de relever quelques expressions qui pourront à bon droit sembler étranges. M. le ministre le sait bien, ce n'est pas par suite de « scrupules exagérés » que les Communautés répugnent à l'inspection; c'est par obéissance à leur règle et par fidélité à la liberté et aux droits de l'Eglise. Nous n'aimons pas non plus ces dernières phrases qui ont un faux air de triomphe, qui signalent avec trop d'éclat ces rapports futurs « sur des maisons religieuses qui n'ont jamais été soumises à aucune inspection» et desquels on attend des renseignements sur « l'esprit et la direction de ces établissements. » Est-ce que cet esprit n'est pas connu? C'est l'esprit de l'Evangile, c'est l'esprit de ces grandes et fortes écoles de vertu, de piété et de science qui, seules, ont sauvé ce que la société moderne garde encore de respect, de mœurs et de dévouement! Leur direction! c'est celle qu'impriment, du fond de leur tombe glorieuse, ou plutôt du haut des autels où les a placés la vénération de l'Eglise et des peuples, Jes saint Francois de Sales, les saint Benoît, les bienheureux Fourier, les sainte Thérèse, les sainte Angèle de Méricie, tous les fondateurs et toutes les fondatrices de ces ordres et de ces instituts dont les œuvres, perpétuées à travers les âges, racontent les bienfaits, la sagesse et le génie! Assurément, il n'est pas besoin de l'inspection pour les mettre en relief. Résumons seulement le mode d'exercice de cette inspection. Pour toutes les écoles primaires, qu'elles soient tenues par des institutrices laïques ou par des religieuses non cloîtrées, ou même cloîtrées, mais ayant des classes externes, la surveillance est remise aux autorités locales, c'est-à-dire au maire et au curé, et, de plus, les inspecteurs de l'instruction primaire y sont appelés. Nous ne saurions trop regretter que le décret ne se contente pas de la surveillance des premiers et qu'il fasse appel à l'intervention des seconds qui ont tant de fois motivé de justes réclamations. Pour les pensionnats, les pensionnats laïques sont inspectés par des dames que le recteur désigne. Nous ne nous serions pas refusé à cette création, à la condition que la surveillance du curé y fût adjointe. On ne saurait trop réserver le droit du pasteur pour une portion si intéressante de son troupeau. Les pensionnats de religieuses, même cloîtrées, seront visités par un ecclésiastique que le ministre nommera sur la présentation de l'Evêque diocésain. Les rapports seront directement adressés au ministre. Ici, nous reconnaissons notre complète incompétence : NN. SS. les Evêques, membres du conseil supérieur, ont donné leur assentiment à cette disposition. Nous n'avons qu'à nous incliner.. Si nous avions eu l'honneur de stipuler au nom de l'Etat, nous n'aurions réclamé rien de semblable. Les communautés religieuses sont sous l'autorité de l'Eglise et sous l'action de l'ordinaire. L'ordinaire est un Evêque choisi et présenté au Saint-Siége par le gouvernement. Le décret reconnaît que son intervention est nécessaire pour présenter l'ecclésiastique qui sera chargé de l'inspection. Les lois canoniques ajoutent que cet ecclésiastique ne peut entrer dans une clôture sans un ordre ou une permission expresse de l'Evêque. N'eût-il pas été plus simple et plus respectueux de déclarer uniquement que l'inspection appartenait à l'Evêque, et que c'est près de cette sainte autorité que le gouvernement prendrait ses informations, que c'est d'elle qu'il tiendrait les renseignements qu'il peut désirer? En fait, il en sera sans doute ainsi : manifestement, les rapports de l'ecclésiastique visiteur seront communiqués à l'Evêque. Il n'y a pas un prètre digne de ce nom qui se permit de rien faire, en pareille matière, sans l'agrément de son supérieur ecclésiastique. Alors, pourquoi cet intermédiaire? Qu'est-ce que cette satisfaction qui met le nom et la main de l'Etat en avant, quand c'est, au fond, l'Eglise seule qui agira et qui devra agir? Mais, nous le répétons, c'est là une matière des plus graves où nous nous en remettons absolument à la sagesse des prélats, et, si quelque difficulté s'élevait, à l'autorité suprême du Siége apostolique. Telles sont les réflexions que nous a suggérées le décret du 31 décembre: elles ne diminueront pas, nous voudrions pouvoir l'espérer, la haute importance qui s'attache aux questions qu'il traite et qu'il tranche. Henry DE RIANCEY. Le Journal des Débats a publié la lettre suivante, relative aux faits qui ont occasionné la fermeture du collége Saint-Michel : « Saint-Étienne, le 4 janvier 1854. « Monsieur, J'ai lu dans votre numéro d'hier un article concernant la fermeture du collège Saint-Michel, où vous dites, en parlant de la mesure prise contre hous, qu'elle était devenue nécessaire, indispensable, en présence du REFUS OSTINÉ des supérieurs du collége de renvoyer dans un autre