Images de page
PDF
ePub

Que ce billet, à échéance du 13 juin 1870, était endossé par P. Pidoux, à Gressy, et qu'il ne fût pas payé à son échéance;

Qu'après notification d'un exploit de saisie au préjudice du débiteur, il fut, le 15 septembre 1870, procédé, par l'huissierexploitant du cercle de Romanel, à la saisie d'un certain nombre d'objets qui furent taxés 1,537 francs, selon procès-verbal de l'huissier:

Que l'huissier-exploitant constata dans son procès-verbal que la saisie réelle de M. Miauton, du 15 septembre, était primée par deux saisies antérieures: l'une du 23 juin 1870, à l'instance du Procureur Mottaz, pour M. Paquier, faite pour la somme de 1,400 fr.; l'autre du 28 même mois, opérée par le Procureur Freymond, au nom de la Banque cantonale, pour une somme de 875 fr. avec accessoires de droit;

Que le billet de 875 fr., fondant la saisie du 28 juin 1870, a été soldé le 11 juillet suivant, et que la poursuite contre Bussy a ainsi été terminée;

Que celui de M. Paquier, 1,400 fr., a aussi été payé et la poursuite terminée;

Qu'il n'est pas certain que M. Miauton ait été informé de la fin de ces poursuites;

Que, le 26 septembre 1870, Miauton a fait un avis de vente. des meubles saisis à Bussy, mais qu'il fut sursis à cette vente à plusieurs reprises, et que, durant ces sursis, un à-compte de 100 fr. fut livré le 30 novembre 1870;

Que cet à compte, consistant en un engagement pris par le frère de Bussy de payer une pareille somme en mains de l'office de paix de Romanel, a été inscrit par l'huissier-exploitant sur l'avis de vente et accepté par Miauton, mais que celui-ci a négligé de faire rentrer cette valeur, qu'il n'en a pas offert déduction à la caution Pidoux, et que ce n'est qu'à l'audience de ce Tribunal, du 6 décembre 1872, qu'il a reconnu que sa réclamation devait être réduite de la dite somme de cent francs;

Que, le 29 décembre 1870, la vente a été de nouveau sursise, du consentement des parties, jusqu'à nouvel ordre ;

Que, le 13 juillet 1871, cette vente a été reprise et appointée au 28 dit;

Que la vente qui eut lieu ce jour, 28 juillet, des objets restant sous le poids de la saisie, n'a produit que 195 fr. 90 c., et que tous les autres objets, tels que porcs, cheval, chars, etc., d'une valeur plus que suffisante pour payer le billet dû à l'Union vaudoise, ont disparu;

Que, le 13 mars 1871, le Procureur-juré Miauton a fait, au nom de l'Union vaudoise et d'autres créanciers, une saisie de récoltes qui n'a rien produit;

Que, le 20 novembre même année, il a subhasté divers immeubles appartenant à Bussy, au nom de l'Union vaudoise, mais qu'il n'y a pas été suivi;

Qu'une partie des objets saisis réellement le 15 septembre 1870 ont, depuis le paiement des saisies Freymond et Mottaz, été vendus amiablement, et la valeur remise partiellement au Procureur Mottaz, sur la saisie Carrard (postérieure à celle de l'Union vaudoise); qu'une autre partie a été distraite ou vendue par le débiteur, qui en a gardé le prix; enfin, que le solde a fait l'objet de la vente du 28 juillet 1871;

Que la vente de ces objets a été annoncée pour avoir lieu publiquement, et qu'elle devait être faite par le frère du débiteur, qui y a renoncé ;

Que le débiteur y a procédé lui-même, assisté d'un commis de M. Mottaz, qui a touché 38 fr. 90 c. en provenant;

Que M. Miauton a connu cette vente et y a donné son consentement, après en avoir référé au directeur de l'Union vaudoise, mais qu'on ignore s'il ne l'a pas fait connaître à Pidoux;

Que, par mandat notifié le 1er août 1870, le Procureur Miauton a avisé le demandeur des poursuites qu'il dirigeait contre César Bussy-Petit, en vertu du billet de 450 fr. cautionné par Pidoux ;

Que, par exploit du 3 janvier 1872, M. Miauton a saisi mobilièrement Ph. Pidoux, pour parvenir au paiement du billet de 450 fr., ainsi que de 100 fr. 20 c., pour frais de poursuite règlés, en offrant déduction du produit de la vente seulement;

Que Pidoux a, par exploit du 24 janvier 1872, opposé à cette saisie, et que, le 1er février suivant, il a obtenu acte de non-conciliation;

Que le débiteur César Bussy-Petit est dans un état complet de déconfiture, et qu'il ne peut aujourd'hui absolument rien payer;

Qu'on ignore si Ph. Pidoux a été induit en erreur par M. Miauton sur la position de Bussy, ainsi que sur l'état de la poursuite;

Attendu que, de l'ensemble de ces faits, il résulte que le mandataire de l'Union vaudoise a mis de la négligence dans sa poursuite contre Bussy-Petit, puisque non seulement une bonne partie des objets saisis réellement ont disparu, mais encore que, de son consentement, il a été fait une vente dont le produit a servi à payer d'autres dettes, entre autres une saisie postérieure, instée par Mottaz, au nom de Carrard, sans que le défendeur ait surveillé ni contrôlé cette vente;

Que cette négligence est évidente, en présence du billet de 100 fr. souscrit par le frère du débiteur, en faveur de l'office de paix de Romanel, pour être imputé sur la dette de BussyPetit, et duquel on n'a offert la déduction que longtemps après l'ouverture du procès actuel ;

