ces actes, est-ce à dire que le législateur doive suivre cette manière de voir, et renoncer à punir ces actes immoraux, injustes et dangereux ? Dans le second chapitre, l'auteur jette un coup d'œil sur les codifications de la fin du XVIII° siècle et du commencement du siècle actuel. Avant la première de ces époques, c'est-à-dire dans le courant du XVIIIe siècle, la législation criminelle en Europe s'était bornée à des lois spéciales, modificatives de certaines dispositions des lois existantes. Ces lois spéciales étaient tantôt plus douces, tantôt plus sévères que celles qu'elles remplaçaient. En Allemagne, les juges en général étaient portés à l'adoucissement des pénalités; et, pour accorder avec la loi leurs décisions, conçues dans cet esprit, ils imaginaient fréquemment de certaines conditions du corps de délit ou du fait du crime défini par la loi, lesquelles étant d'une constatation à peu près impossible, leur fournissaient un prétexte pour renvoyer le prévenu, ou pour le punir d'une peine arbitraire moindre que celle édictée par le législateur. Cette tendance vers un système d'atténuation qui menaçait la loi elle-même, et avec elle l'ordre social, produisit une réaction qui se manifesta dans des essais de codification. Ces essais avaient pour but de définir plus exactement et plus clairement les divers délits dans leur nature générale et lans leurs éléments spéciaux, afin de restreindre l'arbiraire du juge. Si les peines furent adoucies, cet adouissement ne s'étendit pas jusqu'aux délits politiques; à eur égard, le législateur crut devoir persister dans les ues barbares du moyen âge et des siècles qui le suiirent immédiatement. L'auteur passe ensuite en revue les différentes codifiations modernes. On le Code pénal im bien pense que périal n'obtient guère d'éloges de sa part; il n'est pas encore question de la révision de 1832. Ce qui est plus étonnant, c'est que l'auteur a omis de parler du Code de 1791 et de celui de brumaire an IV. Après avoir caractérisé les nouveaux Codes criminels d'Autriche, de Bavière, de Saxe, de Würtemberg, de Brunswick, de Hanovre, de Hesse, il arrive à notre révision de 1832. Quoiqu'il reconnaisse l'utilité de plusieurs changements qu'elle opère, il critique cependant cette loi comme insuffisante, et, en beaucoup de points, comme défectueuse. Les lois criminelles publiées dans les derniers temps en Angleterre, dans l'Amérique du Nord, dans les États d'Italie, en Suisse, en Danemark, en Suède et en Norwége, sont aussi examinées et jugées. On peut s'attendre à ce que les observations de M. Mittermaier soient profondes et instructives. Après avoir ainsi fourni la partie historique de sa tâche, il passe à la partie philosophique et politique, et il traite, dans le chapitre XVIII, de la codification criminelle et de ses difficultés; il envisage ce sujet sous les quatre rapports suivants : 1° définition légale du corps de délit, ce mot pris dans son sens le plus large, où il signifie le fait du délit, abstraction faite de la personne de son auteur; 2° énonciation de certaines règles générales sur l'application des lois pénales; 3° choix des espèces de peines les plus convenables; 4o fixation de la quantité ou grandeur de la peine. Sous le premier rapport, l'auteur montre combien est délicate l'indication, ou la définition, ou la description de certains délits. Pendant qu'il y en a qu'un seul mot désigne suffisamment à tout le peuple, tels que le meurtre, l'adultère. il y en a d'autres, tels que le faux, l'escroquerie, qui, soit par leur nature particulière, soit parce que le le gislateur se refuse à incriminer tous les actes qui rentrent sous ces dénominations, sont difficiles à reconnaître. Les détails dans lesquels M. Mittermaier entre à ce sujet sont très-intéressants. Sous le rapport de l'énonciation de certaines règles communes à l'appréciation de tous les délits, l'auteur fait voir le danger de vouloir multiplier ces règles, telles que celles relatives à l'excuse tirée de l'ivresse volontaire ou involontaire, à l'ignorance de la loi pénale, à la nature de l'intention criminelle; on risque facilement de faire trop ou trop peu. Il fait remarquer la différence qui résulte en cette matière de la circonstance que c'est un jury qui juge de l'existence du délit, ou que c'est un tribunal composé de juges officiels qui en décide. Les difficultés dont il est ici question ont donné lieu, même en Angleterre, à des récriminations très-vives contre la codification criminelle. Quant au troisième point de vue, à savoir