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d'en décharger l'héritier (1), comme, dans le droit romain, le légataire du pécule d'un esclave était obligé à porter quitte l'héritier de toutes charges pour dettes contractées par l'esclave (2), par la raison que le legs du pécule était un legs d'universalité.

1026. Il en résulte encore que le legataire de l'usufruit d'un fonds de commerce est de même tenu d'en acquitter provisoirement le passif, à la décharge de l'héritier, puisque le fonds de commerce lui devient propre, par la délivrance qu'il en reçoit, et qu'il ne peut lui être acquis comme universalité, sans être grevé de la déduction du passif qui affecte la masse totale; mais après avoir payé les dettes, il aura le droit de s'en faire allouer le montant dans le compte qu'il devra rendre à la fin de son usufruit, ce qui diminuera d'autant la valeur qui est à restituer.

1027. Mais si le passif absorbait toute la valeur du fonds de commerce, le légataire de l'usufruit ne serait pas tenu de payer quelque chose au-delà. Il est, dans tous les cas, admissible à renoncer à son usufruit pour s'affranchir des charges qui en dépendent.

1028. Il n'en serait pas de même du légataire de

la propriété du fonds de commerce: celui-ci, en acceptant son legs, ne pourrait acquérir la propriété incommutable de l'actif sans se rendre propre aussi le passif. Il en serait de lui comme

(1) Voy. l. 77, S. 16, ff. de legat. 2.o, et sur-tout le commentaire de Cujas sur cette loi.

(2) LL. 17 et 18, ff. de pecul. legat., lib. 33, tit. 8.

du légataire ou de l'acquéreur d'une hérédité, lequel doit, à tout événement, garantir l'héritier contre toute recherche de la part des créanciers de la succession (1).

CHAPITRE XXI.

Des Droits de l'usufruitier sur les

1029.

créances.

L'USUFRUIT porte sur les créances lorsqu'il est spécialement établi sur cette espèce de biens, ou lorsqu'il a été légué sur tous les biens ou effets mobiliers (555), ou lorsqu'il est question d'un droit d'usufruit universel, ou à titre universel établi sur une quote générale de l'hérédité.

L'usufruitier des créances ayant le droit d'en jouir, on doit, par une conséquence nécessaire, lui en faire la délivrance; ce qui, suivant les règles du droit commun, s'opère entre l'héritier et lui, par la remise des titres (1689).

Cette délivrance ne doit avoir lieu qu'au moyen d'un inventaire exact de tous les titres, et après la prestation du cautionnement voulue par la loi.

Lorsque l'usufruit aura pris fin, on devra faire le récolement de l'inventaire, pour contraindre l'usufruitier de remettre, à son tour, tous les titres qui s'y trouveront relates, et dont les créances n'auraient pas été éteintes par le rem

(1) Voy. au chap. 37, sous le n.o 1849.

boursement, ou le forcer à la restitution des capitaux de celles qui auraient été remboursées entre ses mains durant sa jouissance.

1030. Les créances ne sont point, par elles-mêmes, des choses fongibles, puisqu'on peut, sans les consommer, jouir des revenus qui en résultent: l'usufruitier n'en acquiert donc pas la propriété par la remise qui lui est faite des titres au moyen desquels il pourra exercer les actions nécessaires pour en jouir.

En conséquence celles qui, n'ayant pas été remboursées, existent encore à la fin de l'usu fruit, doivent être remises au pouvoir du propriétaire, par la restitution des titres, comme choses qui n'ont pas cessé de lui appartenir.

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Mais si, durant l'usufruit, elles sont remboursées, elles se trouvent éteintes, et les sommes payées pour leur acquit ne sont plus que des choses fongibles dont l'usufruitier qui les reçoit devient propriétaire, à la charge d'en rendre autant à la fin de son usufruit.

1051. Les intérêts des créances ou arrérages de rentes sont des fruits civils (584), qui restent acquis à l'usufruitier, jour par jour (582), et lui appartiennent irrévocablement à proportion de la durée de son usufruit.

L'usufruitier a aussi le droit de recevoir les capitaux qui seraient payés par les débiteurs, et même de forcer le remboursement de ceux qui seraient exigibles : il a, en effet, le droit de jouir des capitaux qui sont dus à la succession, comme de tous autres objets soumis à son usufruit; or, pour jouir d'une chose, il faut l'avoir reçue:

donc il a le droit de toucher tous capitaux qui seraient volontairement remboursés par les débiteurs, et de contraindre au remboursement de ceux qui seraient exigibles.

1032. Quoique l'usufruitier des biens d'une succession ne représente pas, à titre universel, la personne du défunt dans toutes les actions actives et passives de l'hérédité : néanmoins c'est un principe constant, enseigné par tous les auteurs (1), que non-seulement il a le droit d'exercer toutes les actions héréditaires pour forcer les recouvremens de créances; mais même qu'il demeure responsable envers l'héritier des pertes qui pourraient arriver, par défaut de poursuites, soit pour le cas où les débiteurs seraient devenus insolvables, soit pour celui où la prescription leur serait acquise (2), ainsi que nous l'expliquerons plus amplement dans la suite, en traitant des fautes dont l'usufruitier peut se rendre coupable.

Ce droit ne souffrirait pas même d'exception pour le cas où l'héritier ayant, du vivant du testateur, contracté une dette avec lui, se trouverait débiteur de la succession. Sa dette éteinte par confusion sous le rapport du droit de créances, ne le serait pas sous celui de la jouissance due à l'usufruitier; et comme cette

(1) Voy. FERRIÈRE Sur GUYPAPE, quest. 541; dans LAPEYRÈRE, lettre U, n. 76; - dans CANCERIUS, variar. resol. part. 3, cap. 20, n.o 241; dans VOET, sur le digeste, lib. 7, tit. I, de usufructu, n. 33, etc., etc.

(2) Voy. dans POTHIER, traité des donations, part. 2, chap. 5, art. 2, n. 217.

jouissance devrait s'étendre à tout ce qui composait le patrimoine du défunt, elle comprendrait même le droit de créance qu'il avait sur son héritier, en sorte que celui-ci pourrait luimême être contraint à payer, entre les mains de l'usufruitier, le capital qu'il avait emprunté du défunt, quoique ce capital dût lui être rendu lors de la cessation de l'usufruit. Et pour se soustraire à ce nantissement, il ne serait pas plus recevable que tout autre débiteur à offrir seulement d'en servir l'intérêt, parce que l'usufruitier a essentiellement le droit de jouir de la chose par lui-même (1), ainsi que nous l'avons démontré ailleurs (2).

1053.

Pour intenter les actions tendantes à forcer les débiteurs au remboursement des créances héréditaires, l'usufruitier n'a aucunement besoin du mandat de l'héritier, parce qu'il agit en vertu d'un droit qui lui est propre. Quand l'usufruit est établi sur un fonds ou sur des meubles ordinaires qui se trouvent entre les mains d'un tiers, il est incontestable que l'usufruitier qui a une fois reçu la délivrance de son legs, est en droit d'agir directement lui-même pour revendiquer la jouissance de l'immeuble ou la remise des meubles soumis à son usufruit. Il n'en peut être autrement des capitaux de créances à recouvrer sur les débiteurs de la succession, puisque la jouissance lui en est également due.

(1) Voy. dans DUNOD, en ses observations, p. 352, n. 9; et dans GRIVEL, décision 42.

(2) Voy. sous les n. 2 et 50.

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