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privée par suite, en dehors des cas prévus par la loi, de l'exercice d'une partie de ses droits civils; que les Tribunaux doivent se garder avec une grande prudence de toute mesure pouvant porter de semblables atteintes, surtout lorsque les circonstances concomitantes et postérieures à l'acte excluent l'hypothèse que le testateur ou le donateur n'a pas joui de la plénitude de ses facultés au moment de la confection dudit acte; que lorsqu'il en est ainsi, les démonstrations et les articulations relatives à des faits anciens perdent leur pertinence et leur admissibilité; qu'en ce qui concerne la captation, il faut établir l'emploi de manœuvres dolosives ayant eu pour but et pour effet de détourner le testateur des dispositions qu'il aurait prises si ces manœuvres n'avaient pas été employées; il faut que la volonté du captateur se soit substituée à celle du disposant, ou l'ait viciée par des procédés frauduleux, lui ayant fait perdre la saine notion des choses; qu'en l'espèce, la veuve Lécluse établit dès à présent: 10 que, dans le courant de l'année 1891, la de cujus était internée comme atteinte de lypémanie, dans une maison de santé tenue à Paris par le docteur Pottier; 2° que du mois de mars 1893 au mois de juin 1897, elle était placée dans un établissement d'aliénés, en Belgique; 30 qu'étant revenue en France, elle aurait donné, à Anvers et à Valmondois, des signes de dérangement d'esprit d'ailleurs non spécifiés, et que, du mois de septembre 1898 au mois de décembre 1899, elle était, à l'hôpital de l'Isle Adam, atteinte du délire de la persécution; - Attendu que ces faits, dont le dernier est antérieur de dix-sept mois à la date du testament attaqué, remontent à une époque trop éloignée pour que, par eux-mêmes et en faisant application des principes ci-dessus exposés, ils soient de nature à établir que la veuve Friand n'était pas saine d'esprit lorsqu'elle a dicté son testament à un notaire en mai 1901; que les faits articulés dans l'offre subsidiaire de preuve ne sont pas davantage pertinents ni admissibles, soit par

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eux-mêmes, soit en les réunissant à ceux dont la démonstration a été faite par les pièces que produit la demanderesse; qu'en effet, en ce qui concerne le premier d'entre eux, relatif à l'état mental du père et de collatéraux de la de cujus, une pareille enquête, qui d'ailleurs emporterait présómption que la folie est héréditaire, ne saurait être ordonnée à l'encontre de personnes qui ne sont point parties au procès; que de graves inconvénients pour des tiers pourraient résulter de semblables investigations; qu'on ne saurait davantage admettre qu'un séjour en Algérie soit propre à troubler les facultés mentales; que les autres faits seraient bien de nature, s'ils étaient prouvés, à établir que la dame Friand n'était pas habituellement saine d'esprit; mais que, comme ceux à l'égard desquels des certificats sont produits, ils sont de beaucoup antérieurs à l'époque de la confection du testament, et qu'en autoriser la preuve serait proclamer indirectement qn'une personne qui a été atteinte d'insanité d'esprit demeure presque indéfiniment incapable de disposer; que le Tribunal doit se garder d'un pareil système, surtout lorsque, comme dans le cas actuel, la de cujus a cessé, depuis dix-sept mois, de donner des signes de démence ou même de faiblesse d'esprit, et que l'acte attaqué paraît bien émaner d'une personne jouissant de toute sa raison; que cette opinion a été formulée par le notaire qui a reçu le testament et par les témoins; que le docteur Breton, qui voyait fréquemment la veuve Friand chez les époux Bauduin, atteste que celle-ci lui a toujours paru saine d'esprit; que sa volonté de laisser sa fortune à la dame Bauduin s'est encore affirmée, l'année suivante, par la rédaction d'un projet de testament nouveau, contenant certaines obligations à la charge de la légataire; que sa lucidité d'esprit à SaintAmand est encore attestée par l'établissement d'un compte compliqué, et aussi par la correspondance fréquente que ses nièces et d'autres personnes échangeaient avec elle; que par là se trouve en même temps d'ores et déjà infirmée l'imputation que les époux Bauduin l'isolaient de sa famille;

que les articulations sur ce point ne sauraient fournir la preuve d'une captation; qu'en effet, l'état de santé de la veuve Friand, la faiblesse de sa vue, et la circonstance qu'elle était étrangère à la ville de Saint-Amand, expliquent qu'elle fût accompagnée dans ses sorties par la dame ou le sieur Bauduin; que le fait qu'ils assistaient aux entretiens de leur pensionnaire avec ses parents n'est point davantage pertinent, à raison de la correspondance qui était librement échangée entre elles; que s'ils n'ont point averti la famille Tondeur lorsque la veuve Friand est tombée malade, cette circonstance est sans portée, puisque celle-ci est décédée six mois après avoir testé; qu'enfin, si son caractère était difficile et fantasque, on ne saurait assimiler ces particularités à un état de démence; - Attendu que si, à la vérité, on peut s'étonner que la de cujus ait testé en faveur d'une femme qu'elle connaissait depuis sept mois à peine et regretter qu'elle ait ainsi déshérité sa sœur et ses nièces, le Tribunal ne peut, par ces seules considérations, prononcer la nullité d'un testament qui n'est pas démontré ni susceptible d'être démontré comme émanant d'une personne qui n'était pas saine d'esprit ou libre; qu'il a pour mission d'appliquer les lois, et non de redresser les dispositions seulement contraires aux sentiments ordinaires de famille ;

Par ces motifs, déclare la veuve Lécluse mal fondée dans sa demande principale en nullité dudit testament, non recevable dans son offre subsidiaire de preuve; la déboute de l'une et de l'autre, etc.

