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PROGRESSION DE LA DETTE HYPOTHÉCAIRE.

Quelle que soit l'habileté déployée par l'administration pour atténuer la gravité de l'augmentation continuelle de la dette hypothécaire, elle est obligée, par l'évidence des faits, de convenir de cet incontestable résultat. Sans discuter les erreurs de calculs que l'inexpérience des formes de la comptabilité de l'enregistrement a pu faire commettre à quelques-uns de ceux qui ont commenté les tableaux publiés par le Ministère des finances, nous ne sommes pas assez optimiste pour nous féliciter de la mobilité croissante des fortunes territoriales.

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C'est presque toujours l'impérieuse pénurie du propriétaire de biens-fonds qui le dépossède des habitations et des champs sur lesquels reposaient ses affections, ses espérances, ses souvenirs, les plus douces joies de sa famille, et l'honneur de son existence civile et politique. Il ne se détache ordinairement qu'à regret, et par la contrainte d'un épuisement successif, des immeubles obérés qui pourraient devenir les instruments de sa ruine.

On se tromperait encore si l'on cherchait exclusivement la cause de l'accroissement de valeur du capital de la propriété foncière, dans l'amélioration de cette nature de biens. Le nouvel essor de toutes les industries, la renaissance du crédit de l'État et des particuliers, le développement du commerce intérieur et extérieur, ont créé, depuis la paix, de nouvelles richesses mobilières et des valeurs représentatives si considérables, qu'elles ont élevé, par le nivellement

forcé des échanges, les biens immobiliers et leurs produits trop stationnaires, dans une proportion correspondante. Cette élévation n'est donc pas un résultat qui soit seulement propre aux biens-fonds, et ce n'est qué par une conséquence indirecte du progrès général, auquel elle n'a pas assez participé, que la propriété foncière a vu grandir son capital.

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On ne peut s'empêcher également de considérer comme une cause de détérioration de l'agriculture et d'affaiblissement de la société, le fractionnement continuel du sol, le rétrécissement des moyens de cette grande industrie, et la dispersion rapide des capitaux qu'elle paraissait avoir immobilisés. On sait que la moitié des coles foncières est déjà descendue au-dessous de 5 francs, et qu'il en existe un grand nombre, qui n'atteignent pas le taux de 5 centimes, auquel s'élève le prix de l'avertissement. On sait en outre que chaque article du rôle exige une dépense de frais de confection et de perception que l'on peut évaluer à 30 centimes: on doit s'étonner, dès-lors, que l'administration ne s'empresse pas de répartir toutes les cotes inférieures à ces frais, sur les contribuables les plus imposés qui ne s'apercevraient pas de cette surcharge, tandis que ce dégrèvement serait très-sensible aux pauvres propriétaires.

Reconnaissons enfin sans détour que notre droit civil, nos officiers publics, notre législation financière, et notre régime administratif, font souffrir de trop dures vicissitudes à la propriété foncière, et que la gêne qu'elle en éprouve se manifeste évidemment par la fréquence des ventes d'immeubles, et par la progression croissante du fardeau des hypothèques. Cette vérité de

viendra tout à fait incontestable, si l'on veut bien se rappeler que cette propriété supporte aujourd'hui plus de la moitié des charges publiques par le paiement des impôts directs, en même temps qu'elle prend une part très-large dans toutes les autres contributions, et que, par l'effet des partages héréditaires, de la fréquence des échanges et des droits de toute espèce qui grèvent le patrimoine immobilier des familles, son capital fait tout entier retour à la caisse commune du Trésor public, dans une période de moins de soixante-quinze années, représentant la durée moyenne de trois générations.

TAUX DE L'INTÉRÊT DE LA DETTE HYPOTHÉCAIRE.

L'intérêt de la dette hypothécaire, que l'on indique seulement au taux de 5 p. 100, est inséparable des frais, des droits, des honoraires d'officiers publics, enfin des charges diverses qui accompagnent le contrat passé avec chaque prêteur par le propriétaire embarrassé. On peut donc affirmer, sans aucune exagération, que la moyenne du loyer de ces capitaux, empruntés sur des gages trop souvent incertains et difficiles à réaliser, varie, suivant l'importance des emprunts, de 8 à 10 p. 100.

MONTANT DE L'IMPÔT FONCIER.

L'administration ne porte l'impôt foncier dans son mémoire de 1843 qu'à 271 millions; il est en 1850 de 289 millions, auxquels on doit ajouter, comme une véritable charge de la propriété immobilière, la contribution des portes et fenêtres, montant à 37 millions, ce qui élève effectivement ce tribut de la propriété à

326 millions. Si, pour se rapprocher encore plus de la vérité, on réunissait à cette première exigence 165 millions d'impôts directs perçus à titre de droits d'enregistrement, de greffe, de timbre et d'hypothèques, 500 millions d'intérêts de la dette, et plus de 100 millions d'honoraires payés aux gens de loi, on trouverait une charge annuelle excédant 1 milliard, sur un revenu estimé naguères à la somme de 1 milliard 600 millions; mais qui s'élève effectivement aujourd'hui à près de 3 milliards..

DISCUSSION DES PRINCIPES ET DES MOYENS

D'EXÉCUTION DE LA RÉFORME PROPOSÉE.

EXPOSÉ SOMMAIRE.

La direction générale de l'enregistrement, en se confinant de la manière la plus absolue dans sa situation pour ainsi dire individuelle, et dans son point de vue spécial, se récuse dès l'abord pour examiner un projet de fusion de la double administration des impôts directs en une seule branche de service, où viendraient se réunir les attributions analogues qui composent aujourd'hui deux grandes divisions du ministère des finances, chargées d'appliquer, séparément et concurremment, plusieurs tarifs distincts sur le capital et sur le revenu de la propriété mobilière et immobilière. Ce refus d'examen de l'ensemble d'un plan de réforme, dont toutes les parties sont coordonnées entre elles et étroitement liées les unes aux autres pour concourir au succès

du système proposé, change le terrain de la discussion, élude les questions à résoudre, et méconnaît les conséquences de la pensée principale. Il nous est donc impossible d'accepter cette première fin de non-recevoir dans l'appréciation d'une œuvre aussi considérable, et de renoncer à rassembler tous les éléments de ce débat public dans un seul résumé, pour éclairer le gouvernement et la société sur toute la portée d'une semblable amélioration.

Le simple exposé du régime hypothécaire en vigueur, qui n'inscrit que les hypothèques conventionnelles et judiciaires sur la seule réquisition des parties, et qui exclut de ses écritures les inscriptions que l'on désigne sous le titre de légales, ainsi que toutes celles que néglige l'imprévoyance ou que rejette la parcimonie, démontre l'insuffisance et l'irrégularité du mode en usage; tandis que la simple énonciation d'un projet, qui rendrait identiques et simultanés pour tous les actes de mutations, la formalité de l'enregistrement et la garantie de l'hypothèque, atteindrait le but vers lequel tendent aujourd'hui les voeux de la propriété, les efforts d'un grand nombre de jurisconsultes, et les travaux de quelques administrateurs.

Nous nous bornerons à réfuter l'apologie des procédés actuels, dont l'administration a voulu se faire un rempart contre toute réforme, par les souffrances et par les plaintes des propriétaires, par la protestation des praticiens sans préventions et par la réprobation des magistrats éclairés; la clameur publique n'a déjà que trop condamné l'obscurité, les lenteurs, les incertitudes, les frais exorbitants et les graves dangers de nos formes hypothécaires et fiscales.

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