Frances, pendant lesquels je ne l'ai point abandonnée, ses yeux constamment fixés sur moi s'éteignirent... Mes larmes coulèrent... Elles coulent encore...... Les ames sensibles me pardonneront cette digression de la douleur et de la reconnoissance. Celles que l'égoïsme et l'insensibilité ont desséchées, ne m'inquiètent pas : ce n'est pas pour elles que j'écris. Les climats chauds de ces contrées antiques, qu'à des époques trop enveloppées des ténèbres d'un passé éloigné pour être fixées avec quelque précision, l'homme a couvert de ses peuplades et de ses troupeaux, nourrissent les animaux les plus doux et les plus dociles dans les genres qu'il s'est appropriés; tandis que ceux qui, dans les parties dépeuplées de ces mêmes contrées, sont restées sauvages, ont une extrême férocité. Les animaux domestiques ne sont nulle part plus familiarisés, et, pour ainsi dire, plus exactement domestiques que dans les pays chauds de l'Orient. Le cheval, aussi ardent que l'air qu'il respire, y est néanmoins d'une extrême douceur. Le buffle, à peine sorti de son état de liberté sauvage, portant encore la physio. nomie de la férocité, est aussi traitable que le bœuf l'est en Europe. Il se laisse aisément monter et conduire, et un enfant suffit pour en diriger des troupeaux nombreux. Ce n'est pas dans la nature du sol et des alimens, ni même dans la température du climat, qu'il faut chercher la raison de cette douceur de caractère que l'on ne retrouve pas ailleurs. Ce n'est point ici, en effet, un défaut d'énergie ni une indolence naturelle, telle qu'on l'a observée dans les animaux qui habitent. les régions très- chaudes, mais, en mêmetemps, très-humides, de l'Amérique méridionale. Chaque espèce est douée de tout le feu, de toute la force, de toute la vigueur dont elle est susceptible. Mais c'est l'homme de ces contrées qui, après s'être acquis la propriété des animaux utiles, a su tirer le plus grand avantage de sa conquête. Cette partie de l'Orient a été de tout temps le séjour des peuples nomades, qui ne possédant d'autres biens que leurs troupeaux, n'ont d'autre soin que de les conserver. Ils ne les relèguent pas dans des lieux écartés de leurs habitations, ils les laissent vivre au milieu d'eux; ils ne les dédaignent, ni ne les abandonnent, et ils les conduisent par-tout où les porte leur genre de vie errante. Sans étables pour les renfermer, ils n'ont pas besoin d'entraves pour les contenir. Le dromadaire paissant en liberté pendant le jour, vient le soir s'accroupir de lui-même devant la tente de son maître, et cette même tente couvre le Bédouin et sa famille, aussi bien que sa jument, quelques chèvres et quelque brebis. Rien ne les sépare ils passent ainsi les nuits ensemble, sans confusion, sans accidens et dans la plus parfaite tranquillité. Il n'est pas étonnant que des animaux, qui font avec l'homme une société si intime, soient les plus privés du monde; et comme ce sont les Bédouins, ou des peuples ressemblans aux Bédouins, qui les ont fournis et qui les fournissent journellement aux autres nations établies dans les mêmes pays, il n'est point étonnant encore que l'on y remarque généralement des habitudes douces et paisibles dans tous les animaux domestiques. Un animal qui pourroit augmenter le nombre de ceux que les Egyptiens ont habitué à la domesticité, est la mangouste ou l'ichneumon (1). L'on en a beaucoup écrit, (1) Mangouste. Bu ffon, Hist. nat. des Quadrupèdes. - Viverra ichneumon. Lin. et l'on en a écrit beaucoup de fables. C'étoit l'un des animaux sacrés de l'ancienne Egypte. On lui rendoit des honneurs à sa mort; on l'entretenoit avec grand soin, de son vivant; des fonds étoient destinés à sa nourriture, ainsi qu'à celle d'autres espèces; on lui servoit, comme aux chats, du pain trempé dans du lait, ou du poisson du Nil, coupé par morceaux (1); et il étoit généralement défendu d'en tuer. Objet du culte d'un peuple célèbre, prétendu protecteur du pays le plus singulier du monde contre un fléau des plus fâcheux chez un peuple agricole, étranger et inconnu dans nos climats de motifs pour produire le merveilleux! Aussi n'a-t-il pas été épargné. La plupart des voyageurs ont vu la mangouste,, sans l'examiner ; et l'esprit prévenu par les contes que les anciens et les modernes ont débités à son sujet, ils les ont copiés successivement dans leurs relations. C'étoit au flambeau de la critique, guidé par le génie de Buffon qu'il étoit réservé de dissiper une foule d'erreurs qui obscurcissent l'histoire naturelle, en général, et celle de la mangouste, , que (1) Voyez les notes sur la trad. d'Hérodote, par le citoyen Larcher, §. 65 et 67... en particulier (1). Je ne répéterai point ici ce que l'on peut lire avec infiniment plus d'intérêt dans l'ouvrage du peintre sublime de la nature. Mais comme j'ai été à portée d'observer la mangouste, dans son pays natal et dans l'état de liberté, je vais donner le précis de mes remarques, sur ce quadrupède, et je tâcherai de fixer l'opinion que l'on doit prendre de son utilité, en réduisant à leur juste valeur des services que l'on a vantés et encore plus exagérés (2). Avec de grandes dispositions à la familiarité, les mangoustes ne sont point domestiques en Egypte. Non-seulement on n'en élève point dans les maisons, mais les habitans n'ont pas même le souvenir que leurs pères en aient élevées. Il est donc vraisemblable que celles que Bellon (3) et Prosper Alpin (4) assurent avoir vues en domesticité, n'étoient que quelques individus, nourris (1) Voyez l'Hist. nat. des Animaux quad. art. de là Mangouste. (2) Ces remarques sur la mangouste ou ichneumon d'Egypte, ont déjà été imprimées dans le Journal de Physique, du mois de mai 1785. (3) Observ. liv. 2', chap. 22. (4) Descrip. Egypt. lib. 4 |