taire russe; donnant des ordres à ses généraux le matin de la bataille d'Austerlitz; recevant sur le champ de bataille la soumission de généraux et soldats russes; conférant avec Alexandre au bivouac du moulin de Saruschitz; ratifiant le traité de Presbourg, puis proclamant rois l'électeur de Bavière et l'électeur de 1. Cette estampe porte l'intéressante attestation suivante, écrite de la main du prince Gabrielli Wurtemberg; enfin rentrant à Paris le 27 février 1806 à la tête de sa garde impériale et précédé de chariots chargés de trophées enlevés aux vaincus. A vrai dire, ces effigies impériales sont d'inégale valeur, et plusieurs même, surtout celles qui figurent au sommet de la colonne, sont d'une exécution par trop primitive et d'une très discutable vérité. Mais on s'en console assez facilement en songeant à l'impossibilité où l'on se trouve de les étudier dans leurs PROFIL DE NAPOLÉON. (Collection de M. Germain Bapst.) détails. Je m'imagine sans peine la détresse des iconographes napoléoniens si, à la suite du cataclysme épouvantable imaginé par Hugo, il ne restait plus debout au milieu du néant de toutes choses, que Notre-Dame, l'Arc de Triomphe de l'Étoile et cette illustration de bronze avec ses dix-neuf Napoléons au petit chapeau et le César olympien qui lui sert de couronnement. L'image colossale de Napoléon, qui se dresse encore aujourd'hui au sommet de la colonne Vendòme, a subi diverses transformations, après avoir été, à plusieurs reprises, précipitée du haut de son piédestal par le souffle des révolutions. Et, fait digne d'être mentionné, au lendemain de la première entrée des alliés dans la capitale, on eùt assisté, sans l'intervention de l'étranger, à la destruction, de fond en comble, de la colonne elle-même. Plusieurs hommes sans mission, nous dit M. Ambroise Tardieu, l'historien très documenté de la colonne, profitèrent du premier moment de stupeur pour renverser l'image d'une idole que la plupart avaient encensée. Leurs tentatives furent d'abord sans résultat : ces hommes, qui avaient le désir de la destruction sans en avoir le génie, commencèrent par faire attacher à la figure des câbles à l'extrémité desquels ils attelèrent plusieurs chevaux. Ils ne lui-même : « Unico ritratto dell' imperator Napoleone Bonaparte che gli assomigli; comprato in Parigi dal principe Don Pietro Gabrielli in Dicembre 1809. »- «Seul portrait de Napoléon Bonaparte qui lui ressemble; acheté à Paris par le prince Don Pierre Gabrielli en décembre 1809. » songeaient point que l'angle sur lequel ils opéraient ne faisait que mu!tiplier la résistance. Las de l'inutilité. de leurs efforts, ils proposaient déjà de faire jouer la mine, lorsque le fondeur qui avait coulé la statue vint offrir ses services. Des chèvres furent élevées au faite de la colonne, et, après avoir scié les jambes au-dessous des chevilles, on parvint, non sans peine, à enlever et à descendre cette figure, qui fut transportée dans les magasins mêmes où elle avait été fon due1. Là ne se borna point la profanation plus tard on eut besoin de bronze pour couler un autre monument, et l'un des plus beaux ouvrages du statuaire qui avait été longtemps le chef de notre école fut impitoyablement brisé et jeté à la fonte comme de la matière brute". 1. Le poids de la statue de Chaudet était de 6564 livres et sa hauteur de plus de 10 pieds. 2. La statue équestre d'Henri IV par Lemot qui se trouve sur le terre-plein du Pont-Neuf. 3. Le récit de M. Ambroise Tardieu a besoin d'être rectifié sur un point. Ce n'est pas le fondeur (il s'appelait Launay) qui offrit lui-même ses services au vandalisme des royalistes. Il fut mis en réquisition par M. de Montbazon, chef d'état-major de la place de Paris, que M. de Polignac et de Sémallé, commissaires du comte d'Artois, avaient investi de tous les pouvoirs nécessaires à cet objet. Il est même prouvé que Launay résista tout d'abord, et qu'il ne céda qu'à un ordre très menaçant signé de Rochechouart, colonel aide de camp de S. M. l'Empereur de Russie, commandant la place. Cet ordre est daté du 4 avril, et ainsi conçu: « Ordonnons