établissement lea surveillants qui, etc. Auriez-vous l'obligeance, Monsieur, de corriger ces mots: REFUS OBSTINÉ? Nous devons déclarer ici que nous nous soumettons parfaitement à l'autorité dans la mesure rigoureuse qu'elle a prise contre nous, et que, si elle nous eût intimé l'ordre de faire un sacrifice comme satisfaction de la faute que l'on nous reproche, nous nous serions empressés de lui obéir de la même manière; mais il n'y a eu de sa part aucune intimation expresse, il n'y a donc pas pu avoir refus obstiné de la nôtre. Nous n'avons vu, dans les paroles qu'elle nous a adressées en particulier, qu'un conseil bienveillant qui nous était donné sous une forme dubitative. « J'ai l'honneur d'être, Monsieur, votre très-humble serviteur, « En l'absence du P. recteur, ANT. BURGET, S. J La Gazette de Lyon du 5 contient la note suivante : L'évacuation du collège de Montaut a eu lieu ces jours derniers. M. le sous-préfet de Saint-Etienne et M. le recteur de l'Académie de la Loire s'y. étaient rendus pour faire procéder à l'exécution de la mesure, et ils ont accompli leur mission avec tous les égards et tous les ménagements dont ils ont pu user. Huit jours ont été accordés pour faciliter le départ des élèves. سبت Le Moniteur n'ayant pas publié le rapport qui motive de décret du 29 décembre, n'a point précisé les faits sur lesquels se base la grave mesure qui reçoit en ce moment son exécution. Mais, en droit, le décret ne s'appuie ni sur la loi du 15 mars 1850, ni sur le décret du 9 mars 1852, lesquels ne confèrent au gouver nement dans aucun de leurs articles le droit de supprimer une institution d'enseignement libre. De plus, pour les pénalités disciplinaires que portent des lois et qui sont proportionnées à la gravité des délits, le règlement d'administration publique, en date du 29 juillet 1850, publié au Moniteur le 6 août de la même année, établit les formes de procé dure, d'enquête et de comparution, ainsi que les degrés dejuri. diction qui doivent être observés. Le décret du 29 décembre n'indique pas qu'aucune de ces formalités ait été remplic. Il y a ici des questions de droit qui sont d'un intérêt général et qui ne peuvent demeurer sans éclaircissements. Henry de RIANCEY. AFFAIRES D'ORIENT La circulaire de M. Drouyn de L'Huys aux agents diplomatiques français, a produit sur la bourse une véritable panique. La baisse qui a eu lieu sur tous les fonds publics s'explique aisément si l'on songe que, depuis quelque temps, les spéculateurs se berçaient de l'espoir d'un arrangement pacifique des affaires d'Orient. Cet espoir pourtant ne doit pas être considéré comme absolument perdu, d'autant plus que, d'après une déclaration faite par la Patrie, l'Autriche et la Prusse n'auraient pas annoncé officiellement, ainsi que l'avait prétendu le Siècle, leur intention de se retirer des conférences de Vienne. Quant à l'entrée des escadres combinées dans la mer Noire, ce ne serait pas un de ces événements qui se produisent avec l'effet terrible de l'imprévu. M. Drouyn de L'Huys a donné seulement une confirmation officielle à un fait dont la nouvelle, publiée à tant de reprises par les feuilles francaises et étrangères, était attendue tous les jours. Le désastre de Sinope avait marqué d'avance la dernière étape des escadres. Maintenant que dira la panique, en lisant dans le Moniteur le décret qui appelle à l'activité les jeunes soldats encore disponibles sur la seconde portion du contingent de la classe de 1852? L'exposé du maréchal Saint-Arnaud ne parle que de la nécessité de mettre l'effectif en rapport avec les besoins impérieux du service, » en comblant le vide que vient de faire subir à l'effectif général de l'armée la libération de la classe de 1846. Mais, sans doute, les imaginations iront plus loin que le décret. Déjà le correspondant parisien du, Times lui mande qu'il est question d'envoyer en Turquie 70,000 hommes. Candie serait le dépòt général de l'armée. Les nouvelles qu'on avait reçues de Constantinople sont confirmées par la télégraphie. Sans que l'émeute des softas ait pris des proportions menaçantes, on ya voir que l'autorité a cru devoir recourir à des mesures de précaution qui ont prévenu un conflit: : Constantinople, 25 décembre (voie de Marseille). Le 23, des rassemblements plus considérables de softas ont eu lieu. Deš canons ont été braqués; de nombreuses arrestations ont été faites, et trois cents individus ont été exilés. La population est restée calme. Les Européens ont été rassurés par les ambassadeurs. : Une proclamation du sultan a paru; elle annonce que ni la paix ni une trève n'ont été conclues, mais que la Russie manifeste des intentions paci-. fiques et que le sheik-ul-islam approuve une paix honorable. Une Note des quatre ambassadeurs propose le renouvellement et non l'abolition des traités avec garanties réciproques