Allioli, Bonnat, Gérôme, François Flameng, Charles Meissonier, de Nolhac, Brenot, le comte d'Hunolstein, Georges Hirth.... Que tous ces obligeants collaborateurs me permettent, dès cette première page, de leur adresser l'expression de mes remerciements et de ma vive gratitude. REMARQUE GRAVÉE A L'EAU-FORTE PAR MEISSONIER POUR LA PLAQUE DU « FRIEDLAND >> Gravée par Jacquet (collection de M. Edmond Simon). CHAPITRE I BONAPARTE DE 1769 AU DÉPART POUR L'ARMÉE D'ITALIE U (16 MARS 1796) N des privilèges de ceux qui sont nés sur les marches du trône (pour employer une formule classique non exempte d'étrangeté) est de voir, dès leur âge le plus tendre, leurs traits d'enfants immortalisés par le pinceau des plus glorieux artistes. Longue est la liste des archiducs, des infants, des dauphins, des princes du sang..., dont les Van Dyck, les Velasquez, les Clouet, les Rigaud, les Reynolds... ont peint la figure, et dont la gravure a popularisé les images. Aussi peut-on, sans peine réelle, étudier, d'après tous les âges du modèle, l'iconographie des Philippe IV, des Charles I, des Louis XIV, des François II. Il n'en est plus de même lorsqu'on veut établir, par une classification chronologique de portraits, et sans aucune lacune appréciable, l'histoire de la physionomie de Napoléon. BONAPARTE A BRIENNE. Jamais sans doute, du moins jusqu'à nos jours, où les procédés de reproduction multiplient à l'infini les images les plus banales, aucune figure humaine n'avait été aussi souvent représentée que celle de Napoléon', et sous toutes les 1. Les écrits napoléoniens ne sont guère moins nombreux que les images qui, dans la seule collection du département des estampes, se chiffrent par plus de cinq mille. Pour s'en assurer, il suffit de jeter les yeux sur le premier fascicule de la Bibliographie napoléonienne qui vient de paraître tout récemment formes et dans tous les pays, et jusque par des artistes naïfs de l'ExtrêmeOrient, comme nous le verrons dans le cours de cet ouvrage. Cependant et il est permis ici d'être affirmatif) aucun portrait ne fut fait d'après nature de Bonaparte enfant, et il faut nous résigner à ne jamais connaître les traits véritables du petit solitaire de la grotte de Milleli, du « jeune Corse chasseur de papillons », dont Guérin, Gros et David devaient peindre plus tard si magistralement le visage tourmenté, le profil d'aigle et le masque césarien. Né loin du trône, il ne pouvait prétendre dès son jeune âge à l'éternelle consécration de ses traits par des peintures officielles'. C'est seulement au début de la seconde campagne d'Italie que sa figure, au milieu de la lueur des batailles, commence à rayonner sur le monde. Le 17 novembre 1796 est la véritable date initiale de l'histoire de Napoléon par l'image, car, en peignant l'héroïsme du vainqueur d'Arcole, Gros fixa pour la postérité, et d'une manière définitive, la figure du soldat nerveux de Marengo, de Rivoli, des Pyramides, du maigre conspirateur de Brumaire.... De ce portrait type dérivent, plus ou moins bien interprétées, les innombrables images de Bonaparte exécutées depuis la campagne d'Italie jusqu'à nos jours. Toutefois, ce livre ne devant pas être exclusivement consacré à l'étude des portraits de Napoléon faits d'après nature (le sujet serait en vérité trop pauvre, mais aussi aux multiples interprétations, et à diverses époques, de la figure, soit isolée, soit prise dans le décor mouvementé d'une composition, nous devons signaler quelques intéressantes images publiées après la campagne d'Italie, et dont le sujet est emprunté à des dates souvent antérieures. C'est ainsi que M. Jules Laurens a, dans un dessin d'ailleurs assez médiocre, représenté Bonaparte enfant, assis au milieu de ses livres, dans cette grotte de Milleli, vulgairement désignée aujourd'hui sous le nom de grotte de Napoléon. Après des courses vagabondes à travers les maquis de son pays natal, le futur empereur à Modène. Dans ce fascicule, qui ne comprend encore que la lettre A, M. Albert Lumbroso a catalogué avec un soin extrême huit cent dix ouvrages: mémoires, correspondances, libelles, bibliographies, relations militaires et autres, qui peuvent servir à l'histoire de Napoléon. On peut donc, sans exagération, évaluer à vingt mille les livres et brochures qui seront mentionnés dans ce précieux ouvrage. 