11 mars, appelle au ministère de la guerre le maréchal Vaillant, grand maréchal du palais, en remplacement du maréchal Leroy de Saint-Arnaud, nommé général en chef de l'armée d'Orient. COMPOSITION DE L'ARMÉE D'ORIENT Le Moniteur du 12 mars fait connaître la composition du corps d'armée qui va être dirigé sur l'Orient. Comme on le sait déjà, le commandant en chef est M. le maréchal de Saint-Arnaud. Dans l'état-major général, nous remarquons M. l'abbé Parabère avec le titre d'aumônier supérieur. Il y aura deux divisions composées chacune de deux brigades; plus, une brigade de cavalerie, un corps de réserve, qui sera sous les ordres du prince Napoléon, et une division de réserve. Les commandants de division sont les généraux Canrobert, Bosquet et Forez; ceux de brigade sont les généraux Espinasse, Vinoy, d'Autemarre, Bouat, d'Allonville, de Lourmel, d'Aurelle et Cassaignol. Vingt régiments et quelques compagnies de chasseurs à pied, sans compter l'artillerie et le génie, composeront le corps expéditionnaire. Alfred DES ESSARTS. DÉCRET CONCERNANT LES AUMONIERS DE L'ARMÉE D'ORIENT NAPOLÉON, etc., Considérant que la création de l'aumônerie de la flotte a déjà donné les plus heureux résultats; Considérant que la présence au milieu des troupes, des ministres du culte, est particulièrement indispensable dans une guerre lointaine où ellés pourraient se trouver dépourvues de secours spirituels, non-seulement en raison de la différence des cultes, mais encore en raison de la différence des rites, qu'il est du plus haut intérêt qu'au milieu des épreuves de la guerre nos soldats de l'armée d'Orient ne soient pas privés des encouragements et des consolations de la religion; Sur le rapport de notre ministre secrétaire d'Etat au département de la guerre, avons décrété et décrétons ce qui suit: Art. 1. Des aumõniers seront attachés à l'armée d'Orient; ils seront nommés par le ministre de la guerre, qui en déterminera le nombre suivant les besoins du service. Art. 2. Un aumônier supérieur, chargé de centraliser tout le service religieux de l'armée d'Orient, et un aumonier adjoint, seront placés au quartier-général. Un aumônier sera attaché à chaque division active et un aumônier à chaque hôpital-grande-ambulance. Art. 3. Les aumôniers de l'armée d'Orient prendront leurs pouvoirs spirituels de l'évêque du port d'embarquement. Art. 4. L'aumônier supérieur jouira de la solde et de toutes les indemnités allouées par les tarifs à un chef de bataillon d'infanterie. Les autres : |