Images de page
PDF
ePub
[graphic]

créance peut être diminuée par la

a deduction de malfaçons,

s'il est cependant certain que la ville devra rester debitrice d'une somme supérieure au montant de la lettre de change.

Le porteur d'une lettre de change est, à concurrence de son montant, propriétaire de la provision existant aux mains du tiré (1); au cas de faillite du tireur, il est fondé à prendre des mesures conservatoires, soit par voie de défense de payer faite au tiré, soit même par voie de saisie-arrêt faite aux mains du tiré (2), pour assurer l'exercice de son droit privatif sur la provision.

20 Le dessaisissement de l'article 443 du Code de commerce, avec la suspension des poursuites individuelles qui en résulte, ne s'applique pas à ceux qui agissent en vertu d'un droit de préférence (3), notamment au tiers-porteur d'une traite tirée par le failli, ce tiers-porteur étant investi d'un droit exclusif sur la provision.

Est en conséquence valable la saisie-arrêt faile par le porteur à l'encontre du tiré et du syndic du tireur tombé en faillite, alors même que, dans l'assignation en validité, ce porteur se serait qualifié de créancier du tireur, cette circonstance ne le rendant pas non recevable à faire valoir ses droits sur la provision.

L'endossement translatif de propriété d'un effet de commerce, fait en période suspecte, ne peut constituer un paiement susceptible d'être annulé par application de l'article 447 du Code de commerce (4).

(Société Générale C. syndic Société des Ateliers
de construction de la Madeleine)

LE TRIBUNAL;

JUGEMENT (par extrait)

[ocr errors]

Attendu que la demande de la Société Générale tend à la validation de la saisie-arrêt pratiquée à

(1) Jurisprudence constante. V. Dalloz, loco citato, n° 87, avec les références; Douai, 4 décembre 1897 (Jurispr., t. LV, p. 92); Douai, 5 mars 1903 (supra, p. 24).

(2) Cass., 1er juin 1858 (D., 1858, 1, 387).

(3) Lyon-Caen et Renault, Traité, t. VII, n° 252.

(4) Dalloz, Supplément, vo Faillites, n° 616, et les arrêts cités.

[graphic]

sa requête à la date du 5 mai 1902, ès-mains du maire et du receveur municipal de la ville de Tourcoing, à la charge de la Société de construction de la Madeleine, pour obtenir paiement de la somme de 14.000 fr., montant d'une lettre de change tirée à son profit par cette dernière Société sur ledit Receveur municipal, à la date du 30 juillet 1901, et venant à échéance fin janvier 1902;

[ocr errors]

que

Attendu que Cussac, en sa qualité de syndic de la faillite de la Société de construction de la Madeleine, oppose, d'abord, que les poursuites individuelles étant, aux termes de l'article 443 du Code de commerce, suspendues après la déclaration de faillite, il aurait eu seul qualité pour pratiquer une telle saisie-arrêt, et ce, dans l'intérêt de la masse des créanciers ; Attendu s'il est vrai que la saisie-arrêt dont s'agit a été pratiquée postérieurement å la date de la déclaration de faillite de la Société de la Madeleine, il est à remarquer qu'elle a pour but, non de faire déclarer que la Société Générale était créancière de la faillite, mais de la faire reconnaître, à l'encontre du syndic qui contestait, propriétaire de la provision ès-mains du Receveur municipal de Tourcoing; que si, à la vérité, une simple défense, mesure conservatoire, eût pu suffire, on ne saurait cependant faire grief à la Société demanderesse d'avoir eu recours à la saisie-arrêt, mesure conservatoire à la fois et d'exécution;

Attendu, au surplus, que la question est de savoir, moins si la procédure entamée par ladite Société permet d'induire qu'elle se considérait uniquement comme créancière au regard de la faillite, que si, en raison de sa qualité de tiers-porteur de la lettre de change du 30 juillet 1901, elle était légalement propriétaire de la provision dont s'agit; - Or, attendu qu'il apparaît de l'article 116 du Code de commerce, que le porteur d'une lettre de change est, à concurrence de son montant, propriétaire de la provision existant entre les mains du tiré; que si une restriction est apportée à ce principe au cas de non acceptation de la

lettre de change, elle a pour seul effet de ne pas constituer le tiré débiteur personnel envers le porteur; qu'en effet, dans l'espèce, la non acceptation a été sans portée, aucune lettre de change n'ayant été tirée par la Société de la Madeleine sur le Receveur municipal avant l'échéance de celle dont s'agit;

Attendu que vainement Cussac ès-qualité voudrait se prévaloir de ce que la remise de la lettre de change contentieuse a été faite postérieurement à la date de la cessation des paiements de la Société de la Madeleine, reportée au 28 février 1901; - Attendu que l'article 446 du Code de commerce ne prononce la nullité en de telles circonstances que s'il s'agit de cession de créance ou de paiements autres que ceux résultant de la remise d'effets de commerce; qu'on ne saurait méconnaître que la lettre de change, même tirée sur un non commerçant, constitue un effet de commerce;