Du 28 juillet 1903. Trib. civ. de Valenciennes. Prés., M. Bouillon.

Sur appel de la veuve Lécluse, arrêt confirmatif :

ARRÊT

LA COUR; Adoptant les motifs des premiers juges,

confirme.

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Du 13 janvier 1904. 1re Chamb. civ. Prés., M. VieillardBaron; Minist. publ., M. Bossu, avoc.-gén. (conclusions conformes); Avoc., Mes Degand et Dubron; Avou., Mes Turlotte et Lavoix.

Douai. 2me Chamb. civ., 10 décembre 1903

APPORT. IMMEUBLE HYPOTHÉQUÉ.

OBLI

GATION DE DÉGRÈVEMENT.

RETARD. PREJUDICE.

RADIATIONS A RAPPORTER. DOMMAGES-INTÉRÊTS.

L'associé qui s'est engagé à rapporter dans un délai déterminé la radiation des inscriptions qui grevaient l'immeuble constituant son apport social est passible de dommages-intérêts en cas de retard dans l'exécution de celle obligation, la Société s'étant trouvée dans l'impossibilité de se faire de l'immeuble un instrument de crédit pour se procurer des fonds.

En pareil cas, l'associé tenu de dégrever l'immeuble de toute inscription accomplit suffisamment son obligation s'il ne subsiste plus que des inscriptions d'hypothèques purement éventuelles et qui ne peuvent préjudicier ni à la Société, ni aux créanciers sociaux.

(Veuve Bombart C. Bachelart)

Ainsi jugé sur l'appel d'un jugement du Tribunal civil d'Avesnes, jugeant commercialement, du 11 juin 1903 :

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ARRÊT

LA COUR; Attendu que par jugement du 2 avril 1903, le Tribunal d'Avesnes a donné acte à la dame Bombart de ce qu'elle s'engageait à justifier, dans le délai d'un mois, de la radiation des inscriptions dont était grevé l'immeuble industriel constituant son apport à la Société Bachelart et Cie; que la dame Bombart n'ayant pas rempli son engagement, le Tribunal, par le jugement du 11 juin 1903 dont est appel, lui a accordé un nouveau délai de quinze jours prenant fin le 26 juin; qu'elle produit actuellement

les mains-levées de toutes les inscriptions existant au moment où a été rendu le jugement du 2 avril 1903; que si les dernières radiations n'ont été réalisées que le 10 octobre et le 11 juillet 1903, c'est-à-dire postérieurement au 26 juin, l'immeuble social n'en est pas moins dégrevé, et qu'à cet égard, Bachelart a obtenu la satisfaction à laquelle il avait droit;

Attendu qu'il existe sur cet immeuble deux inscriptions de 75.000 fr. chacune, prises à la date du 18 avril 1903; mais qu'il y est expressément spécifié qu'elles ne pourront préjudicier aux droits de la Société Bachelart et Cie; que ces hypothèques ne sont opposables ni à la Société, ni aux créanciers sociaux, et ont un caractère éventuel, étant prises, conformément à l'article 2125 du Code civil; pour le cas où l'usine ferait retour à la dame Bombart qui l'a apporté; que la Société Bachelart possède sur cet immeuble un droit de priorité qui lui permet de l'hypothéquer et d'en disposer sans que les inscriptions du 18 avril 1903 puissent y faire obstacle ; que Bachelart n'est pas fondé à en demander la radiation; que la dame Bombart ayant rempli son engagement, il n'y a pas lieu de maintenir contre elle la condamnation au paiement d'une somme de 100.000 fr. pour tenir lieu de son apport, et que l'intimé devra donner main-levée de l'hypothèque judiciaire qu'il à prise en vertu du jugement dont est appel;

Attendu que Bachelart est recevable et bien fondé à se plaindre de ce que le retard apporté par la dame Bombart à dégrever l'usine lui a causé préjudice, parce qu'il a été dans l'impossibilité de faire de cet immeuble un instrument de crédit pour se procurer les fonds dont il avait besoin; que les justifications produites à l'appui de sa demande permettent de chiffrer à 2.000 fr. les dommages-intérêts auxquels il a droit ;

Par ces motifs, dit que la dame Bombart a actuellement satisfait au prescrit du jugement dont est appel; dit que la Société Bachelart possède sur l'immeuble social un droit

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