le choix des différentes sortes de peines à autoriser par la loi, on s'attend bien que l'auteur se déclare contre l'arbitraire des peines. Mais ce qui nous paraît moins digne d'approbation, c'est qu'il en revient encore, comme à une règle fondamentale, à l'assentiment de la voix populaire comme condition de l'admissibilité de tel genre de peine. Outre qu'il est difficile de constater cette voix populaire, nous répéterons l'objection déjà faite plus haut contre cette influence accordée au peuple pour lequel le législateur rédige la loi pénale. Il nous semble que le législateur doit pouvoir être le réformateur du peuple, même autant et plus que le rédacteur de ses volontés. Les anciens le savaient bien, et c'est à cela que leurs législateurs ont dû ce respect durable accordé à leurs œuvres. A propos de ce sujet, M. Mittermaier en vient aussi à IV. 2 SERIE. 48 parler des deux systèmes pénitentiaires qui divisent les esprits, à savoir l'isolement absolu, et le travail silencieux en commun. Il fait observer combien le caractère des différentes nations doit influer diversement sur l'effet de ces deux sortes de peines, et il semble se prononcer contre le système de l'isolement absolu. L'auteur trouve que le quatrième point de vue, celui de la quantité de la punition, est le plus difficile à déterminer. Selon lui, on a trop souvent, en cette partie de la législation, sacrifié exclusivement au principe de l'intimidation; cela est le cas partout en matière de peines décernées contre les attentats politiques. Il désirerait que parmi ceux qui s'en rendent coupables, on distinguât celui qui a été mû par une passion noble et patriotique, de celui qui a été poussé par de mauvaises passions, par l'ambition, par l'amour des richesses. Peut-être estil difficile et même dangereux de satisfaire cette manière de voir. Les crimes politiques ont cela de particulier, qu'ils tendent à la fois à attaquer l'ordre établi et le juge même appelé par la loi à punir cette attaque. Vouloir ici punir d'une faible peine, ou renoncer à punir (on en vient là en raisonnant dans l'hypothèse de l'auteur, car pourquoi punir d'une manière quelconque un homme qui par genérosité patriotique s'est jeté dans un complot contre l'État?) c'est vouloir renoncer à se défendre contre l'ennemi intérieur qui nous fait la guerre dans un but qu'il regarde comme grand, noble et utile. C'est ici encore que se montre l'insuffisance du système fondé sur la justice personnelle, dans lequel, à cette occasion, l'auteur retombe en dérogeant à son principe de la justice civile précédemment posé. Quoi qu'on fasse, on en reviendra toujours à voir que le principe fondamental de la loi criminelle, c'est la prévention géné 1 rale par intimidation, et que la punition personnelle du coupable n'est que la conséquence forcée de la mise en mouvement de ce système, puisque si l'exécution de la menace prononcée par la loi pénale ne suivait pas le délit, le but de l'intimidation serait manqué. Mais le principe de la justice doit tempérer ce que le principe de l'intimidation pourrait entraîner de brutal; la peine ne doit donc pas frapper l'auteur du fait comme tel, mais elle doit frapper l'auteur du fait comme ayant agi en connaissance de cause et méchamment, c'est-à-dire dans la disposition de nuire ou de se satisfaire, sans égard aux défenses de la loi du pays. - La mesure des punitions n'est pas proprement du ressort du principe de la justice; elle rentre dans la prudence politique. Pour garantir la société d'attaques peu dangereuses, il ne faut pas l'affliger, même dans la personne des coupables, de maux hors de proportion avec le mal causé par le délit. Il serait d'ailleurs difficile d'augmenter la mesure de la peine en proportion de la grandeur du délit, si une punition démesurée devait suivre un délit léger, et punir de la même forte peine des délits de gravité différente serait provoquer en quelque sorte les gens sans conscience à commettre des délits graves plutôt que des délits moindres. Qu'une peine excessive frappant celui qui a commis un délit peu nuisible à la société, soit faite pour révolter le sentiment du juste dans le peuple, nous n'en disconviendrons pas; mais nous pensons que ce n'est là qu'une considération bonne à mettre dans la balance, lorsqu'il s'agit de graduer les peines; ce n'est pas, à notre avis, le point de vue principal sous lequel cette gradation doit être envisagée. L'auteur, dans la théorie, d'ailleurs très-spirituelle, qu'il donne sur le choix de la quantité ou de la mesure |