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pure et simple, lorsque, sur une seule observation de M. Persil, le garde des sceaux, M. Vivien déclara, au nom du gouvernement, qu'il retirait le projet.

Cette année, un projet nouveau est sorti de la discussion de la chambre des pairs, et il a été adopté, avec une seule modification, par la chambre des députés, dans la séance de 24 mai. La session touchant à sa fin, la chambre a donné son approbation à la proposition du gouvernement d'autant plus facilement qu'elle a pensé qu'il ne s'agissait que de confirmer son vote de l'année dernière. Elle n'a point voulu, comme le demandait M. Portalis, renvoyer la discussion à la session prochaine, et elle a écouté à peine quelques observations présentées par ce dernier et par M. Mauguin. Soit à raison de l'importance de la matière, soit à cause de la célérité qu'on a mis dans la discussion, il nous semble qu'il ne sera pas inutile d'entrer dans quelques détails sur les débats qui ont eu lieu, l'année dernière, dans la chambre des députés, et, cette année, dans la chambre des pairs.

Le but que, dans le dernier état des choses, on s'est proposé, c'est, on l'avoue, le sacrifice des principes généraux du droit aux réclamations et aux besoins du commerce; on a voulu opérer des changements complets dans les titres 2, 3 et 8 du liv. II du Code de commerce, et substituer des disposition nouvelles aux articles 216, 234 et 298. L'année dernière on lisait dans le rapport de la commission de la chambre des députés, que les limites du mandat du capitaine lui étaient naturellement assignées par son objet, que la cour de cassation a substitué à une spéculation dont l'armateur n'a pas voulu étendre les risques au delà de la valeur du navire, une opération de nature à compro

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mettre toute sa fortune; maintenant on convient que les arrêts de la cour ont saisi le véritable sens de la loi. De même, on ne parle plus, comme dans la dernière session, de l'utilité « de mettre la législation maritime de la France d'accord avec celle des peuples qui commer cent avec elle», car il a été démontré que la plupart des législations étrangères sont conformes à la législation actuelle. Cependant on rappelle encore les lois de la Hollande, du Danemark et de la Suède. Mais ces lois, du moins dans les deux derniers pays, remontent au XVII° siècle, et ont été évidemment rédigées sous l'influence de la coutume dont nous avons parlé. En Hollande, il est vrai, cette coutume a été constamment maintenue et l'article 216 du Code de commerce a toujours reçu une interprétation conforme au système qu'elle consacrait. Enfin elle vient d'être adoptée de nouveau par le Code récemment promulgué; mais cela s'explique par l'intérêt tout particulier et véritablement national qu'avaient les Hollandais à limiter la responsabilité des armateurs. De tout temps, la Hollande a trafiqué et navigué pour compte étranger; elle était, si l'on peut s'exprimer ainsi, la roulière des mers; c'est contre elle que Cromwell a porté le fameux acte de navigation, qui l'a frappée si profondément dans ses intérêts maritimes. Si, avec sa ténacité habituelle, la Hollande s'est attachée à une coutume vieillie, c'est que cette coutume lui était profitable, c'est que la construction et l'affrétement des navires pour les étrangers étaient restés pour elle une source féconde de prospérité. La même considération explique le maintien de la loi qui régit le Danemark, pays pauvre, sans industrie et sans colonies. Remarquons d'ailleurs qu'en Espagne, d'où est sorti le Consulat de la mer, qui a été longtemps la loi commune

de la Méditerranée, le principe coutumier a été abandonné pour celui qui régit à présent la plupart des peuples navigateurs.

Je vais suivre maintenant le projet de loi actuel sur le terrain nouveau où il vient de se placer, sur celui de la statistique et de l'économie politique, dont les données précises et concluantes m'ont été en grande partie fournies par la discussion brillante et profonde de la chambre des pairs. Le projet a été attaqué par MM. Persil, de Portalis, Ch. Dupin, Laplagne-Barris, de Villiers du Terrage, et défendu par M. le garde des sceaux, MM. d'Argout, Odier, Gautier et Mérilhou.

Je crois d'abord devoir présenter le texte, modifié par les amendements adoptés par la chambre.

