retrouver l'alliance sous les coussins du trône, et put la remettre à l'Impératrice avant son arrivée à l'autel. L'Empereur avait toujours ignoré cette particularité, qui fit une assez grande impression sur l'esprit superstitieux de Joséphine. A vrai dire, les belles sépias d'Isabey sur la fête du sacre, dans leur correction officielle et froide, avec les solennels décors de Fontaine et de Percier, où se meuvent très cérémonieusement les personnages en grands costumes de gala (on croit toujours voir les poupées), n'offrent qu'un intérêt iconographique fort secondaire. Chaque individua lité est comme noyée dans la majesté du cadre et dans la foule des figurants. C'est à peine si l'on devine l'élégante démarche de Mme de Rémusat succombant sous le fardeau du fameux vase. Les exigences du programme que l'artiste s'est tracé pour exécuter des compositions où tout doit être sacrifié à la minutie des détails, font que la figure du personnage principal se perd dans la masse de l'ensemble. Il n'en sera plus de même dans le tableau du Couronnement, de David. Là, Napoléon se dresse de toute sa hauteur, au centre lumineux de la composition, entre l'Impératrice agenouillée à ses pieds et le pape qui la bénit. C'est instinctivement vers lui que vont tous les regards, attirés par la majesté de son geste et la beauté de son profil césarien noblement idéalisé, et définitivement formulé par le talent d'un des plus grands artistes du siècle. Dans ses compositions, Isabey a peint la cérémonie du sacre avec tous ses le reçu que vous lui en donnerez. Vous placerez tout dans l'ordre dans lequel ils doivent être portés ou employés, afin qu'au moment de l'arrivée de l'Empereur on attende le moins possible. (Signé: TALLEYRAND.) » détails. David a résumé dans la figure de Napoléon posant sur le front de Joséphine la couronne impériale toute la grandeur de cette fête. David ne consacra pas moins de quatre années à l'exécution du tableau du Couronnement'. Ce n'est que lorsqu'il crut avoir épuisé toutes les ressources de son talent, qu'il alla lui-même annoncer à l'Empereur que sa tàche était remplie, et bientôt le nouveau monarque désigna un jour pour se rendre à l'atelier de son premier peintre. T.-J. Delécluze, l'ami fidèle, l'élève et l'historien du grand artiste, nous a fait de cette visite un très intéressant récit : Ce jour venu, l'empereur Napoléon, l'impératrice Joséphine et toute leur famille, accompagnés des officiers de leur maison et des ministres, précédés et suivis d'un cortège nombreux de musiciens et de cavalerie, s'acheminèrent vers la rue Saint-Jacques et mirent pied à terre sur la place de la Sorbonne, près de la petite porte latérale de l'ancienne église de Cluny. Depuis quelque temps il avait été fort question, dans les salons de Paris, de la manière dont David avait disposé sa scène principale. Les personnes de la cour, surtout, critiquaient l'attitude de l'Empereur et reprochaient au peintre d'avoir fait de l'Impératrice l'héroïne du tableau, en représentant plutôt son couronnement que celui de Napoléon. L'objection n'était certainement pas sans fondement, et tous les gens jaloux de la gloire et de la faveur de David espéraient avec malignité que Napoléon, en critiquant cette disposition, déprécierait par cela seul toute l'économie de l'œuvre du peintre. Il est assez difficile de comprendre comment les gens de cour et les artistes de ce temps ont pu imaginer que David eût pris sous sa responsabilité l'attitude qu'il devait donner à Napoléon pendant la cérémonie du sacre. On aurait dû s'en reposer sur la prudence et sur la susceptibilité du nouveau souverain, 1. C'est pendant qu'il travaillait à cette importante composition qu'il reçut la commande d'un portrait en pied de l'Empereur, en habits impériaux, destiné à la salle du tribunal d'appel de Gênes. L'artiste s'était aussitôt mis à l'œuvre et avait fait de ce portrait une esquisse assez poussée; mais, pressé par ses tableaux qui l'intéressaient plus que les portraits officiels, il s'en rapporta, pour l'exécution en grand de son esquisse, à un de ses élèves, Georges Devillers, doué d'un pinceau habile et expéditif, mais dont il ne