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Sur l'appel contre Gay: -Attenda que l'article 9 de la loi précitée, après avoir précisé, dans ses premier et deuxième paragraphes, quels sont, lors du règlement définitif de la rente viagère après que le délai de révision prévu à l'article 19 est expiré, les droits des victimes. d'accidents, dispose, dans son paragraphe trois : « Le › Tribunal, en Chambre du Conseil, statuera sur ces deman>> des >;-Attendu que si le législateur n'a point indiqué la procédure à suivre pour l'instruction et le jugement de ces affaires, la Commission sénatoriale chargée de l'examen de la loi a très nettement indiqué quel était, dans sa pensée, le mode de procéder; la Chambre du Conseil, dit en effet son rapporteur, sera saisie par une simple requête sur laquelle il peut être statué dans les deux ou trois jours, sans autre contradicteur que le ministère public, qui surveille l'application de la loi; Attendu que si cette phrase ne figure pas dans le texte de la loi, elle indique très clairement, et sans que rien la contredise, que le législateur, poursuivant sa volonté d'assurer à peu de frais une prompte justice, a voulu que les décisions en cette matière fussent des actes de juridiction gracieuse, dans lesquels le ministère public sera seul chargé de veiller à la stricte application de la loi; Attendu, d'ailleurs, que l'on recherche vainement l'intérêt de la présence du patron ou de la Caisse devant payer pour lui, puisque la seule question soumise au juge et qu'il doit examiner, c'est l'intérêt bien entendu de l'ouvrier, de la victime, sans qu'il puisse jamais en résulter aucune augmentation de charges pour le chef de l'entreprise; - Attendu que les deux raisons données par les premiers juges pour justifier la mise en cause et le maintien du patron ou de la Caisse des retraites, ne paraissent pas décisives; Attendu, en effet, que la circonstance que l'affaire est susceptible d'appel n'en modifie pas le caractère, nombre d'affaires soumises à la Chambre du Conseil par voie de requête pouvant être déférées au juge du second degré ; Attendu enfin qu'il est

peut-être téméraire d'affirmer que seul le patron, ou à son défaut la Caisse, pourra vérifier la quotité du chiffre réclamé; qu'en effet, des tarifs et des barêmes généraux ont été publiés, et leur application à chaque espèce ne semble pas demander un effort bien considérable;

Attendu que, les demandes ainsi formulées par les ouvriers victimes d'accidents étant exclusivement introduites dans leur intérêt, ils doivent en supporter les dépens; Attendu enfin que ce capital ainsi mis à leur disposition n'a point le caractère alimentaire de la rente, et ne saurait bénéficier de la disposition du paragraphe C de l'article 3 de la loi du 9 avril 1898; qu'il s'ensuit que les dépens peuvent être prélevés sur ce capital;

Par ces motifs et ceux non contraires des premiers juges; la Cour, déclare non recevable l'appel formé par la Caisse nationale des retraites pour la vieillesse contre Delattre frères, en laisse les dépens à sa charge; statuant sur l'appel formé contre Gay, et qui est déclaré recevable; dit qu'il a été mal jugé bien appelé; réformant pour partie: Dit que la Caisse nationale des retraites pour la vieillesse ne devait pas être appelée et maintenue dans l'instance engagée par l'ouvrier Gay, bénéficiaire de la loi du 9 avril 1898, pour obtenir, conformément à l'article 9 de ladite loi, l'allocation du quart du capital de sa rente; met en conséquence la Caisse nationale des retraites pour la vieillesse hors de cause sans dépens; confirme pour le surplus le jugement entrepris; dit qu'il sortira effet; condamne Gay aux dépens d'appel, sauf ceux relatifs à l'appel interjeté contre Delattre frères; dit que les dépens de la mise en cause de la Caisse nationale des retraites et tous ceux qui en ont été la conséquence, seront prélevés sur le capital dont elle doit faire la délivrance à Gay, etc.

Du 7 décembre 1903. 1re Chamb. civ. Prés., M. Paul, 1er prés.; Minist. publ., M. Bossu, avoc.-gén. ; Avoc., Mes Dubron, Delsaux et de Warenghien; Avou., Mes Fardel, Bar et Fauville.

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Douai. 1 Chamb. civ., 11 novembre 1903

1° JUGEMENT INTERLOCUTOIRE. - ENQUÊTE. PRÉJUGÉ

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20 RESPONSABILITÉ. CHOSES INANIMÉES. BATTEUSE MÉCAVICE DE CONSTRUCTION. DÉFAUT D'ENTRETIEN. ÉTINCELLES. INCENDIE. FAUTE PERSONNELLE. FAUTE DU SINISTRÉ. RESPONSABILITÉ PARTAGÉE.