« Les articles 216, 234 et 298, sont modifiés ainsi qu'il suit :

» Art. 216. Tout propriétaire de navire est civilement responsable des faits du capitaine, et tenu des engagements contractés par ce dernier, pour ce qui est relatif au navire et à l'expédition.

» Il peut, dans tous les cas, s'affranchir des obligations ci-dessus par l'abandon du navire et du fret.

» Toutefois, la faculté de faire abandon n'est point accordée à celui qui est en même temps capitaine et propriétaire ou copropriétaire du navire. Lorsque le capitaine ne sera que copropriétaire, il ne sera responsable des engagements contractés par lui, pour ce qui est relatif au navire et à l'expédition, que dans la proportion de son intérêt.

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» Art. 234. (§§ 1 et 2, conformes à la rédaction actuelle des deux paragraphes de cet article.)

» § 3. L'affréteur unique ou les chargeurs divers qui seront tous d'accord, pourront s'opposer à la vente ou

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à la mise en gage de leurs marchandises, en les déchargeant et en payant le fret en proportion de ce que le voyage est avancé à défaut de consentement d'une partie des chargeurs, celui qui voudra user de la faculté de déchargement sera tenu du fret entier sur ses marchandises.

» Art. 298. (§§ 1 et 2, conformes aux deux paragraphes du même article dans sa rédaction actuelle.)

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» § 3. Sauf, dans ces deux cas, le droit réservé au propriétaire du navire par le § 2 (3) de l'art. 234.

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§ 4. Lorsque, de l'exercice de ce droit, il résultera une perte pour ceux dont les marchandises auront été vendues ou mises en gage, elle sera répartie au marc le franc sur toutes les marchandises arrivées à leur destination ou sauvées du naufrage, postérieurement aux événements de mer qui ont nécessité la vente ou la mise en gage. »

Voyons d'abord quels sont les organes de ce besoin général, qui rendrait si urgent le changement de la législation de 1808, laquelle, s'il faut en croire M. le garde des sceaux, aurait mal entendu les intérêts du commerce maritime? Ce sont les chambres de commerce, qui depuis 1834 ne cessent d'adresser à cet égard des réclamations unanimes au gouvernement; le conseil général de l'industrie et du commerce, et les dix-neuf cours royales qui ont donné un avis favorable à la modification proposée. Devant des autorités si puissantes, il semble que les jurisconsultes n'aient qu'à garder le silence. Toutefois, en examinant attentivement ces différentes opinions, on remarque qu'elles sont inspirées par deux intérêts distincts souvent opposés, et aujourd'hui réunis pour repousser la responsabilité illimitée des armateurs, l'intérêt des armateurs et celui des chargeurs.

Les chargeurs se plaignent de la cherté du fret en France; l'industrie et le commerce se voient chaque jour orcés de recourir, pour une grande partie de leurs péditions d'outre-mer, au pavillon étranger; et ils sent que, lorsque les armateurs français pourront égager de leurs obligations envers les prêteurs més, avec qui les capitaines auraient contracté, en onnant le navire et le fret; que lorsque leur forte terre ne sera plus affectée par les engagements de pitaine, ils abaisseront le prix du fret. L'industrie

le

et

mmerce se sont donc associés aux réclamations éle par les armateurs contre les arrêts de la cour sue. Le gouvernement a accueilli ces demandes, paue, dans sa sollicitude pour la navigation nationavoit avec peine qu'elle ne suffit pas aux besoins to s croissants de l'industrie, et que le pavillon étrangefait une concurrence très-dangereuse. Il a voulu

er un essor nouveau aux armements maritimes, enrant les capitaux et en écartant tous les risques; ila qu'il obtiendrait ce résultat, puisque, dorénavant, les mateurs, après s'être fait assurer, comme cela se ue assez souvent, au-dessus de la valeur, retireen usant du droit d'abandon accordé pour tous cas, en compensation d'un navire usé, avarié ou erdu, la somme considérable de l'assurance.

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A la vérité, plusieurs cours royales ne se sont prononcées en faveur du projet que sous la condition que l'armateur serait tenu d'abandonner avec le navire le montant de l'assurance. La cour d'Aix, qui la première est élevée contre la jurisprudence, a notamment émis cette opinion les principales compagnies d'assurance de Paris l'ont soutenue; mais un amendement, proposé dans ce sens par M. Persil, a été rejeté par la IV. 2 SÉRIE.

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