au dit M. Launay, sous peine d'exécution militaire, de procéder sur-le-champ à la dite opération, qui devra être terminée mercredi 6 avril à minuit. » M. Pasquier, alors préfet de police, écrivit sur la pièce : « A exécuter sur-le-champ. » Détail caractéristique: on crut devoir remplacer par des soldats russes la garde nationale de service auprès du monument. L'EMPEREUR. Le drapeau fleurdelisé remplaça la statue de Chaudet, puis disparut à son tour pendant les Cent-Jours, pour reparaître à la seconde Restauration. En 1832, une nouvelle statue de Napoléon, d'un modèle tout différent de celle de Chaudet, remplaça le drapeau blanc. L'auteur de cette poral, sous le petit chapeau et D'après une medaille de Manfredini gote grise. L'image ainsi inter prétée du vainqueur d'Auster D'après une médaille de Droz, (1804.) litz ne tarda pas à devenir très populaire, malgré l'aspect peu décoratif de sa silhouette'. Napoléon III, trouvant sans doute que l'idée dynastique était insuffisamment symbolisée dans cette figure à l'accoutrement moderne, ordonna que le Petit Caporal fit place à César, et l'on put voir encore (troisième avatar de l'effigie napoléonienne de la colonne) une statue antique, jambes nues, une Victoire à la main, une chlamyde sur l'épaule, succéder à l'Empereur en redingote grise. Mais la colossale figure impériale n'était pas encore à la fin de ses infortunes, et qui sait si le mystérieux avenir ne lui réserve pas de nouvelles transformations et des injures nouvelles! Il n'est dans le passé gloire si haute qui ne puisse être souillée par les aveugles violences des foules serviles et changeantes, et le sauvage et stupide sentiment de destruction qui animait également les royalistes de la Restauration et les insurgés de la Commune, les Montbazon et les Courbet, les Polignac et les Bergeret, persiste, hélas! à travers la vie haineuse des partis. L'EMPEREUR ET L'IMPERATRICE. 1. Cette figure monumentale fut commandée à Seurre à la suite d'un concours auquel prirent part de nombreux sculpteurs. Elle fut solennellement inaugurée par le roi en personne, le 28 juillet 1833, pendant les fêtes destinées à célébrer le troisième anniversaire de la Révolution Piece anonyme représentant le sacre de Napoléon (Bronze). de 1830. Une réduction du Napoléon de Seurre existe au musée de Versailles, avec quelques variantes dans les détails du costume. 2. L'auteur de cette figure, sorte de pastiche du Napoléon de Chaudet, est M. Dumont, à qui l'on doit aussi la statue du Génie de la Liberté qui plane sur le haut de la colonne de Juillet. Ce fut six jours seulement avant la prise de Paris par les troupes de Versailles que la colonne Vendôme fut renversée par ordre du gouvernement insurrectionnel. M. Jules Claretie' nous raconte, avec de curieux détails, dans quelles conditions s'accomplit cette difficile opération, à laquelle notre chevaleresque adversaire, le tsar Alexandre, s'était opposé de toutes ses forces en 1814: Le 16 mai, à trois heures et demie de l'après-midi, dit M. Claretie, le clairon sonne ; quelques membres de la Commune prennent place au balcon du Ministère de la Justice, la musique du 100 bataillon exécute la Marseillaise, à laquelle succède le Chant du Départ, exécuté par la musique du 172° bataillon. On fait éloigner tout le monde; chacun se range autour de la place. A cinq heures un quart, les cabestans fonctionnent, la tension des câbles s'opère lentement. Il est cinq heures et demie; l'attention est immense, chacun est haletant Un cri étranglé par la peur d'un accident dont il est impossible de mesurer l'étendue part de toutes les bouches; la colonne s'ébranle; un silence d'épouvante se fait dans la foule anxieuse; puis, après avoir oscillé un moment sur sa base, cette masse de bronze et de granit tombe sur un lit qui lui a été préparé; un bruit sourd se mêle au craquement des fascines, des nuages de poussière s'élèvent dans les airs. A l'instant, une immense clameur se dégage de la foule: Vive la République! Vive la Commune!... 1. Histoire de la Révolution de 1870-1871, par JULES CLARETIE. Decaux, éditeur. |