des endosseurs subséquents, on peut répondre que si une simple promesse exclut les effets en quelque sorte extrinsèques de la lettre de change, tels que la contrainte par corps, les droits de change, de rechange et autres analogues, en un mot, tout ce qui rend l'exécution plus rigoureuse, tout ce qu'Heineccius appelle rigor cambialis, elle n'exclut pas ce qui est de l'essence même de l'obligation souscrite par la femme, ce qui en constitue une condition intrinsèque; et conséquemment la solidarité, qui est une manière de s'obliger commune aux matières civiles et aux matières commerciales, à laquelle se soumet de plein droit toute personne qui appose sa signature sur une lettre de change, de même que l'action récursoire de tous les endosseurs subséquents, qui est la suite et le complément de la solidarité. Il est vrai que cette lettre de change ne produit pas visà-vis la femme les effets particuliers au contrat de change; mais ici la solidarité et l'action récursoire ne sont pas des effets du contrat de change considéré comme contrat commercial; elles sont l'effet de l'obligation contractée par la femme avec d'autres ou pour d'autres, et par laquelle, en s'engageant envers celui avec qui elle a contracté directement, elle s'est engagée envers tous ceux auxquels ce créancier direct aura transmis ses droits. C'est ce dernier système qui me paraît devoir être préféré. 191. Du reste, si une femme non marchande tire ou signe une lettre de change conjointement avec son mari, la solidarité qui existe entre les femmes et les autres signataires, existe, à plus forte raison, entre elle et son mari ('). 192. L'article 113 du code de commerce, aux termes du (') Riom, 22 novembre 1809 (Dev. et Car., 3, 2, 148; Dall., 6, 577) Paris, 8 février 1820 (Dev. et Car., 6, 2, 202; Dall., 6, 661). quel la signature des femmes ou filles non marchandes publiques sur des lettres de change, ne vaut que comme simple promesse, a donné lieu à une autre question sur laquelle il y a une grande divergence entre les auteurs et les arrêts. C'est celle de savoir si, à raison de cette signature, la femme non marchande publique est justiciable des tribunaux de commerce ou des tribunaux civils. Pour la compétence des tribunaux civils on se fonde sur ce que les tribunaux de commerce, ne sont compétents, dans l'hypothèse dont il s'agit, ni à raison de la matière, puisqu'il ne s'agit pas, à l'égard de la femme, d'une lettre de change, mais d'une simple promesse qui n'a rien de commercial; ni à raison de la personne, puisque la femme n'est pas marchande publique ('). Mais on répond avec raison que les lettres de change, bien que réputées simples promesses à l'égard de la femme, conservent néanmoins la forme tant extrinsèque que substantielle des lettres de change, et ont, par conséquent, un caractère exclusivement commercial, qui attribue aux tribunaux de commerce la connaissance des difficultés auxquelles elles donnent lieu, puisque l'article 632 du code de commerce soumet généralement les lettres de change, entre toutes personnes, à la juridiction commerciale. Un autre argument se tire encore de l'article 636 du code de commerce, qui, en disposant d'une manière limitative que lorsque les lettres de change sont réputées simples promesses aux termes de l'article 112 (c'est-à-dire dans le cas où elles renferment des omissions qui leur font perdre le caractère de lettres de change), les tribunaux civils sont compétents (1) M. Delvincourt, Instit. du dr. commercial, t. II, p. 98, note 3. - Paris, 16 août 1811 (Dev. et Car., 3, 2, 354); Bordeaux, 11 août 1826 (Dev. et Car., 8, 2, 276); Limoges, 16 février 1833 (Dev. et Car., 33, 2, 277); Riom, 8 avril 1840 (ibid., 1840, 2, 268). pour en connaître, fait, par cela même, clairement entendre que lorsqu'une lettre de change est réputée simple promesse, dans le cas de l'article 113, relativement aux femmes ou filles non marchandes publiques, le tribunal de commerce conserve la compétence, qui, en cette matière, est de règle générale (1). Il en est de même lorsque la signature des femmes ou des filles est apposée sur un billet à ordre dans tous les cas où des signatures d'individus commerçants, sur ce billet à ordre, en attibuent la connaissance aux tribunaux de commerce (2). 