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L'ADMINISTRATION FINANCIÈRE

DES HYPOTHÈQUES.

Les charges qui accablent la propriété foncière, et qui épuisent l'agriculture, semblaient enfin devoir être allégées par la réforme proposée en 1850 sur le régime hypothécaire. Les réticences, les incertitudes et les complications de cette partie du Code civil devaient disparaître, nous l'espérions, en vertu des dispositions nouvelles d'un projet de loi qui prescrit l'inscription, la spécialité et la publicité de toutes les hypothèques. On paraissait vouloir renoncer définitivement au ruineux système qui prétendait arrêter la mobilité des biens-fonds, en les rendant inaccessibles au crédit, et qui les livrait à la dépossession la plus rapide par les mains des officiers publics, des percepteurs de l'impôt et des prêteurs sans sécurité. L'ordre et la lumière allaient bientôt dissiper la confusion et l'obscurité répandues par la législation précédente sur la portion la plus importante de la richesse publique.

Cependant un seul obstacle, une seule résistance s'opposaient encore à l'accomplissement de cette grande amélioration, et auraient fait échouer tous les efforts, avorter toutes les mesures prescrites par le législateur, pour briser les liens qui enchaînent les propriétaires et les

cultivateurs à la situation la plus intolérable. Le maintien des conservations hypothécaires par arrondissement, et la persévérance de l'administration de l'enregistrement dans ses habitudes trop inflexibles, devaient annuler tous les bienfaits de la réforme si laborieusement préparée et si impatiemment réclamée par les vœux des populations.

On doit évidemment attribuer, à la vicieuse organisation de cette branche du mécanisme administratif, le défaut, si regrettable, de l'inscription et de la transcription de la plupart des actes qui affectent la propriété. En effet, en considérant que, tandis que l'enregistrement s'exécute dans le centre même du canton, et que les formalités hypothécaires s'accomplissent sur d'autres registres tenus dans un chef-lieu d'arrondissement, plus ou moins éloigné du premier bureau de pèrception, on s'explique très-facilement pourquoi les parties dont les contrats ne s'élèvent en général qu'à des sommes peu considérables échappent, pour les trois quarts de leurs transactions, aux lenteurs de plusieurs déplacements dispendieux, et aux doubles frais de ces copies multiples qui leur paraissent avec raison de trop onéreuses garanties.

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Enregistrer sommairement, inscrire et transcrire littéralement un acte civil, ne constituent réellement qu'une même opération descriptive, plus ou moins détaillée, d'un fait exprimé avec ou sans développement. Quel est dès lors l'impérieux motif qui a fait séparer trois formalités, concurremment applicables à une seule pièce, à un seul titre, entre des fonctionnaires de localités et d'établissements administratifs différents? Quelle est donc la puissante considération qui oblige à doubler ainsi le personnel des finances, et à multiplier les dé

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marches, les tributs et les embarras du public, pour l'exécution d'un service tutélaire des droits de la propriété, mais qui manque son but par la division maladroite de ses efforts?

Comment n'a-t-on pas su, depuis tant d'années, i se dégager de ces pénibles entraves et aplanir des difficultés matérielles, créées par l'imprévoyance, en introduisant une. simplification si vivement désirée dans les procédés mécaniques de la constatation et de la justification des faits? Comment n'a-t-on pas déjà prescrit le modèle d'un registre qui ferait foi, simultanément, de la formalité de l'enregistrement et de celle de l'hypothèque, qui en fixerait la date et le rang, après avoir été coté et paraphé par le juge, et arrêté chaque jour par le receveurconservateur; les inscriptions s'y placeraient chronologiquement les unes après les autres, sans blanc ni interligne; des copies ou extraits d'actes seraient remis par les notaires, dans une forme déterminée, à l'appui de ces écritures méthodiques? Ces titres justificatifs, rédigés et collationnés avec soin, classés avec ordre et maintenus par une reliure mobile, serviraient ensuite, pour les parties intéressées, de développement et de preuves authentiques aux mentions sommaires et corrélatives du registre officiel.

Des formes aussi simples et aussi rapides de comptabilité remplaceraient, avec un incalculable avantage, la copie successive et textuelle sur les livres des pièces actuellement produites, exigeraient beaucoup moins de temps et de travail, et offriraient bien plus de clarté, de sécurité, de facilité de contrôle et de recherches, que la concentration confuse de dispositions diverses, consignées dans un grand nombre de volumes, sans autre

distinction que leurs dates, sans autre point de repère que la mémoire, et sans autre fil conducteur qu'un répertoire alphabétique.

On ne concevrait pas qu'une modification aussi utile et aussi facile à introduire dans les procédés descriptifs du service ait été si longtemps refusée aux réclamations pressantes du public, et même aux instances de plusieurs administrateurs qui l'ont proposée et formulée dans toutes ses applications (1), si l'on ne connaissait pas la puissance opiniâtre des habitudes, des amourspropres et des intérêts froissés. Cependant, il est impossible de ne pas accorder cette rectification des formes antérieures aux exigences d'un nouveau régime hypothécaire qui doublerait les obligations des parties et les écritures de l'administration, et qui rendrait le mode actuel tout à fait impraticable pour les tiers et pour les préposés des finances.

Afin de mieux démontrer l'impuissance absolue de cet ancien mécanisme, à réaliser les heureuses conséquences de la nouvelle législation proposée en 1850, nous nous bornerons à citer quelques-uns des faits auxquels il opposerait des difficultés insurmontables.

Ce projet de loi renferme sur la transcription trois modifications considérables.

Nécessité de la transcription pour constituer la propriété à l'égard des tiers (art. 2092);

(1) Voir les ouvrages suivants :

Du crédit foncier, par M. Loreau, ancien directeur de l'enregistrement à Poitiers.

La Libération de la Propriété, par M. d'Audiffret.

Considérations sur les Réformes hypothécaires, par un employé de l'enregistrement, etc.

Application de cette formalité à un grand nombre de mutations et d'actes qui en étaient exempts, notamment aux actes simplement déclaratifs de droits immobiliers, aux baux excédant dix-huit ans et à ceux de moindre durée, contenant quittance de trois années de loyer (art. 2092), aux déclarations de droits successifs faites dans les bureaux de l'enregistrement (art. 2095);

Effet immédiat de la transcription, quant aux inscriptions dont elle arrête le cours, même à l'égard des hypothèques résultant de titres antérieurs aux aliénations.

Pour apprécier l'influence de ces dispositions capitales, rappelons-nous d'abord les principaux résultats du mouvement des transactions exposés dans le rapport de l'administration de l'enregistrement, qui fait suite aux documents publiés par le ministère de la justice.

Le nombre annuel des ventes d'immeubles s'élève à un million soixante mille environ.

Dans ce nombre, les ventes de 600 francs et au-dessous sont de plus de 700,000, c'est-à-dire des deux tiers.

Le total des transcriptions est, à celui des ventes, dans le rapport approximatif de 22 pour cent.

Pour les ventes de 600 francs et au-dessous, ce rapport est de 12 pour cent.

Le terme moyen du prix des ventes de 600 francs et au-dessous est d'un peu plus de 200 francs.

Le plus grand nombre des ventes de 600 francs et audessous n'excède pas 100, 50 et même 20 fr.

Ces dernières ventes, pour lesquelles on ne lève pas même d'expédition, ne sont jamais transcrites.

Voilà des faits positifs, officiellement constatés; tirons-en les conséquences :

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