nier point et le laisser douteux, malgré l'enseignement formel de tous les siècles. 2o Il attribue à la raison cultivée une impuissance morale de connaître aucune vérité morale ou religieuse. Pourquoi n'oset-il, pourquoi prétend il ne pouvoir lui attribuer une impuissance absolue en ce genre? Son motif est dérisoire. L'expérience, dit-il (p. 64), suffit à prouver l'impossibilité logique de découvrir Dieu, pour un homme qui a été entièrement privé de l'enseignement social; et si, pour la découverte de Dieu par un homme instruit, c'est-à-dire par un homme dont la raison aurait été développée sans qu'il connût les vérités naturelles, nous n'arrivons à démontrer qu'une impuissance morale, c'est que pour cet objet, nous ne pouvons nullement invoquer l'expérience. Mais pourquoi n'est-il pas permis d'invoquer l'expérience pour cet objet? C'est que jamais la raison n'a fait et n'a eu besoin de faire une pareille découverte, attendu que la notion des vérités fondamentales ne s'est jamais totalement perdue (p. 164). » C'est-à-dire que jamais aucun esprit humain, aucun individu n'a découvert, ni eu besoin de découvrir les principales vérités morales et religieuses, par cette raison qu'il les a toujours apprises et qu'il n'a pu les apprendre « qu'avec le secours de l'enseignement, » comme l'auteur le dit plus loin (p. 315). Il nous semble cependant que les philosophes et les gentils auraient eu besoin de découvrir et de connaître plusieurs vérités religieuses que saint Paul leur reproche de n'avoir point apprises, non de l'enseignement, mais du simple spectacle de la nature. D'ailleurs, si aucune raison humaine ne fait jamais ni n'a besoin de faire la découverte de ces vérités, par ce motif qu'elle les reçoit toujours de l'enseignement avant d'avoir besoin de les découvrir, l'impuissance où elle est de les découvrir n'est plus seulement morale, elle devient absolue. 3. Cependant le traditionaliste d'Amiens se borne à une impuissance morale pour la raison cultivée à l'égard de ces vérités. Mais quelle est cette impuissance? Car l'impuissance morale peut exister à des degrés bien différents. <<« Nous venons de dire, continue M. Berton (p. 71, 72, 73), que la découverte de Dieu par une raison cultivée qui l'ignore, et sa démonstration par une raison qui ne l'ignore pas, sont deux choses moralement impossibles; mais l'impossibilité morale admet bien des degrés, et elle est infiniment plus grande pour la première opération que pour la dernière, de même que la puissance logique est infiniment plus démontrée pour celle-ci que pour l'autre. En effet, s'il est prouvé que la raison est moralement impuissante à se suffire à elle-même pour démontrer les vérités naturelles (qu'elle connaît), il ne l'est pas moins qu'elle possède ici une puissance radicale... En est-il de même pour la question de la découverte? Pas le : moins du monde. Quelle preuve donne-t-on de la puissance radicale qu'aurait la raison cultivée de découvrir les vérités naturelles?... Il reste constaté que sur ce point l'impuissance morale est, pour ainsi dire, à son comble... En d'autres termes, l'histoire prouve par l'expérience l'impuissance morale modérée de démontrer les vérités naturelles; elle prouve par l'induction l'impuissance morale immense de leur découverte par un homme instruit. Et ailleurs (p. 260): Si une seconde révélation était moralement nécessaire pour conserver dans la société humaine les vérités naturelles, combien plus la révélation primitive n'était-elle pas moralement nécessaire pour les lui apprendre ? Comment l'homme aurait-il soupçonné ces dogmes (naturels), si Dieu, en l'instruisant, les lui avait cachés ? 4o Si l'auteur attribuait la grande impossibilité morale dont il parle à la raison, même cultivée, pour connaître suffisamment la loi et la religion naturelle, pour connaître des vérités morales et religieuses tout ce qui est nécessaire, il ne serait contredit par aucun théologien, par aucun philosophe digne de ce nom. Mais cette impossibilité morate immense, à son comble, comme il dit dans un langage aussi nouveau que sa doctrine, il la soutient en général et pour toutes les vérités morales et religieuses, même les premières. Il ne distingue point; l'impossibilité est égale pour toutes ces vérités. Il le déclare plus loin formellement et il dit : L'impossibilité morale, comme nous l'avons vu (et au degré que nous avons vu) s'applique à cette question: une raison cultivée pourrait-elle découvrir les premières vérités religieuses? (P. 276.) Or, jamais, que nous sachions, aucun philosophe ni aucun