Enfin, les ordres donnés aux amiraux Hamelin et Dundas sont ainsi confirmés : Le gouvernement de Sa Majesté Impériale et le gouvernement de Sa Majesté Britannique ont, en conséquence, décidé que leurs escadres entreraient dans la mer Noire et combineraient leurs mouvements de façon à empêcher le territoire ou le pavillon ottoman d'être en butte à une nouvelle attaque de la part des forces navales de la Russie. On lit dans l'Union : Plusieurs journaux annoncent que M. le comte de Reizet, premier secrétaire de l'ambassade de France à Saint-Pétersbourg, a quitté Paris le 29 décembre, porteur de dépêches. Nous croyons savoir qu'elles sont relatives à la déclaration concertée avec le cabinet anglais pour l'occupation de la mer Noire par les escadres alliées. A cause du mauvais temps, on ne pense pas que M. de Reizet arrive à Saint-Pétersbourg avant le 8 ou le 10 janvier. La réponse de l'empereur Nicolas ne pourra donc être connue, par le télégraphe, avant le 16 ou le 17 janvier. - L.-C. Mac-Sheehy. Les plus récentes nouvelles de Constantinople sont du 24 décembre. Le Caradoc, qui a quitté cette ville le 25, est arrivé le 1er janvier à Marseille, apportant, en outre d'un grand nombre de correspondances particulières, des dépêches pour les gouvernements de France et d'Angleterre. On n'a pas beaucoup de détails sur l'émeute de Constantinople, et il faut avouer que cette échauffourée n'offre qu'un objet de curiosité très-secondaire. On dit toutefois que les marins des escadres ont pris part, ou du moins ont été invités à concourir à la répression du désordre causé par le fanatisme de quelques ulémas, partisans de la guerre à tout prix. Il paraît que la Note de Vienne du 5 décembre était parvenue le 15 à Reschid-Pacha, qui avait promis d'user de toute son influence pour la faire accepter par la Porte. Pour l'aider à vaincre les obstacles qu'il rencontrait, le corps diplomatique se décida à faire une démarche collective auprès du Sultan. C'est seulement après cette visite qu'Abdul-Medjid a convoqué le Divan ou grand conseil national, qui a tenu deux séances, le 17 et le 18, à la suite desquelles a été publiée une NOTIFICATION dont voici les paragraphes essentiels : Il a été décidé à l'unanimité de répondre que, puisque la Sublime-Porte a pris le parti de la guerre, pour sauvegarder ses droits et l'intégrité de ses Etats, on ne repoussera pas une paix propre à les garantir actuellement et dans l'avenir. Un fetwa confirmatif de cette décision vient d'être rendu par le Cheik-ul-Islam, et un ordre impérial a été émané à cet effet. Communication de ce qui précède a été faite aux représentants des quatre puissances. Le point où en est l'affaire en ce moment ne porte que sur une simple demande et ré. ponse. Actuellement il ne s'agit pas de paix. On n'a pas même établi un armistice. L'état de guerre continue, et des dépêches annonçant ce qui s'est passé viennent d'être envoyées aux pachas, généraux des armées de Ro umélie et d'Anatolie, pour qu'aucune atteinte ne soit portée au cours des mouvements militaires. Ceci est un acte pour le public, et qui, par conséquent, n'a pas tout dit. Si l'on en croit les renseignements qu'a reçus le Courrier de Marseille, les résolutions du Divan auraient été rédigées ainsi : « La Porte accepte la note collective des quatre puissances; elle nommera un plénipo⚫ tentiaire pour traiter de la paix dans une ville autre que Vienne; elle acceptera la « déclaration des quatre puissances que l'évacuation des principautés sera considérée ■ comme une condition sine quâ non des négociations, et que la guerre ne changera point • la situation territoriale de la Turquie. La Porte déclare en même temps qu'elle ne veut • pas renouveler les traités qui existaient, avant la guerre, entre elle et la Russie. La dernière déclaration qu'on vient de lire, celle qui touche à I'anéantissement des traités d'Andrinople et de Kaïnardji, a dů être et a été, en effet, l'objet de longues conférences. Les re-présentants des quatre puissances, sans s'en dissimuler, sans doute, la gravité, ont fini par l'accepter en raison de ce que la guerre a dû annuler de plein droit les conventions antérieures entre la Russie et la Turquie; la conférence de Vienne serait d'ailleurs appelée à élaborer un traité général qui mettrait les droits de tous les chrétiens et les stipulations politiques et commerciales sous la garantie des cinq puissances de l'Europe, et non plus d'une seule. Le Constitutionnel, empruntant à cet égard l'opinion d'un de ses correspondants, dit : Un arrangement sur de semblables bases ne peut être qu'avantageux et honorable à la Turquie, sous tous les rapports, et il y aurait eu de la démence de sa part à le repousser. Mais l'empereur de Russie l'acceptera-til? Toute la question est là. En