[ocr errors]

Attendu que le défendeur n'est pas mieux fondé à soutenir que, lors de la remise de la lettre de change contentieuse, aucune provision n'existait, et qu'en tous cas, lors de son échéance, la provision n'était ni liquide, ni exigible; Attendu qu'il résulte d'une lettre de la Société de la Madeleine en date du 3 août 1901, corroborée par les lettres du maire et de l'architecte de Tourcoing, qu'à ce moment la provision était de 28.000 fr. environ, dus par ladite ville pour fournitures et pour exécution de travaux; qu'en admettant que le paiement n'aurait pas été exigible fin janvier 1902, en raison de la formalité non encore accomplie de la réception des travaux, la provision n'en devait pas moins être considérée comme existante alors au profit du porteur de la lettre de change en question;..... Attendu qu'il suit de ce qui précède que la demande de la Société Générale doit être accueillie;

Par ces motifs,... déclare la Société Générale propriétaire de la provision afférente à la lettre de change tirée à son profit le 30 juillet 1901 par la Société de la Madeleine sur

[graphic]

le Receveur municipal de la ville de Tourcoing, et ce, à concurrence de la somme de 14.000 fr., avec intérêts et frais; valide la saisie-arrêt du 5 mai 1902 à concurrence desdites sommes, avec toutes conséquences de droit ; condamne le défendeur ès-qualité aux dépens.

Du 27 avril 1903. Trib. civ. de Lille. Prés., M. Dassonville.

ARRÊT

LA COUR; Adoptant les motifs des premiers juges, et attendu que l'on ne peut faire grief à la Société Générale de s'être qualifiée de créancière des Ateliers de construction dans son assignation du 12 mai 1902,tendant à faire valider la saisie pratiquée le 5 juin du même mois entre les mains du Receveur municipal de Tourcoing; qu'en effet, elle avait versé aux Ateliers de construction les 14.000 fr. formant le montant de la traite créée à son ordre, et conservait jusqu'au jour du paiement définitif son droit de créance contre les Ateliers de la Madeleine qui l'avaient tirée ; qu'en prenant la qualité de créancière, elle ne se rendait pas pour cela non recevable à faire valoir ses droits à la provision servant de garantie de paiement à la lettre de change; que le jugement du 2 mars 1903, par lequel le Tribunal civil de Lille s'est déclaré compétent, est devenu définitif; que par conséquent, le jugement du 27 avril 1903 dont est appel a valablement statué au fond sur la demande en validité de saisie-arrêt faisant l'objet de l'assignation du 12 mai 1902;

Attendu que la saisie du 5 mai 1902, pratiquée après le jugement déclaratif de faillite des Ateliers de construction, est un acte conservatoire que la Société Générale pouvait faire pour assurer l'exercice du droit privatif qu'elle possédait sur la provision se trouvant aux mains du tiré tierssaisi; que le dessaisissement résultant de l'article 443 du Code de commerce n'est pas applicable à ceux qui agissent en vertu d'un droit de préférence;

Attendu que les sommes dues par la municipalité de Tourcoing aux Ateliers de construction étaient susceptibles de servir de provision à la traite, bien que leur paiement ne dût avoir lieu qu'après l'accomplissement de certaines. formalités administratives et dût se trouver reporté à une date postérieure à celle de l'échéance ; Attendu que l'importance de la créance des Ateliers de construction pouvait être modifiée à raison de malfaçons qui devaient en être déduites, mais qu'il n'en est pas moins certain que la ville de Tourcoing devait rester redevable d'une somme supérieure au montant de la lettre de change;

Attendu que l'effet dont la Société Générale est tiers-porteur constitue une véritable lettre de change, bien qu'elle soit spécifiée non acceptable et porte la mention sans frais; qu'en effet, le Receveur municipal, sur lequel elle était tirée, ne pouvait pas y apposer son acceptation, parce que c'eût été s'engager à payer à date fixe alors que la date du paiement était subordonnée à la réception des travaux, å laquelle il n'avait pas encore été procédé; que le retour sans frais s'explique par la même raison; mais que le droit dont se prévaut la Société Générale ne s'en trouve pas affecté, parce que l'existence de la provision n'est pas subordonnée à l'exigibilité de la dette du tiré ;

Attendu que la lettre de change souscrite par les Ateliers de construction à l'ordre de la Société Générale étant un effet de commerce, sa remise ne peut constituer un paiement susceptible d'être annulé par application de l'article 446 du Code de commerce;

Par ces motifs, confirme.

Du 19 novembre 1903. 2me Chamb.civ. Prés., M.Mauflastre; Minist. publ., M. Combris, avoc.-gén.; Avoc., Mes Paul Allaert et Devimeux; Avou., Mes Druelle et Lavoix.

« PrécédentContinuer »