théologien n'a admis une telle impossibilité dans une raison formée et cultivée, pour les premières vérités morales et religieuses, par exemple, l'existence de Dieu, la différence du bien et du mal, etc. 5o L'auteur, comme on le voit, n'ose pas affirmer l'impossibilité absolue; mais il ne veut pas non plus affirmer la puissance absolue, pour la raison cultivée, de connaître ces premières vérités. Il y a plus: cette puissance toujours enseignée comme certaine et affirmée par tous les Docteurs catholiques, il prétend, lui, qu'elle n'est pas certaine, qu'elle n'est pas prouvée, et il la range parmi les choses douteuses. Ainsi, dit-il (p. 72, cf. 272, 273) on n'a encore donné aucune preuve de la puissance absolue d'une raison cultivée pour découvrir les vérités naturelles. Nous l'admettons cependant, parce que nous ne pouvons pas non plus démontrer l'impuissance logique. Ni l'une ni l'autre n'étant prouvées, elles restent donc toutes deux douteuses, et ni l'une ni l'autre ne doit être admise comme certaine. Et les théologiens qui ont constamment et : unanimement admis comme certaine la possibilité absolue se sont unanimement et constamment trompés. La possibilité même absolue n'étant pas prouvée, il est permis de la nier. N'est-ce point là ce que veut dire M. Berton dans les affirmations suivantes? La raison, une fois développée, pourrait-elle opérer cette découverte (de l'existence de Dieu, des vérités naturelles)? Sur la question de fait nous sommes convaincus... Quant à la question de possibilité, nous croyons que la négative est très-soutenable et surtout qu'elle est renfermée dans les limites de l'orthodoxie (p. 164). Et ailleurs: De ce que le pape (Grégoire XVI) n'a pas défini l'impuissance de la raison pour la découverte des vérités naturelles, il ne s'ensuit pas qu'il ait condamné cette opinion, qui est la nôtre (p. 122). Non-seulement le pape n'a pas défini, n'a pas enseigné cette impuissance de la raison; mais tous les théologiens, à commencer par saint Paul, ont affirmé cette puissance et ont condamnė d'avance cette opinion, qui est la vôtre. Nous verrons prochainement comment M. Berton s'efforce d'éluder l'autorité de saint Paul et des théologiens. Ce n'est pas la partie la moins curieuse ni la moins instructive de son Essai. L'abbé J. COGNAT. LES ÉLECTIONS EN HOLLANDE En Hollande, comme en Belgique, les colléges électoraux se sont réunis le 13 juin; dans un pays comme dans l'autre, la liberté religieuse et la liberté politique ont remporté, à cette occasion, des avantages qui tourneront également au profit de la cause catholique. On se rappelle la factice mais violente agitation qui présida, l'année dernière, au renversement de M. Thorbecke, à la dissolution des Chambres, au renouvellement des Etats-Généraux et à la présentation d'une loi dirigée contre l'Eglise. C'était l'effort désespéré d'une intrigue politique et d'une conjuration de sectaires travaillant de compte à demi à détruire la constitution existante et à rétablir sur ses ruines, avec le pouvoir absolu comme forme de gouvernement, le protestantisme le plus exclusif et le plus intolérant comme religion d'Etat. On sait aussi quels ont été déjà les résultats positifs de cette triste campagne. Grâce à la résistance ferme et modérée des Catholiques néerlandais qui ont combattu partout avec les armes légales de la presse, du pétitionnement, des élections, de la tribune, le réveil du fanatisme hérétique n'a été marqué que par des échecs. Successivement les plus hardis ont reculé devant leurs projets de coup d'Etat. Le nouveau cabinet s'est senti plus faible qu'il ne croyait devant la représentation nationale, faussée par ses manœuvres, mais trop peu assujettie encore à son joug; l'effervescence des passions a fait place bientôt à l'extrême division des esprits; une loi qui portait primitivement le caractère de la plus outrageante provocation contre la moitié presque du peuple, a subi une série de corrections et de modifications qui en ont fait peu à peu disparaître l'odieux sous le ridicule; enfin, quand les conseils de la prudence ont repris quelque faveur dans les régions gouvernementales, la sagesse et l'habileté de la diplomatie pontificale qui avait su constamment laisser les voies ouvertes à tous les retours, a su profiter de ce concours de circonstances, saisir l'occasion favorable, écarter d'une main ferme et douce les malentendus et les obstacles, et fixer, à la satisfaction unanime, les conditions honorables de la réconciliation et de la paix. C'est ainsi qu'au point de vue religieux le succès