fentimens élevés, tout cela ne nous enflamme-t-il pas, pas, lors même qu'il n'est pas queftion d'obftacles à nos defirs? Ne reconnoit-on point en cela l'effet de l'éftime? Nous pourrions nous paffer d'elle, fi nous n'avions que des fens . à flatter; mais la plus noble partie de nous-mêmes ne peut pas demeurer dans l'inaction. L'amour n'eft ni un fentiment purement métaphyfique, ni une fenfation purement phyfique, mais un mêlange de l'un & de l'autre; les erreurs que l'on a fur fon compte ne viennent que de ce que l'on confond ces deux idées. L'Eftime au furplus ne peut-elle fe trouver avec la Beauté, les Grâces les Jeux & les Ris? Quand on est estimable, ne peut-on être que cela? Je conviens, Madame, que notre cœur eft fujet à mille égaremens; mais quelle eft la paffion qui ne nous égare pas ? Je fçais que tout le faux éclat dont vous nous parlez, eft propre à féduire les perfonnes de notre féxe; je ferai feulement quelques réflexions là-deffus. Ces êtres frivoles & fuperficiels, que vous croyez fi dangereux, & qui le font en effet, amusent toutes les femmes, & e les rendent pas toutes fenfibles; un Amant s'eft allarmé plus d'une fais މ mal-à-propos à ce fujet. Un Fat, qui n'eft que cela quelque agréable qu'il foit, eft fouvent le dernier homme qu'une femme voudroit aimer; plaire par la frivolité, c'eft tenir l'Amour par la plus légère plume de fes aîles. Avouons auffi que fous un air de fatuité, un homme cache quelquefois un heureux caractère & d'aimables qualités. J'oubliois de dire que ce n'est point l'Amour, mais la galanterie, dont on s'occupe dans la Société. Vous trouvez, Madame, l'Amour un peu vicieux. Pourquoi l'eft-il? Il ne corrompt point le cœur, il le trouve corrompu quand il porte à quelques excès honteux, ou plutôt les cœurs cor'rompus 'n'en ont jamais fuivi les loix, ni connu les plaifirs. Il ouvre l'âme à tous les fentimens qui font honneur à l'humanité; il eft noble, généreux, compatiffant on l'a fouvent vu quitter l'objet de fes foins & de fes defirs tout ce qu'il avoit de plus cher, pour tendre aux malheureux une main fecourable. Jettons les yeux fur l'Afie & les autres parties du Monde où il fe trou ve enfermé dans des murs inacceffibles; partout on ne voit qu'un vil efclavage une langueur prèfque ftupide & les ra vages de la tyrannie. Quel fpectacle pour ceux qui connoiffent les bienfaits de la Nature & les droits de l'Humanité, & qui, comme nous autres François, ont la liberté d'en jouir L'Amour fait quelques victimes, beaucoup de dupes; mais il pourroit faire beaucoup d'heureux, s'il n'étoit pas traverfé par les autres paffions. Ce n'eft point de lui que vient la corruption des mœurs mais du luxe & d'autres caufes que je n'éxaminerai point ici. Il peut porter à des foibleffes; mais ces foibleffes, au fond très-innocentes à l'égard des autres, font, aux yeux des Philofophes, moins criminelles que l'avarice haine, la médifance, & plufieurs autres vices qui font infiniment plus de mal, & qui n'empêchent pas de lever un front altier, & d'éxiger nos refpects. Ce n'est pas que je veulle attaquer la fageffe & la retenue, ni le préjugé févére qui les conferve; mais il faut avoir de l'indulgence & de l'équité. Enfin, Madame, fi vous regardez l'Amour comme un petit étourdi, capable de faire quelque fotife, laiffez - lui la vertu pour guide. Donnez-nous cependant vos Remords; ils pourront en épargner à d'autres, & nous amuferont cerrainement. Je fuis &c. la ÉPITRE à M. LEMPEREUR, Médecin de la Faculté de Montpellier, réfidant à T. en Bugey. S A N S votre art divin & vos foins, Des Galliens atrabilaires Dont l'air affaffin & rêveur, Dont la farouche & fombre humeur Et le jargon froid & stérile, Vanté par quelques ignorans, Qu'il vous auroit été facile Mais, cher Ami, que vais-je dire 1 Par M. JANN... Solitaire des Montagnes du Bugey, près de Belley, le Octobre 17.62. |