DU DROIT CRIMINEL, OU JURISPRUDENCE CRIMINELLE DU ROYAUME. RECUEIL PÉRIODIQUE DES DÉCISIONS JUDICIAIRES ET ADMINISTRATIVES Les Matières criminelles, correctionnelles et de police, les Douanes, les La théorie de cette matière se compose de quelques principes dont l'application est fréquente et n'est pas toujours facile. La plupart de ces règles ne sont point explicitement écrites dans la loi: mais la jurisprudence les en à déduites, et en les appliquant constamment, les a érigées en lois.、 Le code pénal proclame que l'amende est une peine commune aux matières criminelle, correctionnelle et de police (art. 9, 11 et 464). Toutefois les amendes, à quelques sommés qu'elles puissent monter, ne sont pas infamantes elles ne prennent ce caractère qu'autant qu'elles se rattachent accessoirement à d'autres peines afflictives ou infamantes. : Autrefois les amendes n'entraient dans les caisses publiques que lorsqu'elles étaient prononcées envers le roi: les autres étaient dévolues aux seigneurs, aux justiciers, chacun dans son ressort. Le taux des amendes était arbitraire: il y avait même des délits qui étaient amendables à volonté. Ces abus ont été proscrits par la législation. Des limites précises, quoique trop étendues encore, ont été fixées à ces peines qui ne doivent être prononcées qu'au profit de l'état, lorsqu'il n'en a pas été autrement disposé par une loi spéciale. (1) L'amende étant une peine, et toute peine étant essentiellement personnelle, il s'en suit qu'en thèse générale, elles ne peuvent être infligées qu'aux individus qui sont déclarés coupables des délits. Cependant plusieurs lois spéciales ont déclaré que la responsabilité civile des pères et mères, maîtres et commettants, devait s'étendre aux amendes encourues par les enfants, domestiques et préposés. De là la jurisprudence a induit que législations particulières, l'amende cessait d'avoir un caractère dans ces (1) Voy. sur l'emploi des amendes les art. 53 et 466, C. P., et l'art. 6 de 1rdonn. du 30 décembre 1823. pénal, et qu'elle ne devait plus être considérée que comme la réparation civile d'un dommage causé. Mais comme cette dernière règle est évidemment dérogatoire aux principes du droit commun, il a été en même temps reconnu qu'elle devait avoir les effets d'une exception, et par conséquent se restreindre, dans son application, aux matiéres dans lesquelles les amendes tombent à la charge des personnes civilement responsables. Nous allons suivre cette règle dans l'application que la jurisprudence en a faite, et nous ferons remarquer dès à présent que cette application dépendant d'une disposition exceptionnelle, qui n'a pas même été inserée dans toutes les législations spéciales, il en est résulté des solutions irrégulières et différentes dans des matières identiques. C'est ainsi que la cour de cassation a décidé qu'en matière de douanes, l'amende encourue par les contrevenants n'est point une peine proprement dite, et qu'elle doit être considérée comme une réparation du préjudice causé à l'état par la fraude (1). Mais, dans une matière parfaitement analogue, celle des contributions indirectes, une solution contraire a été adoptée parce qu'aucune disposition des lois qui régissent cette matière spéciale n'ayant étendu la responsabilité des amendes aux garants, la règle du droit commun doit lui être appliquée. C'est ce qui résulte des motifs d'un arrêt de la Cour de cassation du 9 décembre 1813, ainsi conçu : » Attendu qu'en matière de contravention aux lois fiscales, comme dans toutes les autres matières, les amendes ont un caractère pénal: qu'elles sont personnelles ; que l'action s'en éteint donc par le décès du contrevenant, lorsqu'il a lieu avant que la condamnation ait été prononcée; que si l'administration a le droit de poursuivre cette peine, c'est qu'elle en a reçu l'attribution de la loi; que cette attribution est fondée sur ce que les amendes font partie des intêrêts fiscaux qui sont confiés à sa surveillance; mais que son action, en cette partie, n'en est pas moins soumise aux régles qui concernent les