a été complet en Hollande et que la réaction, repoussée avec autant de mesure que d'énergie, bien loin de laisser aucune trace fàcheuse, n'a fait que tourner à l'avantage de l'Eglise en amenant la reconnaissance publique et officielle, par la couronne et les Etats-Généraux, de la hiérarchie restaurée. Le pays, par son bon sens, avait contribué à empêcher la rupture insensée de la puissance temporelle avec la puissance spirituelle, de l'Etat avec l'Eglise. Dès l'abord, il n'hésita point à applaudir au rétablissement des bons rapports et de l'harmonie; il vient de faire plus encore: il a puni ceux dont l'ambition politique ou les rancunes religieuses avaient provoqué le trouble et la discorde dans l'espoir de les exploiter. Trente-quatre membres de la seconde Chambre étaient appelés à subir l'épreuve du scrutin. Deux seulement, le comte de Schimmelpenninck à Amsterdam et Sleeswyk-Veening à Sneek, s'étaient volontairement retirés de la lutte. Le parti dit constitutionnel que la coalition anticatholique avait décimé en 1853, a conservé ses anciens représentants et en a gagné cinq ou six nouveaux. Il revendique ainsi dix-neuf ou vingt élections contre douze ou treize appartenant à ses adversaires ou douteuses. Deux considérations très-sérieuses ajoutent à l'importance numérique de ce résultat. La première, c'est la valeur propre de certaines nominations; nous citerons seulement celle de l'honorable M. Van Zuylen van Nyevelt, ancien ministre des affaires étrangères et naguère encore combattu à ce titre avec acharnement à La Haye par les plus puissantes influences. La seconde, c'est l'échec que, dans la déroute des deux partis, ministériel et protestant exclusif, ce dernier a éprouvé plus cruellement encore que l'autre; car il a laissé tomber, à Zwolle, son chef, le fameux orateur et pamphlétaire M. Groën van Prinsterer, et, à Zutphen, un de ses adhérents les plus ardents, M. Van der Brugghen. Le changement qui vient ainsi d'avoir lieu dans la composition des Etats-Généraux achevera sans doute de déjouer les calculs des ennemis de l'Eglise. Si la loi sur la surveillance des cultes, presque abandonnée déjà par ses propres auteurs, a vu pour ainsi dire la désuétude commencer pour elle dès sa promulgation, elle reste comme une menace dans cet arsenal de la législation où elle pourrait être ressaisie par l'intolérance; il serait donc heureux qu'elle fût définitivement et catégoriquement retirée. Espérons aussi que la modification actuelle exercera une salutaire influence sur la solution des graves problèmes qui concernent l'enseignement et la charité et qui s'agitent aujourd'hui dans la Néerlande comme dans toutes les contrées auxquelles la foi rend cette vie et ce mouvement que l'âme communique au corps : Mens agitat molem. Charles DE RIANCEY. On lit dans le Bien public, de Gand : La Volkshalle assure, dans son numéro du 21, que les rigoureuses mesures dont a été l'objet Mgr l'Archevêque de Fribourg, ont produit une vive sensation à Vienne, et que l'Empereur a aussitôt fait expédier une note énergique à Carlsruhe, laquelle a déterminé le gouvernement grandducal à modifier singulièrement sa conduite à l'égard du vénérable prélat. AFFAIRES D'ORIENT La dépêche de Bukarest, donnée par le Moniteur, a ému au plus haut degré la presse entière. Ce serait, en effet, le commencement d'un ordre de choses nouveau, l'évacuation des Principautés par les Russes. Ce matin, nous trouvons dans le Moniteur la confirmation de ce qu'il a annoncé et, de plus, la nouvelle de l'entrée très-prochaine des Autrichiens en Valachie. On lui écrit de Vienne: Le siége de Silistrie est levé; les Russes se retirent en masse. La retraite s'opère de tous les points de la Valachie, par Folkchany et Birlat. L'entrée des troupes autrichiennes en Valachie est décidée; le comte de Coronini, avec une première division suivie d'une seconde, a l'ordre de se tenir prêt à descendre le Danube jusqu'à Giurgevo, et de Giurgevo il marchera sur Bukarest. On écrit à M. de Bruck de se mettre immédiatement en communication avec la Porte pour s'entendre sur les combinaisons politiques et militaires qu'entraîne le mouvement de l'armée autrichienne. Le colonel Halik part pour le quartier général d'Omer-Pacha, et a l'ordre de s'aboucher avec les commandants des troupes françaises ou anglaises pour combiner les opérations des trois corps d'armée. Une dépêche publiée par le Times et arrivée de Vienne, à la date du 26, résume ainsi la réponse de la Russie à la sommation du gouvernement autrichien : « La Russie consent à évacuer les |