10 Constitue un interlocutoire, malgré la réserve faite des droits et moyens des parties, le jugement qui ordonne une enquête contrairement aux conclusions du défendeur, et qui, par les faits admis en preuve, lesquels sont de nature à engager la responsabilité de ce défendeur, préjuge le fond à son détriment (1). (Art. 452 Code proc. civ.). 2° Un entrepreneur de battage est responsable de l'incendie déterminé par des flammèches échappées d'une machine à battre lui appartenant, si le sinistre est imputable à un vice de construction ou au défaut d'entretien de la machine, mais surtout à l'imprudence du personnel, qui a placé le foyer de la machine trop près d'un toit en chaume sur lequel un vent violent projetait des étincelles (2). Et l'imprudence du propriétaire sinistré ne peut exonérer de sa responsabilité l'entrepreneur de battage; elle peut seulement être prise en considération pour diminuer l'indemnité à allouer.

(Boitelle et Compagnie le Nord C. Morel frères)

Le 25 février 1903, un incendie consumait un des bâtiments de la ferme occupée par M. Boitelle, cultivateur à Mazinghien. Cette ferme était assurée par la Compagnie le Nord, qui désintéressa M. Boitelle, puis exerça un recours contre MM. Morel frères, entrepreneurs de battage, prétendant que l'incendie avait été allumé par des étincelles échappées de leur machine à battre.

(1) Jurisprudence constante (V. Dalloz, Suppl. au Répert., v Jugement avant-dire-droit, nos 35 et 36, avec les références, (2) Douai, 28 décembre 1896 (Jurispr., t. LIII, p. 214).

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Avant faire droit, le Tribunal civil de Cambrai ordonna une enquête dans les termes suivants :

JUGEMENT

LE TRIBUNAL; - Attendu que les demandeurs concluent subsidiairement à être admis à rapporter la preuve des faits articulés en leurs conclusions; qu'ils sont déniés et que la loi n'en défend pas la preuve ;

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Par ces motifs, avant faire droit, admet les demandeurs à prouver: 1o que l'incendie qui a consumé le bâtiment du sieur Boitelle a été allumé par des étincelles échappées de la locomobile des frères Morel; 2° que le jour de l'incendie, le vent soufflait avec violence; et d'office, le Tribunal (art. 254 Code proc. civ.) dit qu'il y aura lieu de compléter ledit articulat par l'addition suivante : indiquer la direction du vent, dire si cette direction se trouvait modifiée par la disposition des lieux; 3° que le bâtiment du sieur Boitelle était couvert en chaume; 40 que la locomobile avait été placée trop près dudit bâtiment, et que sa cheminée, insuffisamment protégée, laissait échapper les étincelles; 5o que le 23 février 1903, jour de l'incendie, il se trouvait dans la grange incendiée ou aux abords des objets ci-après détaillés, qui ont péri dans l'incendie, etc.

Dit que le présent jugement interlocutoire, sans lier le Tribunal, ne saurait en rien préjudicier aux droits et moyens des parties; réserve la preuve contraire ainsi que les dépens. Du 19 juin 1903. Tribunal civil de Cambrai. Prés., M. Moreau.

Sur appel de Morel frères, arrêt confirmatif:

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ARRÊT

LA COUR;- Attendu que le jugement du 19 juin 1903 dont est appel n'est pas simplement préparatoire, mais constitue une décision interlocutoire; qu'en effet, l'enquête

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ordonnée, prescrite contrairement aux conclusions des défendeurs qui prétendaient que les faits étaient inexacts et dépourvus de toute pertinence, préjuge assurément le fond, puisqu'elle a pour objet de déterminer si l'incendie a été causé par un ensemble de circonstances dont la responsabilité pourrait incomber aux appelants; que l'appel est donc recevable ;

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Au fond Attendu que les faits dont Boitelle-Delporte et la Compagnie d'assurances le Nord demandent à rapporter la preuve tendent, d'une part à préciser le sinistre, et d'autre part à déterminer qu'il est imputable à un vice de construction ou défaut d'entretien de la machine, mais surtout à l'imprudence de ceux qui, sans tenir compte des circonstances dans lesquelles le travail s'effectuait, ont placé le foyer de la machine à une distance trop rapprochée d'un toit en chaume sur lequel un vent violent projetait des étincelles ;

Attendu que vainement les appelants soutiennent que Boitelle aurait dû empêcher le fonctionnement de la batteuse et de la locomobile s'il le considérait comme dangereux; Attendu, en effet, que l'imprudence commise, en tant qu'il en serait établi une à sa charge, ne saurait exonérer les entrepreneurs de toute responsabilité; qu'elle pourra seulement être prise en considération dans la détermination du préjudice et la fixation des dommages-intérêts; que dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont autorisé la preuve des faits articulés, qui sont incontestablement pertinents;

Par ces motifs et ceux non contraires du jugement entrepris, la Cour déclare recevable en la forme l'appel interjeté; au fond, confirme le jugement dont est appel, etc.

Du 11 novembre 1903. 1re Chamb. civ. Prés., M. Paul, 1er prés., Minist. publ., M. Bossu, avoc.-gén.; Avoc., Mes Devimeux et Dubron.;; Avou., Mes Bar et Druelle.

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