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sur les douanes et sur les produits indirects. Enfin il réclama encore avec le même succès les avances des receveurs généraux et les subsides particuliers du service de la trésorerie et du crédit public, en offrant pour hypothèque aux créanciers une partie du sol forestier, et, comme une inviolable garantie, son ancienne fidélité à solder avec exactitude tous les engagements de l'État.

Préoccupé de la pénurie du Trésor et des embarras de ces temps difficiles, Casimir Périer répondait à une personne qui le sollicitait, devant le ministre des finances, pour une dépense considérable : « Le baron vous refu<< sera une aussi grosse somme.-S'il s'agit d'un service << utile, s'écria celui-ci avec sa vivacité accoutumée, je << vous trouverai un milliard; vous n'aurez pas un « centime si vous me parlez d'une dépense qui ne soit « pas nécessaire. »>

Ces nouveaux efforts de courage et de talent ont fait triompher pour la troisième fois la fortune de la France des calamités qui menaçaient de l'engloutir; le baron Louis a su la délivrer, à plusieurs reprises, des conséquences désastreuses d'une banqueroute et conserver intacts son honneur, sa puissance et son crédit. Après avoir, par vingt mois d'améliorations rapides dans la fortune publique, acquitté sa dernière dette de dévouement à la patrie, il laissa à son successeur une situation financière aussi rassurante pour le présent que pour l'avenir.

C'est seulement alors qu'il a commencé à recevoir la récompense la plus digne de ses longs et honorables travaux, en suivant avec une joie bien méritée, sur le siége élevé qu'il occupait à la chambre des pairs, les ré

cents progrès de cette prospérité publique dont il avait si souvent préparé les bienfaits.

Ceux qui ont connu cet ancien administrateur ont admiré son inépuisable prévoyance pour créer des ressources au Trésor, sa religieuse exactitude à satisfaire tous les droits des créanciers de l'État, son inébranlable fermeté pour défendre l'intérêt général contre les prétentions mal fondées de l'intérêt privé, pour soutenir le mérite modeste contre les efforts de l'intrigue et dé la faveur, et pour protéger les fonctionnaires utiles contre les réactions politiques de tous les temps et de tous les partis.

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Témoin éclairé de révolutions nombreuses, il fut toujours prêt à combattre les passions individuelles et à servir les intérêts nationaux. Un jour qu'il était assailli par une foule de solliciteurs, il ouvrit brusquement sa porte et leur dit avec impatience ces paroles où se peignent si fidèlement la vivacité et la franchise de son caractère: << Que me voulez-vous? vos conseils, je n'en ai que faire; « des dénonciations, je ne les écoute pas; des places, je « n'en ai qu'une à votre service, c'est la mienne: pre« nez-la, si vous la voulez. » Puis il referma sa porte.

Ses collaborateurs ont pu seuls apprécier son infatigable activité pour le travail et cette ardeur pour le bien public dont il électrisait chacun des chefs de service par les fréquentes étincelles de sa verve patriotique. Sa parole toujours spirituelle et persuasive animait tous les esprits' de sa pensée, et pénétrait toutes les âmes de la véhé– mence de ses sentiments. Son élocution facile et brillante dans son cabinet, parce qu'elle était toujours appuyée sur une conviction profonde et inspirée par la plus féconde imagination, se refroidissait à la tribune devant

l'appareil d'une discussion publique et se troublait quelquefois devant les sophismes des rhéteurs et des avocats. Riche d'expérience et de véritable savoir, il n'aimait à communiquer les idées et les connaissances qu'il avait acquises qu'à ceux qui pouvaient les comprendre et les apprécier, et il ne répondait aux attaques des hommes superficiels et présomptueux que par les bienfaits d'une administration éclairée.

On l'a vu constamment dominer et embrasser dans sa haute intelligence l'ensemble de son ministère, ne se réserver que les vues générales et la direction supérieure de chaque partie et laisser toute l'exécution des détails à ceux qu'il avait jugés dignes d'une confiance sans bornes et qu'il leur conservait toujours.

Quoiqu'il embrassât avec ardeur les améliorations et les réformes utiles, il ne procédait ordinairement à leur1 application qu'avec la réserve et les précautions que lui commandait sa longue pratique des hommes et des affaires.

Dégagé de toute prétention personnelle, étranger aux vanités de l'esprit et du talent, il poursuivait le bien public avec tant d'abnégation qu'il montrait un sang-froid inaltérable au milieu des embarras et des dangers des temps difficiles. Aucune crainte, aucune arrière-pensée n'arrêtait son courage devant les résistances: il les attaquait en face et sans ménagement, marchait droit à son but, sans éviter les traits dirigés contre lui; maître de sa volonté comme de ses actions, il finissait toujours par triompher de tous les obstacles. Les jours de calme, où il se trouvait en butte aux petitesses et aux mesquines tracasseries des partis, épuisaient souvent sa patience et lui inspiraient du dégoût pour une administration

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où il ne croyait plus sa présence aussi nécessaire.

On ne l'entendait jamais parler dans sa retraite des services qu'il avait rendus, que pour en attribuer le merite à ceux qui l'avaient secondé avec un zèle d'autant plus dévoué qu'il savait mieux que personne grandir et honorer leur capacité.

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Il n'était fier que des talents qu'il avait créés par ses encouragements et par ses conseils ; la jeunesse intelligente et laborieuse trouvait en lui l'appui le plus fidèle et le guide le plus bienveillant. Son plus grand bonheur, celui dont il aimait ordinairement à se vanter, c'était d'avoir mis un homme de mérite à la place où il servait le mieux la société. Les qualités éminentes effaçaient à ses yeux les fautes légères et même les torts qui auraient le blesser, car il avait trop d'élévation dans l'âme pour humilier la faiblesse et pour triompher et se grandir des imperfections d'autrui. Personne ne savait mieux reconnaître les bons services, ni rendre hommage aux œuvres du talent. Son zèle actif sentait toujours l'aiguillon d'une émulation généreuse et jamais celui d'une envieuse rivalité. La simplicité de ses manières, la franche cordialité de son accueil et la bonté chaleureuse de son âme commandaient à tous l'affection et le dévouement aussi tous ceux qui appartenaient à cet homme de cœur par les liens de la famille, de la reconnaissance ou d'une intime relation, lui sont restés trop fortement attachés pour que la mort même ait pu briser des nœuds aussi chers, et les séparer entièrement de leur père adoptif, de leur bienfaiteur et de leur excellent ami. Le coup douloureux qui les a frappés à tant de titres, a enlevé à la chambre des pairs une illustration administrative dont le nom rappelle à la fois la détresse

:

et le salut du Trésor, la banqueroute imminente et la renaissance du crédit public; une de ces expériences longtemps respectées qui ajoutait à l'autorité de ses décisions; enfin un homme d'État aussi éclairé que courageux qui prêtait au gouvernement des secours toujours puissants par la fermeté de son caractère et par l'indépendance de sa situation.

FIN DU QUATRIÈME VOLUME.

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