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Douai. Chamb. corr., 11 novembre 1903

RESPONSABILITÉ.

RESPONSABILITÉ CIVILE DES COMMET

COURTIER.

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La responsabilité civile que les articles 74 du Code pénal et 1384 du Code civil font peser sur les maîtres et commettants, ne s'applique qu'aux actes de leurs préposés, c'est-à-dire des personnes attachées à eux par un lien de dépendance et de subordination; elle ne peut être étendue aux actes d'un simple courtier (1).

(Vandael C. Ministère public)

Le Tribunal correctionnel de Boulogne avait déclaré Vandaël, éditeur d'un annuaire, civilement responsable d'un délit d'escroquerie commis par son courtier Brayelle, chargé par lui de rechercher des annonces à insérer dans cet annuaire, moyennant le paiement d'une somme annuelle. Sur appel de Vandaël, arrêt réformatif :

ARRÊT

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LA COUR; Sur la responsabilité civile de Vandaël : Attendu que la responsabilité du commettant à l'égard des actes de son préposé résulte, non seulement du choix, mais encore de la surveillance et de la conduite du préposé dans l'exercice des fonctions qu'il lui a confiées ; Attendu qu'Odilon Brayelle et François Brayelle étaient des courtiers de publicité travaillant pour leur propre compte

(1) Comp. Paris, 12 juin 1874 (D., 1877, 2, 77); Nancy, 25 février 1890 (D., 1890, 2, 347 et la note); Cour d'appel de Cologne, 26 avril 1892 (D., 1894, 2, 85); Dalloz, Supplément, v Responsabilité, n° 796; Demolombe, Obligations, t. VI, n° 615; Laurent, t. XX, n° 571; Larombière, art. 1384, n° 2; Sourdat, Responsabilité, t. II, no 886.

et chargés par Vandaël de rechercher, pour les lui offrir, des contrats que celui-ci pouvait à son gré accepter ou refuser, et pour lesquels, en cas d'acceptation, il leur payait une remise, une commission proportionnelle à l'importance des contrats; qu'ils échappaient à toute surveillance de sa part, étant même libres de ne pas travailler pour lui; qu'ils n'étaient pas les préposés de Vandaël; que les pouvoirs limités qu'ils avaient reçus de lui ne créaient pas entre eux le lien de dépendance et de subordination nécessaire pour permettre de leur assigner cette qualification; que les articles 74 du Code pénal et 1384 du Code civil ne peuvent donc recevoir d'application en la cause; Attendu qu'à la différence du préposé, qui engage la responsabilité de son commettant par tous actes, même délictueux, accomplis dans l'exercice de la fonction à laquelle il est employé, le mandataire n'engage son mandant que dans la limite des pouvoirs qui lui ont été donnés ;

Attendu, en fait, qu'il n'est nullement établi que Vandaël, qui avait chargé Brayelle de se présenter, en son nom, près des commerçants de la région à l'effet de rechercher des annonces pour son annuaire, lui ait donné pour instructions de se présenter au contraire près du sieur Goëmard comme délégué de la Compagnie du Chemin de fer du Nord; qu'une information ouverte contre Vandaël de ce chef a même abouti à une ordonnance de non-lieu; qu'il n'est donc point responsable de ce que Brayelle a fait en dehors de son mandat, et contrairement même au mandat à lui conféré ;

Par ces motifs, dit n'y avoir lieu à déclarer Vandaël civilement responsable du fait de Brayelle, et, faisant droit à l'appel par lui interjeté, le décharge des condamnations prononcées contre lui en première instance, etc.

Du 11 novembre 1903. Chambre correctionnelle; Prés., M. Bosquet; Minist. publ., M. Combris, avoc.-gén.

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Douai. 2me Chamb. civ., 19 décembre 1903

LICITATION.- USUFRUIT. NUE-PROPRIÉTÉ.

PAS D'INDIVISION. CONJOINT SURVIVANT. IMMEUBLES IMPARTAGEABLES. LICITATION EN NUE-PROPRIÉTÉ SEULEINTENTION DU DÉFUNT.

Il n'y a pas d'indivision entre la nue-propriété et l'usufruit, qui sont deux droits de nature différente; peu importe à cet égard que le droit d'usufruit porte sur l'ensemble ou sur la quote-part d'une hérédité, ou sur un ou plusieurs immeubles déterminés.

Lorsque l'usufruit d'immeubles impartageables dépendant d'une succession a été donné par contrat de mariage au conjoint survivant tandis que la nue-propriété est dévolue aux héritiers du sang, pour apprécier si la licitation doit être ordonnée en pleine propriété ou en nue-propriété seulement, il faut, avant tout, rechercher si la volonté du donateur a été d'assurer à son conjoint survivant la jouissance des immeubles (1).

La licitation, en pareil cas, doit être ordonnée en nuepropriété seulement si, d'après l'ensemble du contrat de mariage, les époux ont voulu que le survivant d'entre eux continuát à vivre, après la dissolution de la communauté, dans les mêmes conditions et avec les mêmes ressources qu'auparavant.