cas de refus, ce sont les cabinets français et anglais qui assument sur eux la responsabilité des graves complications qui doivent surgir, et les Turcs se croient en droit de compter sur autre chose qu'un concours moral de leur part. Le correspondant de l'Univers, ajoutant quelques détails particuliers, ne s'éloigne pas de cette appréciation : Le nouveau projet, dit-il, ne fait à la Russie cucune concession exclusive, ne lui donne aucune garantie particulière en faveur de l'orthodoxie, mais étend, au contraire, le protectorat sur tous les sujets non musulmans de la Porte, aux cing grandes puissances, et il a cela d'important, qu'il est le premier de cette nature qui ait été présenté au divan revêtu de la signature des quatre représentants à la fois. Il faut croire qu'il y a quelques chances pour qu'il ne soit pas rejeté par cette dernière, puisque l'Autriche a mis cette fois dans la balance le poids de sa coopération et de son adhésion. Toutefois, la part qu'on y fait à la Russie semble, au point de vue de cette puissance, si faible, si insignifiante, que nos correspondants n'hésitent pas à dire qu'il sera rejeté à Saint-Pétersbourg. En admettant même d'ailleurs que ces bases soient acceptées par les deux parties contendantes, il n'est rien moins que certain que la paix doive nécessairement sortir des négociations où elles seront discutées. Cette même correspondance ne cache pas la gravité des revers éprouvés par les Turcs en Asie: Ils doivent être bien sérieux, puisque un ministre turc les a qualifiés de déroute complète. Une nombreuse artillerie serait tombée entre les mains des Russes. Les irréguliers auraient très-mal fait leur devoir et refusé même de marcher; ils auraient tué leur général, Véli-Pacha, qui voulait les y contraindre en déchargeant ses armes sur les plus mutins. Barrier. Le Constitutionnel parle de ce dernier trait, tout en le présentant sous d'autres couleurs. Il raconte que les Tures ont été attaqués dans leur retraite par une colonne russe, et comme les bachi-bouzouks (irréguliers) étaient en majorité, ils se sont débandés et ont été poursuivis jusque sur la frontière. Les journaux anglais sont très-frappés de cette indiscipline aussi bien que de l'incapacité dont Osman-Pacha a fait preuve à Sinope. Le Times en tire même la conclusion suivante : Si les hostilités qui semblent désormais inévitables sont entreprises par les flottes, il deviendra indispensable au succès des opérations de mettre la conduite de la guerre sous la direction d'officiers européens capables, et d'obtenir des Turcs la même discipline que nous eûmes tant de peine à imposer aux Espagnols et aux Portugais, lorsque nous entreprîmes de les défendre. Dans le même article, le Times expose ensuite la force des flottes combinées de France et d'Angleterre dans le Bosphore. Elles se composent de 44 navires, vaisseaux de guerre, frégates ou steamers, parmi lesquels 3 vaisseaux à trois ponts sous pavillon français et 3 du même rang sous pavillon anglais, 7 navireś à deux ponts anglais et 5 français, etc. De plus, on compte au moins 7 vaisseaux de ligne turcs et égyptiens, et des frégates et des steamers; de telle sorte qu'on peut évaluer à 60 voiles les flottes combinées. Mais, arrivant à la grande question qui consiste à savoir si ce puissant armement entrera dans la mer Noire, la feuille de Londres, malgré les instructions des cabinets, émet des doutes et se rejette sur les difficultés de la saison. Les détails qu'elle donne sont, du reste, pleins d'intérêt : Quels que puissent être et la politique des cabinets de Londres et de París, et le désir des ambassadeurs de remplir les ordres qu'ils reçoivent, il reste aux chefs maritimes à décider quelles mesures doivent être prises à cette époque de l'année pour le salut des flottes placées sous leur commandement. Les amiraux auront à lutter non-seulement contre les Russes, mais contre un climat d'une extrême rigueur dans cette mauvaise saison, contre une mer enveloppée de brouillards, battue par des tempêtes aussi violentes que soudaines, et qui, en outre, est peu connue de nos marins. Les côtes de la mer Noire sont de toutes les plus inhospitalières. Elles ont été célèbres dans tous les ages comme des noverca navium. Ce serait à coup sûr le comble de l'impolitique et de la démence d'exposer les flottes aux grands risques de la mauvaise saison, à moins que les amiraux n'aient un objet défini, un plan d'opérations en vue, qu'ils croient possíble d'accomplir. Le public de ce pays ne connaît que fort peu les difficultés qu'il est du devoir des amiraux d'envisager et de vaincre. Il n'est pas improbable que les côtes septentrionales et les ports de l'Euxin soient fermés par la glace. Dans des saisons rigoureuses, le golfe d'Odessa a été gelé pendant deux mois