actions publiques. » En matière forestière, une distinction doit être posée. L'amende n'a point le caractère d'une peine, mais d'une simple réparation civile à l'égard des adjudicataires qui supportent les amendes encourues par leurs préposés (art., 46, C. F.), à l'égard des propriétaires d'animaux trouvés en délit, (1) Lois: 10 brumaire an 5, art. 6; 25 ventose an 3, art. 26; 22 ventose an 12. —Arrêts cass. 6 juin 1811; 17 décembre 1831; etc. Voici le texte de l'arrêt du 17 décembre 1831: « La Cour... ; attenda que relativement à ces voies de fait (contre un préposé), accompagnées de circonstances graves, l'exercice de l'action du ministère public, pour la vindicte publique, ne forme point obstacle à celui de l'action civile qui appartient à l'administration des douanes; que l'amende prononcée par les lois des 22 août 1791 et 4 germinal an II, n'a point le caractère d'une peine proprement dite, et doit être considérée comme réparation civile dont l'accumulation avec la peine portée par l'art. 321, C. P. rentrant dans les dispositions générales de ce Code, est même formellement autorisée par l'art. 56 de la loi du 28 avril 1816; qu'ainsi, et sous ce rapport, l'arrêt attaqué ne présente non plus rien que de conforme à la loi rejette. » qui sont également responsables des amendes encourues par le fait de leurs domestiques (art. 199, C. F.) (1). Mais ces exceptions sont les seules de cette matière. La responsabilité civile des délits forestiers est restreinte, en général, aux restitutions, dommages-intérêts et frais, conformément aux termes de l'art. 1384, C. C. (art. 206, C. F.). Le Code de la pêche fluviale du 15 avril 1829 ne renferme aucune exception, et son art. 74 porte que la responsabilité civile sera réglée conformément à l'art. 1834, C. C. Dans cette matière l'amende est donc toujours une peine, et les fermiers de la pêche ne peuvent être responsables de cette condamnation pécuniaire, lorsqu'elle est prononcée contre des porteurs de licences délivrées par eux (2). Au surplus, et à l'exception des cas que nous avons mentionnés, la jurisprudence n'a cessé de reconnaître à l'amende un caractère pénal, et de limiter son application aux seuls délinquants. Cette règle a été invoquée dans les espèces les plus diverses. C'est ainsi qu'il a été successivement jugé, 1o que les délits ruraux prévus par le Gode de 1791, n'entraînent qu'une responsabilité civile qui doit être restreinte aux dommages causés par le délit, et ne peut être étendue à l'amende (3); 20 que la responsabilité civile du père ne s'étend pas à l'amende encourue par son enfant mineur, pour injures verbales (4); 3o que l'amende prononcée contre le délit de loterie clandestine, n'est point une indemnité au profit de l'administration lésée par ce délit, mais une peine (5); 4o que la responsabilité du maître à l'égard des délits commis par son berger ne s'étend pas à l'amende (6); 50 qu'un maître n'est pas responsable de l'amende encourue par son domestique pour contravention à un réglement sur la direction des voitures (7); 6。 qu'il en est de même des entrepreneurs de messageries à l'égard des amendes encourues par leurs préposés (8). Il reste donc bien établi que la responsabilité à laquelle sont soumis des tiers étrangers aux délits qui donnent lieu à des condamnations, est essentiellement civile ; qu'elle est restreinte aux dommages causés par les délits, et qu'elle ne peut être étendue aux amendes prononcées contre les délinquants, qu'autant que ces amendes auraient été, par une loi spéciale et positive, considérées comme des réparations civiles. Ici se présente une question délicate et qui n'a été examinée par aucun auteur; c'est de savoir si la condamnation à l'amende, est éteinte par le décès du condamné, sans que ses héritiers puissent être poursuivis en paie (3) Arr. cass. 25 février 1820, 8 août et 4 septembre 1823, 15 décembre 1827. (4) Arr. cass. 12 pluviose au 10; 14 janvier 1819. (5) Arr. cass. 30 novembre 1821. (6) Arr. cass. 21 avril 1827. (7) Arr. cass. 18 octobre 1827. (8) Arr. cass. 18 novembre 1825. |