193. Au surplus, il ne faut pas perdre de vue que la signature d'une femme non marchande publique, sur une lettre de change ou un billet à ordre ne vaut, comme simple promesse, qu'autant qu'elle a été autorisée par son mari. Si elle n'avait pas été autorisée, soit par le consentement écrit de son mari, soit par son concours dans l'acte, elle serait recevable à demander la nullité de son engagement, qui ne la lierait en aucune manière, ni civilement, ni commercialement (3). Quand le consentement du mari est donné par écrit, il est facile d'en apprécier la portée; mais il y a plus de difficulté sur le point de savoir, en matière de lettres de change ou de billets à ordre, ce qui, en l'absence d'un consentement écrit, constitue un concours duquel résulte une autorisation suffi sante. () M. Merlin, Répert., v Lettre de change, § 3, n. 5; M. Carré, Compét., n. 592. Limoges, 19 mai 1813 (Dev. et Car., 4, 2, 313); Aix, 22 février 1822 (Dev. et Car., 7, 2, 28); Montpellier, 20 janvier 1835 (Dev. et Car., 55, 2, 336); Cass., 26 juin 1839 (ibid., 59, 1, 878). (') C. com., 636. (2) C. civ., 217.—Cæterum si vel maximè fœminis non mercatricibus negotiatio collybistica conceditur, regulariter tamen cambiare non possunt, nisi vel curatoris, vel adsistentis auxilio utantur. (Heineccius, Elem. jur. camb., cap. 5, § 5). Si la femme s'oblige conjointement et solidairement avec son mari, il y a concours formel du mari, et consentement exprès et nécessaire à l'obligation de la femme qui se confond avec celle du mari. Il en est de même dans le cas où la femme accepte une lettre de change tirée sur elle par son mari. Le mari qui fait traite sur sa femme l'autorise évidemment à accepter la lettre de change qu'il lui adresse: il fait même plus, puisqu'il lui en donne en quelque sorte l'ordre (' ). Mais il en serait autrement dans l'hypothèse inverse, c'est à-dire dans le cas d'une lettre de change tirée par la femme sur son mari; l'acceptation de cette lettre de change par le mari ne constituerait pas une autorisation valable, parce qu'ici l'autorisation n'interviendrait qu'après l'obligation souscrite par la femme, tandis qu'il est de principe que l'autorisation doit être donnée, à peine de nullité avant l'acte, ou du moins au moment même où il est passé (3). Une autorisation postérieure à l'acte n'est plus qu'une ratification, et ce n'est pas une ratification qu'exige l'article 217 du du Code civil; c'est une autorisation et une obligation simultanées (3). Cependant s'il était prouvé, soit par la teneur même de la lettre de change, soit par la preuve testimoniale (1) que l'acceptation du mari est intervenue au moment même où la femme tirait la lettre de change, de telle sorte que les deux obligations du mari et de la femme, auraient été simultanément contractées l'une à cause de l'autre, l'acceptation in - (') M. E. Persil, De la lettre de change, sur l'art. 113 c. com., n. 3. Caen, 2 août 1814 (Dev. et Car., 4, 2, 401). (2) Paris, 12 janvier 1815 (Dev. et Car., 5, 2, 7). (3) Cass., 26 juin 1839 (Dev. et Car., 39, 1,878). (*) Turin, 17 décembre 1810 (Dev. et Car., 3, 2, 372). tervenue dans ces circonstances devrait être considérée comme une autorisation suffisante. Au surplus, l'acceptation par la femme d'une lettre de change tirée par son mari ne fait supposer une autorisation antérieure, que lorsque la lettre de change est tirée par le mari sur la femme elle-même. Dans le cas contraire, l'acceptation de la femme n'est plus qu'un cautionnement qu'elle donne à son mari et qui nécessite une autorisation expresse. Il en serait de même si la femme signait pour caution une lettre de change tirée par son mari sur un tiers (1), ou si elle y apposait son aval (2). 194. Du reste, il ne faut pas confondre les lettres de change souscrites par la femme non marchande publique, en son propre nom, et celles qu'elle souscrit au nom de son mari dont elle gère le commerce, en vertu d'un mandat tacite ou exprès. Les premières seules sont considérées comme simples promesses: les secondes, au contraire, obligent le mari commercialement. « S'il était prouvé, dit très bien Pothier (3), que la femme d'un marchand est dans l'usage de signer, au su de son mari, des lettres de change pour son mari, qui peut-être ne sait pas écrire, sa signature, en ce cas, serait valable: mais ce ne serait pas elle qui serait censée contracter et qui s'obligerait; ce serait son mari qui serait censé contracter par le ministère de sa femme. » Ces lettres de change peuvent, suivant les circonstances, obliger la femme; mais les circonstances qui font reconnaître (1) Riom, 2 fév. 1810 (Dev. et Car., 3, 2, 197). (2) Si mercaturam non exercel fœmina, dupliciter contingere potest ut ejus cambium sit vitiosum et inutile : primum si fœmina intercedat pro aliis, cambium acceptet, mariti cambio suscribat ; deindè si leges provinciales vel statutariæ mulieres perpetuæ curatelæ subjiciant. (Heineccius, De vitiis negot. collybis., cap. 2, § 8). (3) Du Contrat de change, n. 28. |