et réformes administratives. Selim-Pacha a été tué en Asie par les irréguliers indisciplinés. De cette dépêche, il ressort manifestement un désir de conciliation dans le gouvernement de la Sublime-Porte, où, dư reste, l'autorité de Reschid-Pacha en se raffermissant peut, aujourd'hui plus que jamais, faire incliner le Divan vers la paix. Mais, dans une complication de cette nature, il ne suffit pas du bon vouloir d'une des deux parties; et qu'importe que la Tur quie accède aux négociations, si la Russie y ferme l'oreille? Or voici, à cet égard, un fait que contient le Times : On connaît déjà, quoique d'une manière extra-officielle, les dispositions de l'empereur Nicolas pour les propositions de la conférence de Vienne. Si nous en croyons les bruits qui courent, l'empereur Nicolas aurait dit qu'il n'enverrait jamais à la conférence de Vienne un de ses genéraux pour y signer sa condamnation et son déshonneur. » De son côté, le Globe annonce, d'après une lettre de SaintPétersbourg, en date du 25 décembre, qu'il règne en Russie, dans toutes les branches du service public, une activité sans précédents depuis la guerre de 1812 : Chaque jour de nombreux courriers sont dépêchés dans toutes les parties de l'empire pour accélérer les armements. On envoie dans toutes les directions des agents pour exciter le fanatisme et la férocité de la population orthodoxe, et pour soulever, dans les profondeurs de l'Asie, les hordes de Kirghis, de Mongols et de Tartares, afin de les précipiter vers l'Indus, dans l'espoir de saccager les présidences anglaises. On parle également d'une nouvelle et plus puissante organisation que recevrait l'armée du Caucase. Le prince Woronzoff garderait le commandement en chef; les forces seraient portées à 190,000 hommes, avec 216 bouches à feu. Quant aux Turcs, ils ont retiré leurs troupes de l'Arménie russe; et, en Bulgarie, le corps d'armée qui occupait Sophia, et se composait de 50,000 hommes, a été réduit de 10,000; le reste a été éparpillé sur plusieurs points. Leur généralissime, Omer-Pacha, est toujours à Widdin: les principales lignes de défense sont Varna, Routschouk et Silistria. On a tout dit sur le désastre de Sinope. Cependant, un fait assez grave est rapporté par le Morning-Post. C'est la destruction du navire anglais Howard. Nous reproduisons les détails que donne à ce sujet la feuille de Londres: « Le brick Howard, de Bedfort, capitaine Thomas Taverner, était parti de Liverpool, dit le Morning-Post, avec une cargaison de charbon pour Constantinople. Le capitaine écrivit de Constantinople qu'il avait trouvé un nouveau fret pour conduire son charbon à Sinope et qu'il ramènerait son navire en Angleterre avec du blé. Une lettre de ce capitaine, en date de Constantinople du 11 décembre 1853, annonce que, le 30 novembre, il était à l'ancre dans la baie de Sinope avec l'escadre turque. La flotte russe, profitant de ce que le temps était très-sombre, arriva avec une forte brise sud-est. On ne l'aperçut que lorsqu'elle était déjà à un mille un quart de la baie. Quinze minutes après, l'affaire commença sans qu'il eût été intimé l'ordre au capitaine anglais de s'éloigner. Vainement Il voulut s'éloigner. Une grèle de bombes et de boulets pleuvait sur la mâture et les cordages du Howard. Cette grêle partait des vaisseaux russes. Le Howard, ainsi que toute l'escadre turque, fut bientôt enveloppé par les flammes. Le navire avait déjà sauté en partie lorsqu'il fut abordé, par une des frégates turques. Ce qui restait de l'équipage ottoman, environ 100 hommes, s'élança à bord du Howard, coupant le cable. Les deux bâtiments s'éloignèrent ensemble. Mais le feu ayant gagné les poudres sur le bâtiment turc, une explosion eut lieu, et tout ce qui était sur les deux navires fut mis en pièces. « La destruction, au dire du capitaine, a été complète. Lorsqu'il atteignit le rivage, il fut dévalisé par des voleurs qui pillaient la ville de Sinope. Ces voleurs ne lui laissèrent que sa chemise et son caleçon. Il se sauva dans les bois et passa la nuit sur un gros arbre, avec le reste de son équipage. Deux hommes manquaient: un d'eux s'était jeté à la mer dans un accès de folie. Le lendemain, le capitaine revint en ville et se mit, ainsi que son équipage, sous la protection du consul d'Autriche, qui l'a parfaitement reçu. C'est à lui que son équipage doit d'avoir la vie sauve. Il prit soin d'eux jusqu'au 6 décembre, jour où la Rétribution les conduisit à Constantinople. Il est évident, d'après ce récit, qu'un acte audacieux et injustifiable a été commis par les Russes contre des sujets anglais et sur un navire sans défense, sans aucune provocation. C'est là une question qui n'intéresse pas seulement les propriétaires du Howard; car, si une pareille illégalité demeure impunie, adieu toute sûreté des propriétés anglaises à l'étranger. » 1 |