Une telle intention résulle suffisamment, entre autres clauses, de la dispense de caution et d'emploi des capitaux, jointe à une clause permettant au survivant de reprendre le fonds de commerce commun d'après la prisée de l'inventaire, ou de les acquérir à dire d'experts s'ils étaient communs ou propres à l'époux prédécédé.

(1) Voyez, sur ces divers points, les références citées par Dalloz, Supplément, vo Succession, nos 1005 et 1006, surtout Cass., 10 décembre 1889 (D., 1891, 1, 76); Angers, 23 février 1876 (D., 1877, 2, 58) et sur pourvoi, Req. rejet, 9 avril 1877 (D., 1877, 1, 389). Adde Douai, 2 décembre 1881 (Jurispr., t. XL. p. 71); Paris, 13 novembre 1899 (D., 1900, 2, 16).

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(Dame Dedryver-Demol C. héritiers Delepierre)

JUGEMENT

LE TRIBUNAL;- Attendu que Louis Delepierre, en son vivant rentier, est décédé en son domicile à Armentières le 12 avril 1894, laissant Mme Marie Demol, son épouse (devenue par remariage Mme Dedryver-Demol), commune en biens à titre universel, et pour héritiers Mme Descamps pour moitié, les dames Fontaine, Villain, Béhague, et Darras ensemble pour l'autre moitié, ainsi qu'il résulte de l'intitulé d'inventaire dressé le 28 août 1894; - Attendu que suivant exploit du 3 octobre 1902, Desuet, agissant comme créancier de Mme Fontaine, a assigné les autres parties en cause, en compte, liquidation et partage de la communauté ayant existé entre les époux Louis Delepierre-Demol, et de la succession de Louis Delepierre; - Attendu que Desuet, désintéressé par sa débitrice, ne suivant pas sur son assignation et ne s'étant pas désisté par acte régulièrement signifié, la dame Dedryver-Demol a, par acte du Palais du 30 décembre 1902, déclaré adopter et prendre pour son compte les conclusions de l'exploit d'ajournement, tendant au partage desdites communauté et succession; - Attendu qu'il n'a pas encore été procédé aux opérations de compte, liquidation et partage desdites communauté et succession; -Attendu qu'il en dépend des immeubles indivis impartageables en nature, eu égard aux droits des parties; Attendu qu'aux termes de l'article 815 du Code civil, nul n'est tenu de demeurer dans l'indivision; que la demanderesse est dans l'intention d'en sortir; qu'il y a lieu d'ordonner la licitation desdits immeubles; Attendu que la demanderesse sollicite toutefois du Tribunal la vente de la nue-propriété seulement des immeubles dépendant de la communauté, en se fondant sur ce qu'ayant droit, aux termes de son contrat de mariage du 24 juin 1882, à la moitié des immeubles dépendant de la communauté, en

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pleine propriété, et à l'autre moitié en usufruit, la nuepropriété seulement est indivise entre les parties et doit être licitée; Attendu que les héritiers Delepierre soutiennent que, la dame Dedryver-Demol étant à la fois usufruitière et copropriétaire, et son usufruit portant sur une universalité, la licitation de la pleine propriété doit être ordonnée;

Attendu qu'il n'y a pas indivision entre la nue-propriété et l'usufruit, qui sont deux droits de nature différente; qu'il importe peu que le droit d'usufruit porte sur l'ensemble ou sur la quote-part d'une hérédité, ou sur un ou plusieurs immeubles déterminés; qu'il faut, avant tout, rechercher si la volonté du donateur a été d'assurer à son conjoint survivant la jouissance de l'immeuble; qu'en l'espèce, il ressort à l'évidence des diverses clauses du contrat de mariage que les époux ont voulu que le survivant d'entre eux, même au cas de remariage, s'il n'y avait pas d'enfant, continuât à vivre, après la dissolution de la communauté, dans les mêmes conditions et avec les mêmes ressources qu'auparavant; qu'ils l'ont dispensé de fournir caution et de faire état des immeubles ou emploi des capitaux; qu'ils lui ont accordé la faculté, en cas d'exploitation d'un commerce: 10 de reprendre pour son compte personnel le commerce, ensemble l'achalandage, les marchandises, objets mobiliers, ustensiles et autres accessoires en dépendant, d'après la prisée de l'inventaire, sauf en ce qui concerne l'achalandage, qui appartiendra au survivant, à titre de convention de mariage; 2o d'avoir seul droit au bail des lieux où s'exploitera le fonds de commerce, et, dans le cas où le commerce s'exercerait dans un immeuble commun ou propre à l'époux prédécédé, d'acquérir cet immeuble pour un prix fixé contradictoirement par expert; qu'enfin ils ont mis à la charge du survivant, ce qui montre bien l'intention des époux, l'obligation d'avancer dans la proportion de l'usufruit qu'il aura, suivant l'existence ou la non existence d'enfant, les dettes passives du prédécédé,

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