et la navigation de ce port a été interrompue en moyenne pendant trente-neuf jours par année, surtout dans le mois de janvier. Les parages de l'angle nord-ouest de la mer Noire, entre les bouches du Dnieper et du Dniester, sont les plus froids et les plus exposés aux rigueurs de l'hiver; Cherson, Nicolaïeff, Odessa et Oczakow, sont sans doute inabordables par eau. Sébastopol n'est guère plus accessible à des opérations d'hiver, et les meilleures autorités maritimes expriment des doutes sur la possibilité de maintenir le blocus de la côte de Crimée et de Cherson à cette époque de l'année. Le Times termine ainsi : Jusqu'à ce que nous apprenions que la saison est devenue en quelque sorte plus propice aux opérations maritimes, nous hésiterons à croire qu'elles ont actuellement commencé. Faut-il rapprocher de ce dernier paragraphe les nouvelles parvenues au Journal des Débats, et qu'il ne reproduit du reste, avec sa prudence habituelle, bien justifiée par les circonstances du moment, que sous toute réserve. Des lettres récentes de Perse, en date du 30 novembre, reçues à Constantinople, avaient apporté la nouvelle que le gouvernement persan aurait reculé devant l'énergie déployée par le chargé d'affaires d'Angleterre, et lui aurait accordé toutes les satisfactions qu'il exigeait; que les relations auraient donc été reprises; que l'ambassadeur turc aurait aussi réussi à regagner de l'influence, et que, pour l'instant du moins, les projets de la Russie auraient échoué. Les Indes anglaises seraient ainsi beaucoup moins menacées en ce moment. Le Siècle, qui est extrêmement favorable à la Turquie, mais à sa manière, et qui la croirait bien mieux protégée sans doute si la Prusse et l'Autriche ne s'en mêlaient pas, rapporte comme un bruit qui circulait hier soir la nouvelle suivante : On disait, selon lui, que les cabinets de Vienne et de Berlin auraient fait savoir à ceux de Paris et de Londres que l'envoi des flottes dans la mer Noire, au moment où de nouvelles négociations venaient d'être ouvertes, auraient engagé l'Autriche et la Prusse à se retirer de la conférence de Vienne et à se réserver leur liberté d'action. La télégraphie privée a aussi son contingent de nouvelles : celles-ci viennent du nord de l'Europe : Stockholm, 27 décembre. Le journal officiel annonce qu'en vertu d'une communication royale faite en comité secret, la Diète a été informée que le gouvernement suédois était décidé à maintenir une stricte neutralité en cas de guerre. Un traité a été conclu avec le Danemarck pour assurer la coopération commune des deux pays en ce sens. DERNIÈRES NOUVELLES Une dépêche télégraphique privée, en date de Trieste, jeudi, 5 janvier, porte ce qui suit : On a reçu des nouvelles de Constantinople jusqu'au 26 décembre. La concorde était rétablie dans le ministère ottoman. Le séraskier (ministre de la guerre), gardait son portefeuille, et la démission offerte par Reschid-Pacha n'était pas acceptée. On assurait que les ministres s'étaient mis d'accord sur ces deux points: l'évacuation des principautés par les Russes et la confirmation des priviléges des chrétiens par un congrès. Quelques symptômes de fanatisme se faisaient remarquer; les insignes des anciens janissaires se montraient comme témoignage de mécontentement. La démonstration des softas avait fortifié le parti de la guerre. Le Journal de Constantinople confirme l'évacuation du territoire russe en Asie par les troupes ottomanes, qui sont rentrées à Kars pour y prendre leurs quartiers d'hiver. La Presse de Vienne espère encore que le différend pourra être terminé avant la fin du mois par les efforts de la conférence de Vienne; mais elle ajoute qu'il ne serait plus question d'un armistice, et que la Russie aurait déclaré ne vouloir la conclusion de la paix que directement et sans l'intervention des quatre puissances. Les Turcs, de leur côté, continuent leurs armements. Enfin, la Gazette d'Augsbourg du 2 janvier contient la lettre suivanté de la frontière de Pologne : Si la Russie était disposée à accepter la paix sous des conditions qui ne lui seraient pas tout à fait avantageuses, elle ne mettrait pas sur pied toutes ses forces disponibles pour s'assurer du succès. Toutes les forces (recrues et troupes de ligne) marchent maintenant du sud au sud-est, sans que leur destination soit précisément connue. On voit que, si les nouvelles de Constantinople paraissaient hier plus pacifiques, celles qui viennent aujourd'hui de tous les côtés, ont un caractère bien différent. Charles DE RIANCEY. NOUVELLES ET FAITS DIVERS Nous lisons dans la Gazette de Lyon : Un fait très-grave vient de se passer à Belfort. Le colonel du 2o de dragons, qui a laissé des souvenirs si honorables dans notre ville, a été mis huit jours aux arrêts et porté à l'ordre des |