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NEUVIÈME QUESTION.

1110. Lorsqu'on a légué un droit d'usufruit sur des animaux, les poulains, veaux et agneaux qui sont nés avant la délivrance du legs, restent acquis à l'héritier, comme fruits perçus durant sa saisine légale. Et réciproquement ceux qui sont déjà nés le jour de la mort de l'usufruitier, restent dans son patrimoine et sont acquis à ses héritiers comme fruits perçus durant l'usufruit: mais si à l'une et l'autre de ces époques, les naissances de ces jeunes bétes sont tellement récentes que l'assistance des mères soit plus ou moins nécessaire à la nourriture et à la conservation des petits, quel parti devra-t-on prendre à cet égard?

L'usufruitier qui reçoit la délivrance de son legs, ou l'héritier qui rentre en jouissance des animaux quand l'usufruit est fini, sera-t-il obligé d'héberger, nourrir et soigner les jeunes bétes qui ne lui appartiennent pas, et de leur livrer les mères pour qu'elles les allaitent jusqu'à l'époque du sevrage? Et en cas d'affirmative, ne pourrat-il pas au moins exiger une indemnité pour cet objet?

L'assistance de la mère étant nécessaire à la conservation du petit, c'est là une charge naturelle charge qui est censée avoir été imposée par le testateur, et qui en conséquence ne peut être le fondement d'une demande en indemnité.

On voit par toutes ces questions de détail, que quand l'usufruit est établi sur des animaux, tout ce que les parties intéressées pourraient faire de

mieux, ce serait de régler définitivement leurs droits, dès le principe, par une convention à forfait.

CHAPITRE XXIV.

Des Droits de l'usufruitier sur les maisons et bâtimens, et leurs accessoires.

1111.

L'USUFRUIT établi sur les maisons et bâtimens, consiste principalement dans le droit de les habiter ou occuper en totalité, par soi-même ou par le fait d'autrui, conformément à leur destination.

L'usager a des droits bien moins étendus sur la maison qu'il habite à ce titre, puisqu'il ne peut qu'occuper par lui-même, et autant qu'il lui faut de logement pour lui et sa famille (633), sans pouvoir louer ni céder son droit à d'autres; tandis que l'usufruitier peut occuper toute la maison lors même qu'une partie seulement lui suffirait; qu'il peut louer à son profit la partie qu'il n'habite pas; ou même louer l'édifice en totalité (595), en se conformant à ce qui est prescrit par le code sur la durée des baux dont nous parlerons dans un autre chapitre.

Sauf les exceptions que nous avons signalées dans les chapitres précédens, c'est un principe général que l'usufruitier n'a le droit de jouir qu'à la charge de conserver la substance de la chose (578): en conséquence il ne lui serait

pas permis de changer de sa propre autorité et d'une manière la distribution des appartegrave mens: sed neque diætas transformare vel conjungere, aut separare ei permittetur: il ne peut ni retourner la face du bâtiment, ni en changer le vestibule d'entrée, ni y établir des escaliers dérobés, ni changer la forme des jardins: vel aditus posticasve vertere; vel refugia aperire; vel atrium mutare; vel viridaria ad alium modum convertere en un mot, il peut orner ce qu'il trouve; mais il ne doit point le dénaturer: excolere enim quod invenit potest, qualitate ædium non immutatá (1). Néanmoins, s'il ne s'agissait que de changemens minutieux, nous croyons qu'il ne se rendrait pas réellement coupable d'abus de jouissance en les faisant sans le consentement du propriétaire; on ne pourrait pas dire, en effet, que la substance de la chose fût altérée par des constructions purement accidentelles; sauf à rétablir les lieux dans leur état primitif, si le propriétaire qui est, sur ce point, seul juge de ses véritables intérêts, l'exige à la fin de l'usufruit.

Tout ce qui peut tendre à opérer de plus grandes dégradations dans les bâtimens, à en rendre l'habitation moins saine, ou à les exposer à de plus grands dangers d'incendie, est interdit à l'usufruitier. En conséquence de quoi il ne lui est pas permis de convertir une maison d'habitation ordinaire en une hôtellerie destinée à re

(1) L. 13, S. 7, ff. de usufructu; lib. 7, tit. 1; vid. et 11. 7 et 8, ff. eod.

cevoir le public; il ne pourrait la transformer en une étable, y établir une forge ou des bains publics, ni la louer à de pareils usages: Si domús ususfructus legatus sit, meritoria illic usufructuarius facere non debet: nec per coenacula dividere domum. At quin locare potest, sed oportebit quasi domum locare: nec balneum ibi faciendum est. Quod autem dicit meritoria non facturum, ita accipe quæ vulgò diversoria, vel fullonica appellant. Ego quidem etsi balneum sit in domo usibus domesticis solitum vacare in intima parte domús vel inter diætas amanas; non rectè, nec ex boni viri arbitratu facturum, si id locare cœperit ut publicè lavet: non magis quàm si domum ad stationem jumentorum locaverit; aut si stabulum quod erat domús jumentis et carrucis vacans, pistrino locaverit (1). Il ne lui serait pas permis d'y établir un magasin de choses qui sont d'une manutention dangereuse, comme de la poudre à canon; il ne pourrait y faire des dépôts ou amas de sel ou autres matières corrosives que les lois signalent (674) comme propres à corrompre l'édifice, ou de tous autres objets capables d'infecter la maison, et d'en rendre l'habitation mal-saine par la suite: Si tamen quæ instituit fructuarius, aut colum corrumpant agri,... non videbitur boni viri arbitratu frui (2). Dans tous ces cas l'usufruitier serait répréhensible, attendu que devant jouir suivant la destination du père de famille, il ne peut lui être per

(1) L. 13, §. 8, ff. de usufructu, lib. 7, tit. 1. (2) D. l. 13, §. 6.

mis de rien pratiquer ou entreprendre, ni de rien introduire dans l'édifice qui tende à le détériorer plus particulièrement, ou à l'exposer à des dangers d'incendies plus fréquens.

1112. L'usufruitier, dit Domat (1) d'après le texte des lois romaines, peut faire dans l'héritage sujet à l'usufruit des améliorations et réparations utiles ou nécessaires, et même pour son seul plaisir, pourvu que ce soit sans rien empirer ni changer dans l'état des lieux. Ainsi il ne peut hausser un bâtiment, changer les appartemens ni les autres dépendances d'une maison, ni les défigurer, augmenter ou diminuer; non pas même en ajoutant ce qui serait mieux, ou démolissant ce qui serait inutile: Non solùm necessarias refectiones facturum, sed etiam voluptatis causâ, ut tectoria et pavimenta et similia. Neque autem ampliare, nec utile detrahere posse quamvis melius repositurus sit (2); mais il peut user des jours et mettre des peintures et autres ornemens: Lumina immittere eum posse, ait: sed et colores, et picturas, et marmora poterit, et sigilla, et si quid ad domús ornatum : il ne pourra exhausser la maison en y ajoutant un étage, si le propriétaire s'y oppose, attendu que celui-ci peut avoir de justes motifs d'arrêter une pareille entreprise, quand ce ne serait que pour ne pas voir son édifice plus exposé aux coups des vents, par sa trop grande élévation: Item Nerva ait eum cui ædificiorum ususfructus legatus sit,

(1) Liv. I, tit. II, sect. I, n.° 7.

(2) LL. 7 et 8, ff. eod.

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