Que la qualité de caution solidaire, revêtue par Pidoux, donnait à son créancier le droit d'exiger de lui, Pidoux, le paiement du billet de 450 fr., aussi bien que du débiteur principal, et que, par le fait de l'extrême longueur de la poursuite contre Bussy-Petit, Pidoux était induit à croire que la dette était éteinte;

Qu'ensuite du choix fait par le créancier d'attaquer le débiteur principal, plutôt que la caution, il lui incombait le devoir de diriger sa poursuite d'une manière conforme aux usages et à la pratique ;

Que les négligences plus haut constatées ont eu pour conséquence de priver Pidoux de tout recours efficace contre le débiteur du billet cautionné par lui, ce débiteur étant devenu entièrement insolvable, tandis que le billet eût été amplement couvert par les valeurs qui sont parvenues au saisissant de sécutive date;

Qu'ainsi la caution a été privée des droits et priviléges résultant de la saisie réelle du 15 septembre 1870, et qu'elle est, en conséquence, déchargée (Cc., art. 1517.);

Qu'en outre, chacun est responsable du dommage qu'il cause, non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence (Cc., art. 1038), et que la disparition des objets saisis ferait subir un dommage à la caution, si elle était tenue de payer,

Par ces motifs, le Tribunal accorde à P. Pidoux les conclusions de sa demande, et prononce que la saisie mobilière que M. Miauton, au nom de l'Union vaudoise du crédit, lui a fait notifier, par exploit du 3 janvier 1872, est nulle et de nul effet. Les dépens sont mis à la charge de la partie défenderesse. Il n'y a pas de recours.

Chronique judiciaire.

Réclamation en iudemnité d'une veuve contre les personnes qu'elle accuse d'être la cause de la mort de son mari.

En octobre 1870, un soldat prussien fut tué par un corps de francs-tireurs aux environs du village de Vaux-Villaine-Lépron, situé dans les Ardennes.

Le lendemain, un corps de landwehr prussienne occupa ce village, s'empara des hommes qui y étaient encore, puis les enferma dans l'église, en les prévenant qu'ils seraient décimés et qu'ils eussent à choisir trois d'entre eux pour être fusillés.

Ces malheureux restèrent emprisonnés pendant environ trois fois vingt-quatre heures. Lorsqu'on leur ouvrit la porte, on leur présenta un casque dans lequel se trouvaient 28 numéros pour le tirage au sort des trois victimes qui devaient être fusillées.

Le tirage au sort n'eut pas lieu; il y eut un vote en vertu duquel trois hommes furent sacrifiés. Ils sortirent de l'église et furent fusillés à côté du cimetière.

Marie-Catherine Renaux, veuve de Louis Georges, en son vivant berger à Vaux, l'une des victimes, a formé une demande en pension annuelle et viagère de 700 francs pour réparation du préjudice qui lui a été causé par la mort de son mari, contre les sieurs 1 Henri Malherbe-Génin, tisseur; 2o Célestin Lairet, propriétaire; 3o Olivier Morant, propriétaire; 4o Nicolas-Augustin Doguy-Dupeire, propriétaire; 5o Dougny-Tauton, aubergiste;

6o Eugène Petit, manœuvre, tous habitants de Vaux-VillaineLépron.

Elle articule les faits suivants :

1o En octobre 1870, alors que la plupart des hommes de Vaux étaient dans l'église où les Allemands les avaient enfermés, les défendeurs ont choisi et désigné trois hommes, au nombre desquels Louis Georges, mari de la demanderesse, pour être livrés aux ennemis et fusillés ;

2° A ce moment, les défendeurs ont fait cette promesse : « Nous aurons soin des femmes,» parlant ainsi des femmes des trois malheureux sacrifiés;

3o Un instant avant de désigner les trois victimes, un assistant proposa au sieur Malherbe, l'un des défendeurs, d'offrir 1,000 francs ou plus aux Allemands pour sauver la vie de tous: Malherbe a refusé;

4o Lorsque, délivrés par l'exécution de Louis Georges et des deux autres victimes, les survivants sortirent de l'église de Vaux, le sieur Dogny-Dupeire dit en s'adressant à un autre: Nous avons trois hommes de moins! » Et comme son interlocuteur lui faisait observer: Vous ne les avez pas nommés vous-mêmes, bien sûr? il répondit : « Il a bien fallu ; >>

D

5o Le 2 avril 1871, le sieur Célestin Lairet a dit en s'adressant à la demanderesse: « Si j'avais eu un fusil, je les aurais tués moimême, puisqu'il en fallait trois; »

Go Quelque temps après l'exécution, le sieur Eugène Petit dit à la veuve d'une des deux autres victimes: « Nous vous avons bien dé. barrassée, n'est-ce pas ; >>

7° Un peu plus tard, revenant du bois, le même Eugène Petit dit à une autre personne; « Pour me garantir, je les aurais fait tuer

tous: D

8° Alors que l'on vint chercher, pour les fusiller, les trois victimes désignées, le sieur Olivier Morant, qui était près de l'autel, dit à Georges : « Marchez donc!» Un sieur Jean-Baptiste Bacuvier qui se trouvait là a demandé : « Est-ce moi?» Non, c'est Georges!» a répondu Morant;

9 Eugène Petit a spontanément, dans la sacristie de Vaux, désigné à ses compatriotes les trois hommes à envoyer à la mort ;

10o Dans l'église, au retour de la sacristie, il a livré ces trois hommes au chef allemand, en les montrant du doigt et en leur di zant: Sortez! »

11° Il était possible et facile de tirer au sort les noms des victi

« PrécédentContinuer »