1. La famille Bonaparte, qui s'était réfugiée en Corse au commencement du xv° siècle, proscrite par les Guelfes victorieux, était autrefois une des familles illustres de l'Italie. Inscrite sur le livre d'or à Bologne, patricienne à Florence, elle était alliée aux plus grandes maisons de Toscane, aux Médicis eux-mêmes. Le nom de Napoléon n'était resté dans la famille qu'en souvenir d'un de ses membres, Napoléon des Ursins, qui s'était signalé par sa bravoure et ses talents militaires. La chaire de jurisprudence à l'Université de Pavie a été fondée par un Nicolas Bonaparte, célèbre jurisconsulte, dont le neveu, Jacques Bonaparte, a écrit la meilleure histoire que nous possédions du sac de Rome par les soldats du connétable de Bourbon.... Le nom de Bonaparte brille de quelque éclat dans les fastes de la diplomatie italienne. C'est un Bonaparte qui a signé le traité d'échange de Livourne avec Saezani ; enfin, la mère du pape Paul V était aussi une Bonaparte. (ABEl Hugo.) 2. Ce dessin a été reproduit à la page 924 du Grand Dictionnaire (édition de 1867). aimait à méditer et à apprendre ses leçons dans cette fraîche et ombreuse retraite, dont le silence n'était troublé que par le chant des merles, la chanson du vent dans les myrtes et les oliviers, et le murmure des flots. C'est du moins ce que nous apprend M. de Coston, le pieux et infatigable biographe des premières années de Napoléon. Et, ce qui rend très plausible l'opinion du baron de Coston, c'est que Bonaparte s'est chargé lui-même de faire connaître à la postérité tout l'attrait qu'avait pour lui cette grotte désormais célèbre, en datant de Milleli la fameuse lettre écrite le 25 janvier 1790 à Buttafuoco. Cette lettre, foudroyante apostrophe, qu'il fit ensuite imprimer sous ce titre Lettre écrite par Bonaparte à M. Matteo di Buttafuoco, maréchal des camps et armées du roi, député de la noblesse corse à l'Assemblée constituante, est en effet précédée de ces mots : « De mon cabinet de Milleli1» Il existe aussi, dans les cartons de la Bibliothèque nationale, une vignette anonyme qui paraît dater des dernières années de l'Empire, et qui fut sans doute gravée pour orner une biographie. Elle représente Bonaparte âgé de six à sept ans, costumé en baby de cour, debout dans l'allée d'un vaste parc aux grands arbres, et récitant sa leçon à sa mère, qui se tient assise à sa droite. Cette gravure, assez finement exécutée, est d'ailleurs sans intérêt historique. 1. Il faut lire en entier cette véritable philippique pour bien se rendre compte de l'ardeur des convictions républicaines du jeune Bonaparte. En voici un des passages les plus caractéristiques : « O Lameth! Robespierre! ô Pétion! ô Volney! ô Mirabeau! ô Barnave! ô Bailly! ô Lafayette! » s'écrie Bonaparte, après avoir tracé un portrait réellement hideux du général royaliste, « voilà l'homme qui ose s'asseoir parmi vous! Tout dégouttant du sang de ses frères, souillé de crimes de toute espèce, il se présente avec confiance sous une veste de général, inique récompense de ses forfaits! Il ose se dire représentant de la nation, lui qui la vendit, et vous le souffrez! Si c'est la voix du peuple, il n'eut que celle de douze nobles; si c'est la voix du peuple, Ajaccio, Bastia et la plupart des cantons ont fait de son effigie ce qu'ils eussent voulu faire de sa personne (Buttafuoco avait été brûlé en effigie). <«< Et vous, que l'erreur du moment, peut-être les abus de l'instant, portent à vous opposer aux nouveaux changements, pouvez-vous souffrir un traitre, celui qui, sous l'extérieur froid d'un homme sensé, Dans ces mêmes cartons, j'ai découvert une jolie lithographie de Raffet, où l'on peut voir très habilement groupés, dans un des salons de la vieille maison d'Ajaccio, les membres principaux de la famille Bonaparte. Ils écoutent dans un recueillement profond l'excellent oncle, l'archidiacre Lucien, qui prédit au jeune Napoléon sa glorieuse destinée, en le donnant comme exemple à ses frères. L'attitude méditative attribuée par l'artiste au principal personnage dans cette composition est d'un pittoresque très amusant'. Le séjour de Bonaparte à Brienne, puis à l'École militaire de Paris (1784 l'échancrure de son gilet, et dirigeant déjà avec une incontestable autorité d'attitude les combats à coups de boules de neige que se livraient entre eux les écoliers ses camarades, « déjà subjugués par son génie naissant ». Dans les deux célèbres lithographies qu'il a exécutées sur le même sujet, Charlet nous montre au contraire Bonaparte méditant dans l'isolement. Ici, tout l'intérêt se porte sur le personnage. Ce sont, à proprement parler, des portraits, portraits reconstitués, il est vrai, à l'aide du document, mais cependant d'une fidélité assez grande, si l'on en juge par la figure que Gros avait exécutée d'après nature treize ans auparavant. Dans ces deux compositions, Napoléon porte l'uniforme de l'école : tricorne galonné, habit à parements, culotte noire cheveux bouclés à la queue. Dans l'un des dessins, il est en faction, et, sentinelle cache une avidité de valet? Je ne saurais l'imaginer. Vous serez les premiers à le chasser ignominieusement dès qu'on vous aura instruits du tissu d'horreurs dont il aura été l'artisan. << De mon cabinet de Milleli, le 29 janvier an II. » 1. Comme l'estampe de Raffet reproduite à la page 6 de cet ouvrage, cette lithographie appartient à une suite historique exécutée par le grand artiste et qui comprend vingt-cinq planches où sont résumés les événements principaux de la vie de Bonaparte depuis sa naissance jusqu'au 18 brumaire. Raffet eut le courage de publier son Histoire de Bonaparte en pleine Restauration (1826). Il n'avait alors que vingt-deux ans et travaillait encore à l'atelier de Charlet. |