surveillait pas le travail avec assez de vigilance. L'impression que fit sur l'Empereur ce tableau fut des plus défavorables. Il en fut très mécontent et écrivit à Daru pour l'informer qu'il ne pourrait accepter cet ouvrage. «Monsieur Daru, 4 juillet 1806. « Je viens de voir le portrait qu'a fait de moi David. C'est un portrait si mauvais, tellement rempli de défauts, que je ne l'accepte point et ne veux l'envoyer dans aucune ville, surtout en Italie, où ce serait donner une mauvaise idée de notre école. NAPOLÉON. >> Le bruit de cette mésaventure s'était vite répandu dans le monde des arts. Bien des jaloux furent heureux de cet échec à la faveur du maître et entrevirent la possibilité de le remplacer auprès de l'Empereur, auquel on insinuait que son premier peintre avait fait exprès de confier cet important ouvrage à un de ses élèves les moins habiles. Précisément Regnault avait été aussi chargé d'un portrait officiel, et l'on espérait qu'à cette occasion il supplanterait David. Mais, aussi malheureux que lui, il vit son œuvre jugée avec une égale sévérité. David, qui avait été informé de ces petites intrigues et des espérances auxquelles s'était adonné son collègue, s'en vengea d'un seul mot. Le rencontrant un jour à l'Institut: <«< Eh bien, Regnault, lui dit-il, l'Empereur n'est pas content de nos portraits. Peut-être est-ce bien parce que je n'ai pas peint le mien, comme on le dit, et que tu as peint le tien, toi! » (David et son œuvre, par JULES DAVID. Chez Victor Havard, éditeur.) et penser qu'il avait tout prévu, tout calculé, tout arrangé d'avance avec son premier peintre. Le vrai programme donné à David et scrupuleusement suivi par lui était de montrer Napoléon, déjà couronné, imposant la couronne sur la tête de Joséphine, devant le pape, qui n'assistait là que comme témoin. Lorsque toute la cour fut rangée devant le tableau, Napoléon, la tête couverte, se promena pendant plus d'une demi-heure devant cette toile, large de trente pieds, en examinant tous les détails avec la plus scrupuleuse attention, tandis que David et tous les assistants demeuraient dans l'immobilité et le silence. La solennité de cette visite et la curiosité extrême que chacun éprouvait de savoir le jugement que l'Empereur allait porter de cette œuvre, produisirent, à ce qu'ont rapporté ceux qui étaient présents, une émotion profonde. Enfin, portant encore les yeux sur le tableau, Napoléon prit la parole et dit : « C'est bien, très bien, David. Vous avez deviné toute ma pensée, vous m'avez fait chevalier français. Je vous sais gré d'avoir transmis aux siècles à venir la preuve d'affection que j'ai voulu donner à celle qui partage avec moi les peines du gouvernement. >> En ce moment, l'impératrice Joséphine s'approchait de la droite de l'Empereur, tandis que David écoutait à sa gauche. Bientôt Napoléon, faisant deux pas vers David, leva son chapeau, et, faisant une légère inclinaison de tête, lui dit d'une voix très élevée : « David, je vous salue. »> Sire, répondit le peintre qui se sentit ému, je reçois votre salut au nom de tous les artistes, heureux d'être celui auquel vous daignez l'adresser. »> Pendant que Napoléon remontait en voiture, tous les courtisans s'empressèrent de faire au peintre des félicitations sur son ouvrage, et chacun se retira bien persuadé que le Couronnement de Napoléon ne pouvait être autrement décrit que comme on venait de le voir. Voilà plus de quatre-vingts ans que David signa cette toile célèbre, dont le temps ne fait que rehausser les beautés et qui, malgré ses défauts, a déjà subi triomphalement l'épreuve des critiques de plusieurs générations. On a vanté, dans des descriptions sans fin, les nobles attitudes de l'Empereur et de l'Impératrice, l'ampleur avec laquelle sont dessinés et peints les grands dignitaires de l'Empire.... On a blâmé quelquefois, et non sans raison, le coloris et même le dessin des personnages placés comme spectateurs dans les tribunes de l'église; on a souvent prétendu que l'immensité du champ du tableau, comparée à la petitesse relative des figures, détruisait en partie l'importance qu'il eût été si à propos de conserver aux personnages, et enfin |